Le 25 novembre de chaque année, la violence qui gangrène notre société se matérialise sous forme de chiffres, de slogans, de pourcentages, de hashtags, de discours politiques, aussi, parfois…
Principales victimes de ce fléau, trop souvent silencieux mais qui laisse des bleus et des traces indélébiles, les femmes.
Sous nos cieux, selon une enquête publiée par le ministère de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et de Développement Social en mai dernier, 52,5 % des femmes mariées et 54,4 % des fiancées ont été victimes de violences.
54,4 % des Marocaines ont subi une violence (physique, sexuelle, psychologique, économique, électronique) dans l’année qui a précédé.
Et toujours selon cette même étude, 6 % des femmes violentées ont porté plainte contre leur agresseur. Autrement dit, il n’y a pas foule au commissariat quand il s’agit de dénoncer un homme abusif. Et malheureusement, il n’y a rien d’étonnant à cela.
Porter plainte contre un inconnu qui vous agresse dans la rue est compliqué en soi. Les victimes se refusent souvent à le faire de peur d’être jugées coupables à la place du coupable. «A quelle heure étiez-vous dehors?», «Et pourquoi étiez-vous dehors à cette heure là, à cet endroit?», «Comment étiez-vous habillée?»… Bref, on connaît la chanson, un peu trop bien d’ailleurs, au point d’être prêtes à encaisser les coups, dans le silence.
Alors imaginez un peu que cet homme-là, cet agresseur, soit l’homme qui partage votre vie. Que faire? A qui se plaindre? Qui pour nous croire? C’est le dilemme des femmes à travers le monde, et pas seulement au Maroc.
Victimes collatérales, les enfants, aux premières loges pour assister à ce triste spectacle et qui malheureusement, seront peut-être amenés à devenir eux-mêmes des bourreaux à leur tour en grandissant, perpétuant ainsi un schéma familial.
Selon l’enquête internationale sur les hommes et l’égalité des sexes, publiée par l’ONU femmes en 2017, on constate ainsi que «dans les quatre pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord où une étude multipays a été menée, les hommes ayant vu leur père user de violence contre leur mère et ceux ayant été victimes d’une certaine forme de violence durant leur enfance sous leur propre toit étaient manifestement plus enclins à infliger des violences à leur conjointe durant leur vie adulte».
Chose suffisamment importante et appréciable pour être soulignée, cette année, à l’occasion d’une campagne de mobilisation internationale qui dure du 25 novembre au 10 décembre, le Maroc milite contre les violences sous le hashtag #hit_ana_rajel.
Une fois n’est pas coutume, les hommes sont enfin associés à ce combat qui les concerne tout autant que les femmes, voire davantage.
Certes, mettre en place des plateformes de soutien, des centres d’écoute, d’hébergement est crucial. Certes, le durcissement des lois l’est tout autant.
Mais pour traiter le mal à la racine, il est indispensable d’associer les hommes au débat, afin de les questionner sur leur représentation d’eux-mêmes, de redéfinir ensemble la notion de virilité et de repenser les pouvoirs attribués aux hommes de par leur condition masculine.
Autre axe de réflexion pour les hommes marocains, celui de la crise de la masculinité qu’ils traversent depuis que les lois votées et appliquées par le Maroc devancent les pratiques, les coutumes et les traditions. Dans un pays en pleine mutation, les rôles masculins et féminins changent, s’intervertissent mais non sans conséquences.
Une réflexion qui ne pourra se faire qu’ensemble, parce qu’il n’y pas de «eux» et de «nous» et parce que comme Rousseau, on a envie de croire que l’homme naît bon, et que c’est la société qui le corrompt.