Je ne sais pas qui avait dit un jour: «Si vous voulez que le peuple vous aime et vous suive, dites-lui ce qu’il a envie d’entendre», mais il a mille fois raison. Dans tous les cas, il semble que nos ténors politiques ont bien compris la leçon et l’appliquent à la lettre.
De la droite de plus en plus pépère jusqu’à la gauche qui perd ses repères, en passant par un centre qui semble avoir enfin trouvé un père, tout le monde passe son temps à faire “guiliguili” au peuple avec l’espoir de le séduire et le faire chavirer.
D’ailleurs, je ne croyais pas si bien dire car tous ceux et toutes celles qui sont tentés d’être menés en bateau n’ont aucune idée de la galère dans laquelle tous ces messieurs-dames leur proposent de monter. En vérité, ceci a toujours existé chez nous, mais j’ai l’impression que ces derniers temps, c’est monté d’un cran. Oui, je sais que nous avons entamé une année élective, mais il ne faut quand même pas exagérer.
À chaque fois qu’ils ont l’occasion de s’adresser au «peuple», que ce soit dans les meetings ou bien à travers les médias audiovisuels, surtout la télé, ils utilisent tous les moyens verbaux pour le convaincre qu’on est en train de profiter de sa faiblesse pour le maltraiter, l’exploiter, lui soutirer un max de fric, bref, renforcer ses malheurs. Et il ne faut pas plus que cela pour attendrir «le pauvre peuple» et déclencher ses pleurs. Vous savez, les populistes ont un pouvoir lacrymogène redoutable.
Ils sont pires que certains films égyptiens de années 60 qui arrivaient à provoquer une hystérie larmoyante chez le public dès le début du générique. Certains de nos orateurs ont le même talent sinon plus que les plus grandes stars de cinéma ou de théâtre. A la seule différence que les vrais comédiens, eux, ne demandent jamais à leur public de les élire, mais juste de les applaudir.
De plus, on ne les applaudit pas parce qu’ils nous font de belles promesses, mais parce qu’ils nous offrent de bons spectacles. Par ailleurs, si les populistes tiennent tellement à nous faire pleurer ou à nous faire rire, ce n’est pas seulement pour nous émouvoir, mais c’est pour que le jour venu, on choisisse leur bulletin dans l’isoloir. Pour cela, ils sont prêts à raconter au peuple «malheureux» toutes les histoires... qu’il aimerait entendre. En fait, la formule est d’une simplicité enfantine: ils ne font que répéter aux gens ce que ces mêmes gens ont dit eux-mêmes.
Si par exemple les gens protestent contre une décision du gouvernement ou d’une autre institution qui leur paraît injuste ou non justifiée, eh bien il suffit de prendre cette cause et d’en faire la sienne. Je vous donne quelques exemples. Je vais commencer par quelque chose qui fait à chaque fois les choux gras de nos maigres journaux, à savoir les augmentations du coût de la vie, lesquelles augmentations sont somme toute tout à fait normales dans tout pays normal. Eh bien, notre populiste, lui, tout en sachant que si, par exemple, le prix de l’eau, de l’électricité ou de toute autre denrée de consommation courante a augmenté, c’était inévitable pour des raisons notamment économiques ou financières qu’il connaît parfaitement. Pourtant, il va quand même dénoncer cette mesure «antipopulaire» et exigera à cor et à cri de l’annuler.
Un autre exemple très récent: le blocage par qui de droit de certaines applications sur Internet qui permettaient de téléphoner gracieusement, notamment à l’étranger. Là, que ce soit dans les foyers, sur les terrasses de café où dans les émissions à la télé, c'était exactement le même discours: le peuple est pauvre et gentil et les opérateurs téléphoniques sont riches et méchants.
Je pourrais vous donner comme ça des dizaines d’autres exemples, mais je vais me contenter d’un tout dernier que j’ai entendu tout récemment à la télé de la bouche d’un ex-bâtonnier et néanmoins ex-ministre qui se veut le chantre d’un certain libéralisme local éclairé mais très clair. Il a reproché d'une manière virulente à nos banques de facturer un petit supplément pour le paiement de la vignette automobile. Il s’est même écrié, la larme à l’œil: «Pourquoi, pour une fois, les banques ne feraient-elles pas ce petit travail gracieusement?». Ce qui a déclenché les applaudissements nourris du public présent sur le plateau.
Ah comme j’aurais bien voulu que l’animateur de l’émission lui pose la question de savoir si l'excellent ténor du barreau et du micro accepterait de défendre à l’oeil une veuve ou un orphelin ou tout autre représentant du peuple sacro-saint.
En attendant d’avoir un jour la réponse de notre cher maître, je vous dis vivement la fin du populisme et vivement mardi prochain!