Je ne devrais pas vous le dire, mais je vais vous le dire quand même. Je ne suis pas du tout fier de vous parler moi aussi de Dounia Boutazout. Non pas que je ne la trouve pas intéressante, ni que je ne sois pas intéressé par ses malheurs, mais tout bêtement parce que ses histoires intéressent tout le monde. Justement, moi c’est tout simple: tout ce qui intéresse Monsieur ou Madame Tout Le Monde et qui les fait parler et leur donne l’illusion d’avoir un avis, eth bien, je m’y désintéresse.
Je le zappe. Je l’évacue. Je fais comme si çcela n’existe pas. Surtout quand ces gens-là sont tous et toutes d’accord entre eux et entre elles. En un mot comme en mille, je déteste tous les unanimismes et tous les consensus fussent-ils pour de bonnes causes. Bon, ce n’est pas la première fois que je fais ce type de profession de foi, mais je le rappelle des fois quand on l’oublie.
Revenons à Boutazout. Ah oui, parce que je vais parler d'elle justement parce que tout le monde parle d'elle au lieu de parler d’autre chose. Puisque c’est un sujet qui mobilise tant les masses, j’ai envie d’analyser le pourquoi du comment de cet intérêt hors du commun. C’est vrai que cette comédienne est plutôt mignonne et l’accent campagnard qu’elle prend pour nous faire marrer la rend encore plus… comment dire… plus aguichante. Entre nous, ce n’est pas ce que je dis à ma femme quand elle me parle d’elle, parce qu’elle aussi me parle d'elle tout le temps. Je lui dis que je la trouve trop bavarde, trop populaire, trop normale, trop tout, quoi.
Qu’est-ce que je peux être hypocrite ! En tout cas, moi, je ne le cache pas. Comme je ne cache pas que si j’attrapais la nana qui a donné la tannée à Dounia et lui a même cassé le nez, un nez que j’adorais justement parce qu’il était tel qu’il était et qui, hélas, dorénavant, ne sera plus comme il était avant. Je disais donc que si jamais je croisais cette fille, comment s’appelle-t-elle déjà ?... c’est ça… Khaoula… je vais lui apprendre les bonnes manières.
Bon, d’accord, il paraît que Dounia ne voulait pas faire la queue comme tout le monde. Maisc’est normal: elle n’est pas comme tout le monde. Déjà, je trouve qu’il est anormal qu’elle soit obligée d’aller elle–même régler des petits problèmes de documents administratifs comme tout le monde. Alors si, en plus, elle doit faire la queue, c’est vraiment le monde à l’envers. Cela dit, personne ne sait ce qui s’est passé au juste. On a jusque-là que des suppositions, des hypothèses, des témoignages à charge qui sentent de loin la jalousie et l’envie.
Oui, Dounia Boutazout fait envie parce que c’est une fille du peuple qui a réussi et qui, surtout, a réussi à gagner beaucoup d’argent, tout étant bien sûr très relatif. Or, le peuple n’aime pas que quelqu’un de son camp devienne riche. Le peuple préfère que les fils et les filles de riches deviennent riches, ce qui d’ailleurs est une fatalité inévitable, mais pas des enfants de pauvres. Ne me demandez pas pourquoi le peuple est comme ça, je ne pourrais pas vous répondre. Le peuple, je le vois, je le côtoie parfois, mais je ne le comprends pas.
Tenez ! Pourquoi d’après vous, le peuple ne s’intéresse pas à la politique, mais vote quand même pour le premier venu qui lui promet la lune ou qui lui glisse un billet dans la main ? En vérité, là, je sais pourquoi : parce que la politique n’est plus ce qu’elle était et les politiciens de jadis, qui étaient des gens bien, ne sont plus là ou bien ont vendu leur âme au plus offrant. Alors du coup, le peuple a mis tout le monde dans le même sac et a décroché de la politique pour ne plus s’intéresser qu’à des histoires de caïd trop volage qu’on prend en otage ou de star trop pressée qui se fait agresser.
Oui, nous sommes descendus très bas, bien plus bas que le seuil des 3% qu’on vient d’adopter au Conseil de gouvernement et qui semble encore trop haut pour des partis qui n’arrivent pas à décoller des raz-des-pâquerettes et qui aimeraient tant que leurs candidats aux prochaines élections soient élus sans même se présenter.
Au fond, je crois qu’au lieu de faire tout un plat pour des faits divers qui ne dépasseront pas le printemps, le peuple ferait bien de se ressaisir et de s’intéresser à tous ceux et à toutes celles qui lui racontent des bobards aujourd’hui et qui, le 7 octobre prochain, c’est à dire demain, vont peut-être complètement oublier qu’il existe. Vous savez, les stars de la télé et du cinéma, on peut tout leur reprocher, mais, eux, au moins, s’accrochent à leur public car ils savent que sans lui, ils ne sont rien. On ne peut pas en dire autant pour les hommes et les femmes politiques. Je ne suis peut-être pas très clair, mais je ne peux pas vous expliquer plus que ça.
D’ailleurs, comme je ne suis ni une star du showbiz ni de la politique, j’ai intérêt à me calmer et la fermer. Et c’est ce que je vais faire tout de suite. Mais pas avant de vous dire vivement une nouvelle prise de conscience. Et vivement mardi prochain!