On avait, et on a toujours, l’habitude de désigner par «Ikhwani» un homme qui porte une longue barbe sous prétexte que ça serait l’accoutrement dicté par la religion musulmane, voire par le prophète Mohammed en personne, et par «Ikhwania», une femme qui porte tout simplement un hijab, le fameux foulard dit islamique. Comme quoi, il ne faut pas grand-chose pour avoir un label ou un titre. Mais là n’est pas tout à fait mon propos.
Quand je parle de barbu(e), je vais bien au-delà de l’habit qui, comme chacun sait, ne fait ni le moine ni l’imam, ni même du faciès façonné pour donner l’impression qu’on suit le chemin de Dieu et, donc, qu’on est irréprochable alors qu’en général on a une tonne de choses à se reprocher.
Pour moi, par barbu(e), j’entends quelqu’un ou quelqu’une qui possède un esprit archaïque et rétrograde sous couvert, mais pas toujours, de vernis religieux, et plus précisément musulman. Et des comme ça, il y en a à la pelle. Bon, quand j’ai dit dans mon titre que «nous sommes tous des barbus», j’ai exagéré, mais juste un peu. Personnellement, il n’y a pas un seul jour où je ne rencontre une ou plusieurs personnes «barbues» au sens que je viens de vous développer, c’est-à-dire pas forcément au système pileux facial ombrageux, mais plutôt au comportement et au discours… moyenâgeux.
On parle de plus en plus chez nous de «séparatistes de l’extérieur» et de «séparatistes de l’intérieur». Et bien, dans la même logique, on peut parfaitement parler de «barbu(e)s de l’extérieur» et de «barbu(e)s de l’intérieur», avec la différence non géographique, que extérieur signifie ce qui apparaît, ce qu’on voit, et que intérieur veut dire dans la tête, dans le cerveau, bref, ce qu’on ne voit pas.
Je connais des personnes qui sortent de grandes universités, qui roulent en limousine, qui s’habillent en costume-cravate, en tailleur, en jean ou même en mini-jupe, qui fument, qui boivent et reboivent à la santé des p… d’Amsterdam ou de Paris, ou juste, plus près de nous, à Casablanca ou à Marrakech, et qui sont quand même des vrai(e)s barbu(e)s au sens littéral et spirituel du terme. Vous voulez une preuve concrète?
Qui, d’après vous a voté en masse pour qui vous savez, ce qui a sûrement permis à la balance de s’incliner en leur faveur? Bien sûr, il y a le peuple qui est censé ignorer les mécanismes des pouvoirs et qui serait facilement manipulable par les discours populo-démagogiques. Mais il y aussi un tas de gens qui ressemblent à des gens comme vous et moi, mais qui, au fond, ne cachent pas leur penchant pour les thèses les plus conservatrices, les plus arriérées et parfois les plus obscurantistes.
C’est vrai, tous et toutes ne le montrent pas spontanément, mais la plupart va l’exprimer, en cachette, dans l’isoloir. Après, vous savez, on peut épiloguer ou même se révolter comme on veut et autant qu’on veut sur, par exemple, le pourquoi du choix de tel grand cheikh ex-salafiste comme tête de liste de tel parti, vous allez voir, ça ne va rien changer au résultat final. Ils vont gagner ! Comment ? Qui ça «ils» ? Mais les barbu(e)s pardi ! Et ils vont gagner parce qu’ils ont beaucoup de suiveurs et de suiveuses, beaucoup de fans et de «followers», comme on dit chez les jeunes d’aujourd’hui. Je peux même parier qu’ils vont avoir la majorité essentiellement grâce à leurs supporters de «l’intérieur».
Et à propos de l’Intérieur, on écrit ça et là que notre ministère dit «fort» serait tenté de mettre son gros nez dans les prochaines élections pour, nous dit-on, empêcher qui vous savez de prendre, encore une fois, le dessus. Je ne sais pas si cette histoire est vraie, mais je pense que c’est peine perdue. Ils ont des fans, vous dis-je, à ne plus en savoir quoi faire. Alors, à moins de revenir aux bien vieilles méthodes révolues, ce qui ne se fait plus ou, en tout cas, ne pourrait plus se faire, mais moi, je suis sûr qu’on va repartir comme en 14.
Eh oui, c’est ça, «la démocratie». Ce sont ceux et celles qui votent qui vont avoir raison. Or, demain, comme hier, celles et ceux qui vont aller voter sont en majorité des barbu(e)s ou assimilé(e)s. C’est bête, mais c’est comme ça. D’ailleurs, pour ne rien vous cacher, depuis quelques semaines, je me suis laissé pousser la barbe. On ne sait jamais. Des fois qu’on aurait besoin encore d’un ministre barbu et qui, en plus, dit n’importe quoi…
En attendant, je vous dis vivement une classe dirigeante moins rasante et vivement mardi prochain.