Ce titre m’a été inspiré par une déclaration récente de Mme Taubira, l’ancienne Garde des Sceaux du gouvernement français. Comme vous le savez, cette ministre qui a toujours été plus sociale que socialiste, s’est avérée cette fois-ci non seulement plus radicale que son camp politique originel mais également plus à gauche que son propre président. Quant à son chef hiérarchique direct, il a certes le teint plus clair, mais on sait tous qu’il est beaucoup moins français qu’elle. Pourtant, c’est sur ce volet peu luisant et peu valorisant de la nationalité que leurs différences de vue ont fini finalement par provoquer leur rupture.
Pour revenir à la déclaration de Mme Taubira, voici ce qu’elle a dit exactement: «Parfois, résister, c’est rester, et parfois, résister c’est partir». Entre nous, elle, elle a fait un peu les deux. On avait appris dès le début qu’elle était totalement contre le projet de modification de la Constitution sur la déchéance de la nationalité pour les citoyens français coupables d’actes terroristes, d’abord pour les binationaux, ensuite, pour tous les nationaux.
Pourtant, Mme Taubira est restée au gouvernement trop longtemps, en tout cas assez longtemps pour que ses adversaires politiques aient le temps de critiquer vivement son attitude jugée contradictoire, et que ses ami(e)s politiques soient terriblement gêné(e)s par son attentisme paradoxal. Et c’est ainsi que sa cote auprès des Français et même des Françaises a commencé son inexorable dégringolade. Comme quoi, «résister, c’est parfois rester», ce n’est sans doute pas ce qu’il y a de mieux comme slogan électoral.
Soudainement, dans un sursaut d’orgueil, de lucidité ou de fatalisme, allez savoir, elle décide enfin de jeter l’éponge et de partir, signe suprême d’une résistance extrême. Et, comme vous l’avez remarqué, même si ce départ s’est fait un peu sur le tard, elle est en train d’en récolter les fruits avec une délectation qu’elle ne dissimule même pas.
Je viens de la revoir dans une émission de télévision pour les somnambules, et j’ai vu comment elle a réussi à tirer ses marrons du feu au grand dam de ses détracteurs, pourtant d’excellents chroniqueurs. Comme vous l’avez probablement deviné, c’était lors de la dernière édition de «On n’est pas couchés», samedi dernier.
Je savais que cette grande dame avait un grand sens de la réplique, mais je viens de découvrir qu’elle avait aussi un immense esprit de dérision capable de dérouter les plus talentueux des journalistes, écrivains ou autres animateurs. Mais ce que j’ai appris également, c’est qu’on devient forcément plus forts, je devrais dire plus résistants, quand on ne fait plus partie du pouvoir, donc quand on n’a plus rien à perdre. Elle a tout dit, ou presque. En tout cas, elle s’est donné à cœur-joie allant jusqu’à souhaiter ouvertement l’échec du projet de modification de la constitution, autrement dit le plantage pur et simple du gouvernement qu’elle vient à peine de quitter.
Quant à moi, excusez-moi, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un parallèle avec ce qui se passe en général dans notre pays et même avec ce qui vient tout juste de s’y passer, il y a 2 ou 3 jours. En effet, de hauts responsables ont été dégommés, sans même être remerciés. D’autres, encore plus importants, ont été contredits officiellement sans que, apparemment, cela ne leur crée le moindre souci ou la moindre gêne. Et enfin, certains et certaines ont été nommé(e)s à des postes de responsabilités auxquels ils et elles n’ont jamais songé, pas même dans leurs rêves.
Pourtant, vous allez voir, personne de ce beau monde ne va venir à la radio ou à la télé - comme, vous l’avez vu, on le fait ailleurs - pour nous expliquer, par exemple, pourquoi ceux qu’on a fait partir sont-ils partis, ni pourquoi ceux qu’on a ouvertement contredits n’ont absolument rien dit, ni, enfin, pourquoi ceux et celles qui ont été fraichement nommé(e)s – et que je félicite quand même au passage, notamment ceux et celles que je connais bien ou qui me connaissent bien, et qui se reconnaîtront - l’ont-ils et l’ont-elles été, eux et elles, et pas d’autres qui sont parfois bien plus qualifiés qu’eux ou parfois bien plus compétents qu’elles.
Oui, je sais, comme me dit toujours ma femme, que je cherche un fourreau pour la faucille – objet qui, évidemment, n’existe pas – mais je ne peux pas, là aussi, m’empêcher de m’interroger pourquoi chez nous, résister, c’est souvent, la fermer ? Alors, vivement qu’on l’ouvre grandement un jour et vivement mardi prochain.