La compagnie aérienne Air Algérie traverse de fortes turbulences suite à un post publié sur les réseaux sociaux, le 15 avril 2022, portant sur le passé historique de la ville de Tlemcen. Assurément, une manière de faire la promotion touristique de cette destination à l’occasion de l’ouverture d’une nouvelle ligne aérienne, mais c’était sans compter sur la réécriture de l’histoire que s’acharne à vouloir imposer, coûte que coûte, un régime complexé, prompt à déconstruire la réalité pour mieux la façonner selon sa propagande.
«Fière de son passé riche et diversifié, avec ses monuments historiques marocains et espagnols, ainsi que sa touche andalouse, Tlemcen, la ville de l’art et de l’histoire, est surnommée la perle du Maghreb», écrit ainsi le service marketing d’Air Algérie, visiblement bien au fait de l’histoire de son pays.
© Copyright : DR
Sans grande surprise, eu égard à la haine viscérale que nourrit l’Algérie pour le Maroc, qui a abouti à la décision unilatérale en août 2021 de rompre les relations diplomatiques avec Rabat, à la fermeture stupide du Gazoduc Maghreb-Europe et à l’interdiction de l’espace aérien algérien aux avions marocains, le rappel par Air Algérie du passé marocain de Tlemcen a déclenché une levée de boucliers chez les porte-voix de la junte.
Marocains? Nous? Jamais de la vie!Chez les Algériens, on ne l’entend pas de cette oreille. «Tlemcen marocaine? Et puis quoi encore!», «les Marocains auraient conquis Tlemcen et on n’était pas au courant?», s’offusquent-ils, allant jusqu’à exiger l’arrestation du responsable de cette publication ou à tout du moins pour les plus cléments d’entre eux, son limogeage immédiat. Car l’affaire est grave et l’on parle ainsi de «crime» commis par la compagnie aérienne, dont «les responsables doivent être sévèrement punis».
On réfute aussi cette fierté d’un passé andalou de Tlemcen qu’évoque Air Algérie. «Quel rapport entre nous et l’Espagne?», s’interrogent les uns quand d’autres auraient préféré que l’on évoque Tlemcen en tant que point de départ ou de retour des guerriers arabo-musulmans lors de la conquête d’El Andalous.
Lire aussi : Derrière le contentieux algéro-marocain, la frustration historique de l’Algérie face au Maroc
Face au déferlement de haine sur la toile, la compagnie aérienne algérienne a rectifié le tir en supprimant sa première publication et en la remplaçant par un post beaucoup plus politiquement correct aux yeux du régime algérien et de ses relais.
«Fière de son passé glorieux et prospère, Tlemcen “la ville de l’art et de l’histoire“ surnommée la “Perle du Maghreb“», annonce désormais Air Algérie. Plus aucune trace du passé marocain de la ville.
© Copyright : DR
Ce rétropédalage de la compagnie nationale algérienne n’a toutefois pas satisfait les porte-voix du régime et les internautes, biberonnés à la propagande anti-marocaine, qui estiment que le mal est fait et réclament des têtes.
L’empreinte indélébile du Maroc sur le territoire algérienMais qu’en est-il vraiment? Comment ce pays, baptisé Algérie par la France en 1837, peut-il nier les influences multiples qui ont traversé les villes qui composent aujourd’hui la géographie que lui a attribuée la France, qui ne le considérait pas comme une colonie, mais comme un prolongement de l’Hexagone comme l’atteste la dénomination Algérie française? Simple question de logique…
N’en déplaise aux détracteurs d’Air Algérie, «durant près de huit siècles, de 790 à 1554, elle (Tlemcen) fut quasi constamment sous influence ou sous domination marocaine. Sauf durant quelques décennies à la fin du XIVe siècle et au début du XVe», rappelle l’historien français et africaniste de renom, Bernard Lugan, dans une chronique publiée dans Le360 sous le titre «Pourquoi Bougie et Tlemcen n’ont-elles pas créé l’Algérie alors que Fès et Marrakech ont fondé le Maroc?».
Cet auteur de plusieurs ouvrages dédiés principalement au continent africain s’interroge par ailleurs sur cette lecture partiale et biaisée de l’histoire du Maghreb qu’entreprend le régime algérien. «Serait-ce dénigrer l’Algérie que (…) de simplement constater qu’avec les Almoravides, les Almohades, les Saadiens, les Mérinides et les Alaouites, le Maroc développa des empires s’étendant à certaines époques sur tout le Maghreb, l’Espagne et jusqu’à Tombouctou (…)», questionne-t-il à juste titre.
Les personnes en charge des réseaux sociaux d’Air Algérie n’ont fait que rappeler une réalité inscrite dans les pierres, les monuments, la gastronomie et même le haut degré de raffinement de Tlemcen et de ses habitants. Les gérontes, qui dirigent le régime algérien, devraient être fiers de la part marocaine de l’Algérie. C’est justement là que se situe le meilleur héritage qu’ils laissent à leur descendance.