C’est le compte à rebours. À J-4 de l’ouverture de la 20ème édition du Festival international du film de Marrakech les derniers préparatifs avancent à grands pas. Mais la grande surprise de cette grand-messe du cinéma mondial, est l’annulation du dispositif de la scène en plein air de Jamaâ El-Fna qui ne sera pas programmé cette année. Compte tenu des évènements dramatiques au Proche-Orient, les projections grand public précédées des rencontres et des bains de foule sur la place mythique de Jamaâ El-Fna, avec quelques-uns des acteurs et les réalisateurs invités, n’auront donc pas lieu, au grand dam des festivaliers.
C’est ce que nous révèle Ali Hajji, coordinateur général du FIFM et membre du comité de sélection. Cette édition qui soufflera ses 20 bougies, se focalisera donc sur le cinéma, les débats et les rencontres avec de grandes personnalités du cinéma: Mads Mikkelsen, Tilda Swinton, Faouzi Bensaidi, Naomi Kawase, et d’autres, choisis dans le cadre de la section «Conversation avec» prévue dans la salle des ambassadeurs du Palais des congrès.
Le360: la ville ocre s’apprête à accueillir le Festival international du film de Marrakech. Quels sont les temps forts de cette édition qui marque le 20ème anniversaire de l’évènement?
Ali Hajji: C’est une édition particulière qui s’inscrit dans un contexte international difficile, qui appelle forcément à plus de sobriété. Par conséquent, elle sera davantage axée sur la cinéphilie et les rencontres professionnelles.
Le festival de Marrakech est connu pour réunir les plus grandes personnalités, avec la jeune garde du cinéma mondial. Ce sera encore le cas cette année et c’est ce qui fait sa spécificité.
À l’occasion de cette 20ème édition, nous accueillerons pour la 6ème fois le légendaire Martin Scorsese qui inaugurera une nouvelle tradition: chaque année, une grande personnalité sera invitée à parrainer les Ateliers de l’Atlas, le programme industrie du FIFM, et à donner son nom à sa promotion de lauréats. Celle de 2023 s’appellera donc la «Promotion Martin Scorsese».
Pour juger les 14 films de la compétition internationale, nous compterons cette année encore sur un jury d’exception. Composé de 9 membres, dont 6 femmes, il sera présidé par Jessica Chastain. L’actrice et productrice américaine oscarisée présentera également son dernier film, «Memory» de Michel Franco, dans lequel elle livre une performance qui la classe définitivement parmi les plus grandes comédiennes du cinéma contemporain.
Nous rendrons hommage à deux grands artistes: le Danois Mads Mikkelsen et le Marocain Faouzi Bensaïdi qui incarnent, chacun à sa manière, une certaine élégance alliée à une grande exigence. Les deux participeront également au programme des conversations qui s’annonce encore une fois passionnant, avec des personnalités attendues comme Willem Dafoe, Viggo Mortensen, Tilda Swinton ou Andreï Zviaguintsev.
«La section «Panorama du Cinéma Marocain» mettra à l’honneur les derniers films d’Izza Genini pour «Mon Souk», Leila Kilani pour «Indivision», Jihane El Bahar pour «Triple A», Adil El Fadili pour «Mon père n’est pas mort», Hicham Lasri pour «Moroccan Badass Girl» et Khalil Zairi pour «Mora est là».»
— Ali Hajji, coordinateur général du Festival international du film de Marrakech et membre du comité de sélection.
À signaler la présence de plusieurs comédies dans la section Gala cette année : en ouverture, sera dévoilé « Hitman », le nouveau film hilarant de Richard Linklater avec l’acteur hollywoodien montant Glen Powell (« Top Gun : Maverick ») ; sera présenté également le poético – burlesque «Déserts» de Faouzi Bensaïdi, le soir de son hommage ; on montrera le réconfortant et drôle «The Holdovers» d’Alexander Payne, de retour au Festival après avoir reçu l’Étoile d’or en 2004 pour «Sideways» ; et aussi «Making of» de Cédric Kahn, une réjouissante comédie sociale sur les coulisses d’un tournage de film.
La section «Séances spéciales» présentera les nouveaux films de cinéastes célébrés par la critique internationale tels que Nuri Bilge Ceylan pour «Les Herbes Sèches», Alice Rohrwacher pour «La Chimera», Bertrand Bonello pour «La Bête», mais aussi de jeunes réalisatrices en pleine ascension comme la Québécoise Monia Chokri pour «Simple comme Sylvain», l’Autrichienne Sudabeh Mortezai pour «Europa» qui avait gagné l’Étoile d’or de Marrakech avec son précédent film «Joy» ou encore la Marocaine Sofia Alaoui qui fait une incursion remarquée dans le cinéma fantastique avec «Animalia».
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La section «11ème Continent» qui présente des films audacieux et novateurs, proposera cette année encore plusieurs œuvres contemporaines et classiques. On y retrouvera des films d’auteurs reconnus comme Kleber Mendonça Filho et Lisandro Alonso, tous deux anciens membres du jury du Festival international du film de Marrakech. Dans cette section toujours, Marion Cotillard viendra présenter «Little Girl Blue» de Mona Achache, un film au dispositif très original, où elle incarne la mère de la cinéaste.
La section «Panorama du Cinéma Marocain» mettra à l’honneur les derniers films d’Izza Genini pour «Mon Souk», Leila Kilani pour «Indivision», Jihane El Bahar pour «Triple A», Adil El Fadili pour «Mon père n’est pas mort», Hicham Lasri pour «Moroccan Badass Girl» et Khalil Zairi pour «Mora est là».
Cette année, nous avons souhaité augmenter le nombre de séances à destination du jeune public. Nous attendons près de 9000 écoliers, collégiens et lycéens pour ces séances dont le but est, rappelons-le, de former le public cinéphile de demain.
Qu’est-ce qui a déterminé le choix des films de la sélection officielle de cette 20ème édition?
Avec le comité de sélection, nous avons visionné plus de 800 films pour en retenir 75 en provenance de 36 pays. C’est une programmation extrêmement riche, constituée essentiellement de films contemporains et inédits, qui ont suscité notre enthousiasme grâce à leur capacité à nous émouvoir, nous interroger, nous bousculer parfois et nous surprendre aussi.
Chaque section du festival a ses spécificités et je rappelle que la compétition officielle est dédiée à la découverte des nouveaux talents du cinéma mondial, puisqu’elle est composée exclusivement de premiers et deuxièmes longs-métrages. À travers les différentes sections du festival, c’est toute la diversité de la création cinématographique mondiale que nous entendons valoriser: de grandes productions de l’année que nous montrons en section «Gala», aux films d’auteurs confirmés des «Séances Spéciales», en passant par le cinéma ultra pointu que met en avant la section «11ème Continent», le dynamisme de la production nationale que reflète le «Panorama du Cinéma Marocain et les contes fantaisistes ou réalistes de la section «Jeune public».
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Cette année, deux films marocains, au lieu d’un seul, seront en lice pour décrocher l’Étoile d’or de la 20ème édition. Qu’est-ce qui explique ce choix?
Ce sont avant tout deux excellents films qui réunissent toutes les qualités pour figurer dans la compétition de Marrakech. Il n’y a pas de règle qui dicte qu’il ne devrait y avoir qu’un seul film marocain dans cette compétition.
2023 est une année particulièrement forte pour le cinéma national, qui gagne en visibilité à l’international, avec des films sélectionnés et primés dans les plus grands festivals à travers le monde. On l’a bien vu à Cannes en mai dernier, où pour la première fois de l’histoire du festival, 4 films marocains étaient présents dans les différentes sections et une personnalité marocaine a fait partie du prestigieux jury de la compétition internationale.
Avec 15 films présents dans la sélection officielle, celui-ci (le cinéma marocain, NDLR) aura rarement été aussi fortement représenté à Marrakech. Nous nous réjouissons de ce dynamisme et de ces réussites du cinéma marocain, que le festival a beaucoup accompagné au fil des ans. Notamment à travers la mise en place des Ateliers de l’Atlas, qui ont d’ailleurs soutenu plusieurs des films marocains que nous présentons cette année, dont les deux de la compétition: «Les Meutes» de Kamal Lazrak et «La mère de tous les mensonges» d’Asmaa El Moudir.
«Le festival sera recentré sur l’essentiel: les films et les débats, les conversations avec les grands talents du cinéma mondial, les rencontres professionnelles. Le festival reste donc fidèle à sa mission: constituer une plateforme de rencontre et d’échange autour du cinéma.»
— Ali Hajji, coordinateur général du Festival international du film de Marrakech et membre du comité de sélection des films.
Pour la première fois depuis 20 ans, les projections sur la place Jemaâ El-Fna ont été annulées. Qu’est-ce qui justifie cette décision prise à la dernière minute?
Compte tenu des évènements dramatiques qui ont lieu actuellement au Proche–Orient, cette 20ème édition adoptera une forme plus sobre. Le dispositif de la place Jemaâ El-Fna a été annulé et il n’y aura pas d’évènements festifs sur le site.
Le festival sera recentré sur l’essentiel: les films et les débats, les conversations avec les grands talents du cinéma mondial, les rencontres professionnelles. Le festival reste donc fidèle à sa mission: constituer une plateforme de rencontre et d’échange autour du cinéma.
Le FIFM s’impose de plus en plus comme étant un évènement pour cinéphiles, loin des paillettes et du bling-bling à excès, contrairement à d’autres festivals de cinéma dans le monde. Véritable conviction ou pure coïncidence?
Le festival a beaucoup œuvré pour développer la cinéphilie de proximité. Au fil des ans, la section dédiée aux conversations avec des grands noms du cinéma mondial et les débats avec les équipes de films se sont intensifiés, devenant partie intégrante de son identité.
En 2018, afin de soutenir les jeunes cinéastes arabes et africains, le festival a créé son programme dédié à l’industrie: les Ateliers de l’Atlas qui, en peu de temps, sont devenus incontournables. Plusieurs dizaines de films soutenus par la plateforme ont en effet été sélectionnés ou primés dans les plus grands festivals du monde. Cet évènement a aussi permis de faire participer les gens de l’industrie de manière plus forte au festival. Près de 300 professionnels en provenance du monde entier y assistent chaque année.
Tout cela contribue à donner encore davantage de sens et de profondeur au chemin parcouru par le festival, depuis sa création en 2001.
Avec ses 20 éditions au compteur, où se positionne le FIFM dans la cartographie des grands festivals de cinéma dans le monde?
Marrakech est l’un des plus importants festivals de cinéma de la région. Dès ses débuts, il s’est distingué par sa capacité à réunir les plus grands noms du cinéma mondial, l’exigence de sa programmation et la qualité de son organisation. Aujourd’hui, à travers les Ateliers de l’Atlas, qui ont été créés pour accompagner l’émergence de la nouvelle génération de cinéastes marocains, arabes et africains, il a réussi également, en très peu de temps, à en faire une plateforme incontournable pour les professionnels qui investissent dans le cinéma de la région.