C’est au sein de la synagogue Em Habanim, à Los Angeles, qu’était organisée, la semaine dernière, une cérémonie en l’honneur de Aomar Boum, anthropologue marocain originaire de M’hamid El Ghizlane. Présent ce jour-là, Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME), a remis à Aomar Boum un prix au nom de la communauté juive actuelle du Maroc.
Pour l’occasion, le tapis rouge avait été déroulé et de la musique marocaine retentissait au sein de l’édifice religieux où s’étaient regroupés plus de quatre cent Marocains de confession juive et de juifs séfarades en l’honneur de cet homme de paix de confession musulmane qui officie à la tête du programme d’études séfarades de l’UCLA, l'Université de Californie à Los Angeles.
«Dr. Boum a été le champion du rapprochement de différentes personnes, en particulier des juifs et des musulmans, dans un sentiment de respect mutuel et a également contribué à maintenir vivante l'histoire ancienne des juifs du Maroc à l'UCLA», a déclaré, à cette occasion, le rabbin Joshua Bittan d'Em Habanim.
Un hommage plus que mérité pour cet homme dont les profondes connaissances en la matière ont eu un impact perceptible à travers le monde en matière de relations interreligieuses. «Pendant des années, alors que beaucoup de gens disaient que les juifs et les musulmans ne s'entendraient jamais, Aomar les défiait et leur disait non», a déclaré de son côté Jonathan Bass, un militant juif de la région de Los Angeles, cité par le journal américain Jewish News Syndicate. Et de poursuivre que Aomar Boum, «a été à la pointe d'un nouveau mouvement mondial qui promeut l'amour et la tolérance pour tous les enfants de Dieu à travers son travail qui montre les preuves historiques passées de l'étroite coopération entre juifs et musulmans».
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Dans le cadre de cette cérémonie en son honneur, Aomar Boum a déclaré pour sa part qu'il avait commencé à s'intéresser aux juifs du Maroc, il y a vingt-deux ans, lorsqu'il a entrepris des recherches pour sa thèse de doctorat qui portait notamment sur les interactions que les musulmans vivant dans de petits villages du sud du Maroc avaient avec les juifs.
«Au cours de mes recherches, j'ai découvert que sur quatre générations, les musulmans de ces petits villages sahariens, qui n'avaient aucune exposition médiatique et avaient partagé une proximité avec les juifs en essayant de survivre dans cet environnement désertique, n'avaient aucun conflit avec les juifs», a ainsi déclaré l’anthropologue marocain. «De plus, au Maroc, nous sommes très chanceux d'avoir un système politique et une culture qui ont promu la tolérance de tous les groupes, y compris les juifs qui vivent dans le désert marocain depuis la destruction du Second Temple», a-t-il poursuivi.
Pour Aomar Boum, «l'étude des Juifs du Maroc peut permettre à la prochaine génération vivant au Maroc d'apprendre à quel point les contributions de la communauté juive ont été importantes pour la nation au cours des siècles», a-t-il déclaré, se réjouissant que cette histoire soit désormais inscrite dans les manuels scolaires de l’enseignement public au Maroc. «Cela permet aussi aux juifs d'aujourd'hui de se rendre compte qu'il y a des musulmans qui ont vécu côte à côte avec eux en paix», conclut l’anthropologue qui travaille actuellement à l’écriture d’un livre sur les expériences de la communauté juive marocaine vivant à Los Angeles et un second sur les relations du roi Mohammed V avec les juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
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Si Aomar Boum était l’invité d’honneur de cette soirée, le Maroc était lui aussi de la fête, célébré par des chants traditionnels marocains, mais aussi par la présence du drapeau du pays trônant aux côtés des drapeaux israélien et américain. Les hymnes des trois pays ont d’ailleurs été entonnés au sein de la synagogue Em Habanim, faisant ainsi écho aux Accords d’Abraham entre le Maroc et Israël en 2020.
Interrogé sur ce sujet, Aomar Boum n’a pas manqué d’expliquer à quel point ces accords n’étaient pas extraordinaires pour bon nombre de Marocains. Et pour cause, «au Maroc, les accords d'Abraham ne sont pas vraiment considérés comme une normalisation des relations avec Israël, mais plutôt comme une continuation et un renforcement des liens entre le Maroc et sa communauté juive qui existent depuis un certain temps», a-t-il ainsi déclaré.
Face à la photo du roi Mohammed VI, le rabbin Joshua Bittan d'Em Habanim a récité une prière hébraïque pour le bien-être du monarque, rappelant à l’assemblée présente ce soir-là que «l'actuel roi du Maroc, son défunt père et son grand-père ont tous fait preuve d'une grande gentillesse envers les juifs du Maroc et ont créé un environnement de paix relative pour les juifs là-bas, de sorte que notre communauté a toujours prié pour eux». «Contrairement aux juifs d'autres pays arabes et islamiques, nous, les juifs du Maroc, n'avons pas connu d'antisémitisme extrême, nous sommes donc très fiers de notre héritage marocain», a poursuivi le rabbin.