A l’occasion de la journée mondiale contre la peine de mort, organisée depuis 2003 le 10 octobre de chaque année, une exposition regroupant les œuvres de treize plasticiens marocains et intitulée «Le droit de vivre», sera inaugurée le samedi 9 octobre au MACMA (Musée d’art et de culture de Marrakech) et ouverte au public jusqu’au mois de février 2022.
Le même jour, un ouvrage portant le même titre et édité par La Croisée des chemins sera présenté au public à la Maison Denise Masson à Marrakech. Outre les reproductions des œuvres présentées dans l’exposition, ce livre reproduit des textes originaux de trente-sept écrivains et intellectuels marocains défendant l’abolition de cette peine inhumaine.
Cette initiative citoyenne a été lancée par Driss El Yazami, ancien président du Conseil national des droits de l'homme (CNDH),Younès Ajarraï, directeur artistique de Marrakech 2020, puis de Rabat Capitale africaine de la culture, et Mahi Binebine, artiste plasticien et écrivain, qui, convaincus que la peine de mort est inhumaine, injuste et inefficace, ont voulu renforcer la dynamique abolitionniste au Maroc en sollicitant intellectuels et plasticiens, faisant ainsi le pari de la culture comme moyen d’élargir la mobilisation pour l’abolition.
Une situation paradoxaleCet évènement intervient dans un environnement national marqué par plusieurs paradoxes. En effet, depuis 1993, le Maroc respecte un moratoire de fait sur la peine de mort et n’a plus connu d’exécution capitale. Car, rappelle Younès Ajarraï contacté par Le360, «le Maroc n’a plus pratiqué la pleine de mort depuis l’exécution du commissaire Tabet, il y a 28 ans».
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Toutefois, «le Maroc est en plein paradoxe», estime-t-il, car chaque année, au mois de décembre, lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies vote sur une résolution demandant à tous les Etats de respecter un moratoire sur les exécutions, le Maroc s’abstient toujours.
Mais «ce n’est pas la seule contradiction que nous vivons», souligne Ajarraï. Ainsi, alors que le pays mène ce moratoire de fait, les tribunaux continuent à condamner des prévenus à la peine capitale, «les envoyant grossir les rangs des détenus du couloir de la mort, qui vivent dans la hantise d’être exécutés à n’importe quel moment», explique le communiqué de presse qui annonce cet évènement. «Soixante-quatorze personnes vivraient aujourd’hui ce calvaire», est-il précisé.
Enfin, faut-il rappeler qu’en 2011, l’article 20 de la Constitution proclamait que «Le droit à la vie est le droit premier de tout être humain. La loi protège ce droit». Autre date clé de ce débat sur l’abolition, l’année2014, lorsque le roi Mohammed VI encourageait le débat public sur l’abolition lors de son adresse au Forum mondial sur les droits de l’homme tenu à Marrakech: «Nous nous félicitons du débat, autour de la peine de mort, mené à l’initiative de la société civile et de nombreux parlementaires et juristes. Il permettra la maturation et l’approfondissement de cette problématique».
Une peine pour satisfaire la vox populiCette situation perdure alors que régulièrement, surtout au lendemain de crimes ignobles, une partie de l’opinion s’exprime bruyamment, notamment sur les réseaux sociaux, en faveur du maintien de la peine de mort et de la reprise des exécutions.
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«Il y a eu ce crime horrible perpétré l’année dernière, à Tanger. Adnane, un petit garçon, a été violé, puis tué. A l’époque les passions se sont totalement déchaînées, aussi bien au niveau des réseaux sociaux, que des journaux, ainsi que dans les rangs des militants qui en appelaient pratiquement au lynchage et au crime. Cette situation nous a fait réagir car nous nous sommes dits que ce n’était pas possible qu’on en soit encore là», déplore Ajarraï, à l’heure où le mouvement abolitionniste s’est pourtant renforcé ces dernières années au Maroc avec la création d’une coalition marocaine contre la peine de mort, puis des réseaux de parlementaires, d’avocats, de journalistes et d’enseignants.
Pour rappel, à sa création, le réseau des parlementaires a compté jusqu’à 204 élus (sur 515 parlementaires) issus de presque tous les partis politiques.
L’art et la culture contre la peine de mortCréation et engagement: que peut la culture? C'est la question phare autour de laquelle s'articulera la table-ronde organisée le 9 octobre et à laquelle tenteront de répondre plusieurs intervenants, tels que le philosophe Ali Benmakhlouf. «Je pense que le travail des plasticiens et des écrivains procède déjà de quelque chose d’intime, et aussi d’un certain nombre d’interrogations qu’ils se posent par rapport à des causes humaines, humanistes, sociétales, personnelles», analyse Younès Ajarraï. Forcément, poursuit-il, «ceux-ci ont un point de vue et il faut leur permettre de l’exprimer avec les moyens qui sont les leurs, chacun avec son médium».
Comme autant de plaidoyers pour l'abolition de la peine de mort au Maroc, l'exposition inaugurée au MACMA le 9 octobre au soir rassemblera ainsi des oeuvres de Fatiha Zemmouri, Najia Mehadji, Yasmina Alaoui, Mahi Binebine, Mariam Tagadirt, Mohamed Lekleti, Itaf Benjelloun, Mohamed El Baz, Narjisse El Joubari, Mohamed Mourabiti, Abderrahim Yamou et enfin Amina Benbouchta et Ilias Selfati.
Du côté du livre qui sera publié pour l'occasion, on compte notamment parmi les trente-sept contributeurs sur l'écrivaine Leïla Slimani, la théologienne Asma Lamrabet, le cinéaste Hicham Lasri ou encore sur le poète Mohamed Bennis pour ne citer que ceux-ci.
Le vernissage de l’exposition, le lancement du livre et les débats du 9 octobre sont inscrits au programme des activités mondiales organisées par la coalition Ensemble contre la peine de mort et bénéficient du soutien de la Fondation Ajial qui porte ces manifestations, de Wallonie-Bruxelles international et de la délégation Wallonie-Bruxelles au Maroc, de l’Institut français de Marrakech, de la Maison Denise Masson, du Es Saâdi Marrakech Resort et du Musée d’art et de culture de Marrakech (MACMA).