Le (très) long mandat de Sarim Fassi-Fihri à la tête du CCM (depuis 2014) n’aura pas été un long fleuve tranquille. Trois ans après l’expiration de son premier mandat, en octobre 2018, le président du CCM jouait en effet les prolongations avec, fait exceptionnel, trois périodes de prorogation, d’une année chacune, qui lui avaient été accordées jusqu’à présent. De quoi déclencher l’ire de nombreux professionnels du milieu qui contestaient à cor et à cri ces reconductions jugées illégales, bien qu’émanant du ministère de la Culture, mais aussi du chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani.
Le troisième mandat de Sarim Fassi-Fihri avait suscité un tollé sans précédent dans le milieu cinématographique marocain, sur fond de polémiques. Mais en mai dernier, la justice, saisie par une plainte émanant de la Chambre nationale des producteurs de films (CNPF), présidée par le réalisateur Latif Lahlou, a finalement tranché. Et le tribunal administratif de Rabat d’invalider les prorogations successives de Sarim Fassi-Fihri à la tête du CCM.
Mais depuis le mois de mai, et malgré ce jugement, Sarim Fassi-Fihri a pourtant continué d’occuper les mêmes fonctions, tout du moins jusqu’au 2 octobre, date à laquelle le ministère de la Culture a publié un communiqué dans lequel il annonçait la nomination par intérim de Mustapha Timi, fonctionnaire et secrétaire général du département de la communication au ministère de la Culture.
Changement de cap, nouvel espoir
Contacté par le 360, Driss Chouika, secrétaire général du CNPF, se réjouit de cette annonce. D’autant, explique-t-il, que«ces derniers jours, la rumeur enflait autour d’un quatrième mandat de Sarim Fassi-Fihri». De quoi, selon Driss Chouika, provoquer «un sentiment de malaise profond au sein de la profession». Et à en croire le secrétaire général du CNPF, il n’y aurait pas de fumée sans feu: «Sarim Fassi-Fihri a eu le culot d’écrire encore une troisième lettre au ministère de la Culture sortant pour lui demander une 4e prorogation de son mandat à la tête du CCM!», s’insurge-t-il. Une lettre qui daterait selon ses affirmations du 29 septembre dernier et qui aurait donc essuyé cette fois-ci un refus, chose «très correcte de la part du ministre sortant qui respecte cette fois-ci la procédure légale», juge Driss Chouika
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Contacté par le 360, Sarim Fassi-Fihri n’a pas donné suite à nos appels, mais a toutefois répondu à notre message. «J’ai pris quelques jours au vert. Je ne souhaite pas m’exprimer pour l’instant», a-t-il ainsi écrit en réponse à notre demande.
Mais une chose est sûre, la décision du ministère émise le 1er octobre 2021 se base, cette fois-ci, sur des textes de loi. A commencer par le dahir 1.20.07 datant du 6 mars 2020 portant promulgation de la loi n°70-17 relative à la réorganisation du Centre cinématographique marocain et modifiant la loi n°20-99 relative à l’organisation de l’industrie cinématographique, mais également sur le décret 2.12.412 publié au Journal officiel n° 6091 du 15 octobre 2012 relatif à la procédure de nomination aux emplois supérieurs, délibéré au sein du Conseil du gouvernement.
Qui est Mustapha Timi, le directeur par intérim du CCM?
Pour l’heure, c’est donc à Mustapha Timi d’occuper le fauteuil de directeur du CCM, par intérim pour une durée de trois mois. Cet universitaire a été nommé en janvier 2019 à la tête du secrétariat général du département de la communication, au ministère de la Communication et de la Culture, alors dirigé par le ministre Mohamed Laaraj. Succédant à ce poste à Mohamed Ghazali, lui-même nommé secrétaire général du département de l’Energie et des mines, Mustapha Timi est présenté lors de sa nomination comme un homme aux nombreuses expériences en gestion de projets, en encadrement et en évaluation, à travers sa haute formation académique dans le domaine du droit au Maroc et en France.
On lui attribue des expériences professionnelles et scientifiques au sein de l'Ecole nationale d'administration et des universités marocaines, ainsi que dans les domaines de l'inspection, du contrôle, des affaires juridiques et des contentieux dans divers départements gouvernementaux, notamment le ministère de l'Education nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
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Chargé de doter le département de la communication des moyens humains et matériels nécessaires en vue de garantir un fonctionnement dans les meilleures conditions, Mustapha Timi sera cette fois-ci appelé dans le cadre de ses fonctions à la tête du CCM «à gérer les affaires courantes pendant la période de vacance», explique Driss Chouika. Signatures, autorisations, décisions administratives… Autant de choses propres au bon fonctionnement d’une administration publique, mais pour autant, «aucune grande décision ne sera prise par lui», poursuit notre interlocuteur.
And the winner is…
Qui sera le prochain boss du CCM? C’est la question à cent points qui donne lieu à de nombreux pronostics sans pour autant que l’on puisse d’ores et déjà y répondre. Et pour cause, cette nomination est conditionnée par l’entrée en fonction du nouveau ministre de la Culture, lequel n’a pas encore été officiellement désigné.
Ce n’est qu’une fois celui-ci, ou celle-ci, en place, qu’un appel à candidature sera lancé pour ce poste avec un cahier des charges et des conditions à remplir, notamment disposer d'un master en cinéma, d'une expérience dans la gestion des affaires administratives, d'un CV bien étoffé et proposer un projet de gestion du CCM pour les cinq années à venir. Sur la base des candidatures réceptionnées, le ministère de la Culture et une commission composée notamment de professionnels du milieu du cinéma, d’administrateurs et de membres dudit ministère éliront alors le meilleur des candidats pour ce poste.
Rendez-vous dans trois mois pour connaître le nom du prochain directeur du CCM. Pourquoi pas «un profil compétent, jeune, dynamique, avec une vision plus moderne du cinéma», rêve Driss Chouika pour qui une chose est sûre, «tous les producteurs marocains s’accordent à dire que l’heure du changement a sonné pour le CCM». Et s’il faut attendre trois mois de plus pour espérer «une bonne gestion» de l’organisme, qu’à cela ne tienne. «Nous avons souffert pendant sept ans, nous pouvons souffrir trois mois de plus. C’est pour la bonne cause», conclut-il, égratignant au passage Sarim Fassi-Fihri. «Il n’y a jamais eu un directeur qui a autant fait de mal à la profession que Sarim, et je prends mes responsabilités en affirmant cela».