Noyé dans sa paperasse, un membre de l’association de l’industrie hôtelière de Marrakech (AIH) tente, en présence de ses confrères, de quantifier l’étendue des dommages causés jusque-là par la pandémie. «Nos comptes d’exploitation sont négatifs depuis mars 2020. Aujourd’hui, nous sommes tous en cessation de paiement», lance-t-il en fixant ses pairs, qui acquiescent d’un signe de tête, avec dégoût.
L’effet foudroyant du Covid-19 sur les hôteliers est tel que la plupart affirme avoir consommé leurs capitaux. Il en va de même pour les quelques restaurants classés, toujours opérationnels, qui fonctionnent pourtant à flux tendu, mais où les charges fixes deviennent intenables au regard du seuil de rentabilité à atteindre en l’absence de clients, en particulier, en milieu de semaine.
Il faut dire que le plan d’urgence dévoilé le 18 janvier, n’a pas réellement suscité d’engouement auprès des opérateurs qui disent apprécier l’effort du gouvernement à «sa juste valeur». S’ils saisissent volontiers la perche tendue par la tutelle, ils jugent cependant l’ensemble des mesures insuffisantes.
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A commencer par l’enveloppe de 2 milliards de dirhams jugée dérisoire ramenée aux 140 milliards, correspondant aux recettes engrangées par le secteur en temps normal. Interpellée par Le360 dans Grand Format, la ministre du Tourisme explique que «l’objectif du plan n’est pas de combler le manque à gagner, mais de sauver les emplois et préserver l'outil de production».
Les hôteliers reprochent au plan de colmater les brèches sans apporter de visibilité. Globalement, sur les cinq mesures d’accompagnement, ils soulèvent une objection à propos de l’exercice 2020 non inclus dans le plan de soutien.
L’autre principal reproche a trait aux indemnités forfaitaires. Les opérateurs exigent un prolongement d’un trimestre de plus. «L’indemnité ne doit pas être conditionnée à la préservation de 80% de la masse salariale vu les coupes budgétaires opérées par la plupart des établissements lors des deux exercices précédents», surenchérit le gérant d’un hôtel à Marrakech.
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Au sujet du prolongement du versement des indemnités forfaitaire de 2.000 dirhams durant le premier trimestre 2022 en faveur des employés du secteur, les hôteliers attirent l’attention sur le poids des charges salariales, en particulier des cadres qualifiés. «Il faut savoir que dans un hôtel classé, il y a au moins une dizaine de cadres qui touche un salaire mensuel variant entre 20.000 et 150.000 DH, qu’on ne peut pas garder avec 2.000 DH/mois», confie le patron d’une enseigne situé dans le quartier de l’Hivernage. Une manière pour eux aussi de souligner que seule l’ouverture des frontières est susceptible de supporter la masse salariale.
Autre aspect pointé du doigt, le report de dette qui n'inclut pas les dettes leasing. Les hôteliers demandent un rééchelonnement des dettes nouvellement constituées, à savoir, celles contractées en marge des opérations Oxygène et Damane Relance, et qui ne sont pas concernées par le moratoire relatif aux échéances bancaires.
La tension est de plus en plus palpable dans l’industrie hôtelière. «Sans ouverture des frontières, il va falloir penser à injecter du cash flow en permanence, vu que la nature du secteur très capitalistique requiert des injections permanentes de cash-flow». Dans ce contexte où l’incertitude règne à nouveau, les organisations patronales des hôtels et restaurants tentent de s’organiser pour présenter l’addition au gouvernement.
Et si les opérateurs évitent aujourd’hui les sorties officielles, c’est pour préserver le secteur d’une cacophonie. Les opérateurs ayant reçu récemment des instructions afin de coordonner leur effort de communication, pour établir un dialogue plus équilibré avec le ministère.