Achat de bons du Trésor sur le marché secondaire: les explications de Bank Al-Maghrib

Le siège de Bank al-Maghrib à Rabat.

Le siège de Bank al-Maghrib à Rabat. . Youssef El Harrak / Le360

L’intervention de Bank Al-Maghrib (BAM) sur le marché secondaire est au cœur du débat depuis près de deux semaines. Si les analyses diffèrent quant aux raisons de l'achat, à ce jour, de 16,3 milliards de dirhams de bons du Trésor (BDT), la banque centrale a tenu à apporter des explications.

Le 19/01/2023 à 15h47

Lors d’un point de presse organisé ce jeudi 19 janvier 2023, à Rabat, le responsable par inétrim des opérations monétaires et des changes à Bank Al-Maghrib (BAM), Younes Issami, a apporté des clarifications sur la dernière opération structurelle d’achat de bons du Trésor (BDT) de la banque centrale.

A ce jour, BAM a acheté l’équivalent de 16,3 milliards de dirhams de BDT sur le marché secondaire, et un troisième appel d’offres d’achat est programmé le lundi 23 janvier 2023. La maturité moyenne de ces bons est de 6 mois et le taux de rendement moyen s’est élevé 3,16%.

Rétablir la demande des investisseursCette intervention, qui entre dans le cadre des opérations «Open Market» de BAM, vise en effet à injecter des liquidités de manière structurelle sur le marché pour répondre aux besoins du Trésor face au recul de la demande des investisseurs lors des adjudications organisées par celui-ci, sans compromettre «l’indépendance de la banque centrale et la conduite de sa politique monétaire».

Selon Younes Issami, cette baisse de la demande des investisseurs est due principalement à «l’atteinte de la limite que peuvent détenir les banques en bons du Trésor», laquelle est «fixée par les départements de risques des différentes banques commerciales».

Si ce plafond a été atteint, c’est que le taux d’intérêt sur le marché secondaire a fortement augmenté depuis le relèvement du taux directeur de BAM à 2,50% lors du dernier conseil de la banque en décembre dernier, ce qui impacte négativement le portefeuille des investisseurs.

«Les limites ont été atteintes en raison de la hausse des taux qui a impacté négativement la performance des portefeuilles détenus et donc la marge de détention de bons du Trésor», a souligné le responsable des opérations monétaires à BAM, notant que les opérations réalisées par l'institution ont pour but de «ramener la demande des investisseurs sur le marché».

© Copyright : BAM

En effet, lorsque les taux d’intérêt montent sur le marché secondaire, de nouvelles obligations sont émises avec des coupons supérieurs aux anciennes. La valeur de ces dernières se met donc à baisser puisque les investisseurs les vendent pour acheter celles qui rapportent plus.

La deuxième raison du recul de la demande des investisseurs sur le marché secondaire est «la crainte par rapport aux anticipations de l’évolution des taux d’intérêts, principalement le taux directeur. Les investisseurs préfèrent attendre d’avoir plus de visibilité que d’investir», a précisé Issami.

Ce n’est ni de l’assouplissement quantitatif ni de la planche à billetSi différentes analyses ont circulé ces derniers jours pour expliquer l’intervention de BAM sur le marché secondaire, Issami a tenu à souligner que les opérations de la banque centrale ne peuvent en aucun cas être assimilées à de «l’assouplissement quantitatif ou de la planche à billets».

En cause, les programmes d’assouplissement quantitatif (QE) déjà adoptés dans plusieurs autres pays visent à injecter de manière «massive» des liquidités sur le marché quand les banques centrales ne peuvent plus avoir recours aux taux directeurs pour agir sur l’inflation lorsqu’ils ont déjà atteint le taux zéro. Ce qui n’est pas le cas du Maroc, le taux directeur étant de 2,50% et le montant fixé par BAM pour l’achat de BDT ne dépassant pas les 25 milliards de dirhams.

La deuxième différence a trait à la nature des titres achetés lors de ces opérations et qui ne portent pas uniquement sur les BDT, comme c’est le cas pour BAM, mais également sur les obligations émises par les entreprises privées ou encore les titres adossés à des créances hypothécaires (MBS).

«Les QE sont des programmes assez importants qui se traduisent par une explosion de la taille des bilans de la plupart des banques centrales qui les ont adoptés. Dans certains cas, les bilans des banques centrales ont quadruplé, voire ont été multipliés par cinq», a indiqué Younes Issami.

En effet, après les deux opérations d'achat de BDT, la taille du bilan de BAM n’a pas changé, puisque la monnaie créée pour ces opérations a été compensée au niveau des autres instruments de la banque centrale. 

«Ce qui a été fait autour des achats des bons du Trésor a été réduit de la demande des banques sur le plan des avances à sept jours. On a eu une baisse de 13 milliards de dirhams sur les avances contre 16 milliards de dirhams d’achat des bons du Trésor. (…) Le décalage de 3 milliards est lié à d’autres facteurs, dont la circulation fiduciaire», a noté le cadre de BAM.

Par ailleurs, Issami a fait savoir que l’intervention de la banque centrale ne va pas influencer l’inflation ni les taux sur le marché secondaire, puisque «les bons du Trésor ont été achetés au prix du marché pour une maturité moyenne», soit une troisième différence avec les programmes d’assouplissement quantitatif où «les banques centrales interviennent sur la partie longue durée pour donner l’assurance aux investisseurs que les taux vont rester à des niveaux bas pour encourager l’investissement». 

Par Safae Hadri
Le 19/01/2023 à 15h47