Amal El Fallah Seghrouchni: «Le Maroc prépare un cadre légal et une direction générale dédiés à l’IA»

Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration.

Invitée des «Nuits de la finance», la ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration a présenté, jeudi 23 octobre à Casablanca, les contours de la stratégie nationale de l’IA et les chantiers structurants qui accompagneront la digitalisation du Royaume.

Le 24/10/2025 à 18h30

Lors d’une rencontre-débat organisée jeudi par Finances News Hebdo autour du thème «L’Intelligence artificielle au service de la finance au Maroc», Amal El Fallah Seghrouchni a insisté sur la transformation profonde que connaît le secteur financier avec l’intégration de l’intelligence artificielle (IA).

«La transition vers une finance augmentée par l’IA est systématique. Elle exige un alignement entre la technologie, la régulation, les infrastructures de données et les compétences humaines», a-t-elle affirmé, soulignant que ces quatre piliers constituent le socle de la stratégie nationale de l’IA 2030.

Toutefois, la ministre a averti: «Adopter l’IA à elle seule ne crée pas un avantage compétitif. Il faut la contextualiser, tenir compte des spécificités locales et de contraintes telles que le poids de l’informel, estimé à 30% de l’économie nationale selon le HCP».

Un projet de loi sur le digital en préparation

L’un des chantiers majeurs évoqués par la ministre concerne la mise en place d’un cadre légal pour encadrer l’usage de l’Intelligence artificielle et des données numériques.

Son département prépare, en concertation notamment avec la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP), la Direction générale de la sécurité des systèmes d’information (DGSSI) et l’Agence de développement du digital (ADD), un projet de loi sur le digital qui instaurera une gouvernance technologique «éthique et responsable».

«C’est un projet de loi extrêmement important sur le digital, qui va changer beaucoup de choses», a-t-elle déclaré. Le texte mettra l’accent sur la transparence des algorithmes, le droit à l’explication et à la contestation des décisions automatisées, ainsi que sur la lutte contre toute forme de discrimination dans l’usage de l’IA.

Il encadrera également l’échange des données entre administrations, afin de limiter leur circulation aux seules informations nécessaires à un service donné. Initialement prévu pour octobre, le texte sera présenté très prochainement, selon la ministre.

Former dès le plus jeune âge à l’Intelligence artificielle

Autre levier essentiel pour réussir la transition numérique: la formation. Amal El Fallah Seghrouchni a rappelé le lancement du programme national de formation au numérique et à l’Intelligence artificielle, destiné aux enfants de 8 à 14 ans.

Piloté par plusieurs ministères en partenariat avec l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P) et l’UNESCO, ce programme s’inscrit dans la stratégie Maroc Digital 2030 et vise à préparer une génération connectée, créative et capable de comprendre les enjeux technologiques.

«Dans cinq ans, nous allons récolter les fruits de ces efforts, puisque nous aurons un vivier intéressant», a-t-elle affirmé.

Recherche, innovation et cybersécurité: les autres piliers

La ministre a également évoqué la création prochaine d’un centre national d’innovation en cybersécurité, fruit d’un partenariat entre l’État, quatre départements ministériels et l’Université Mohammed V de Rabat. Ce centre mènera des activités de recherche, de formation et de développement technologique au profit des institutions publiques.

Parallèlement, la stratégie marocaine prévoit la mise en place d’un réseau national des instituts «JAZARI» dans les douze régions du Royaume. Ces structures seront dédiées à la recherche appliquée et à la conception de solutions intégrant l’Intelligence artificielle dans les services publics et privés.

Souveraineté technologique et cloud national

Amal El Fallah Seghrouchni a insisté sur la nécessité de renforcer la souveraineté numérique du Maroc.

«Il faut mettre les bouchées doubles pour que l’on puisse créer notre propre cloud», a-t-elle plaidé, estimant que le pays doit développer une infrastructure indépendante pour garantir la sécurité de ses données et son autonomie technologique.

Une Direction générale de l’IA en gestation

Pour donner corps à cette stratégie, le ministère s’apprête à créer une Direction générale de l’Intelligence artificielle (DGIA).

Cette nouvelle institution aura pour mission de coordonner les politiques publiques liées à l’IA, d’encourager les partenariats public-privé et de garantir un usage éthique et sécurisé des technologies.

Ses principaux axes d’action porteront sur l’élaboration d’un cadre légal et réglementaire clair, la promotion de la recherche et de l’innovation, le développement d’une infrastructure de données souveraine et la mise en œuvre d’une stratégie nationale intégrée de l’IA.

Le Maroc, futur exportateur de solutions digitales

Enfin, la ministre a appelé le secteur privé à s’impliquer davantage, notamment à travers la création d’entreprises de digitalisation.

Elle a rappelé que 80% des données au Maroc restent encore sur support papier, ce qui freine leur exploitation et leur partage.

Confiant dans le potentiel du pays, Amal El Fallah Seghrouchni a conclu: «Le Maroc a aujourd’hui les compétences, la vision et la volonté politique pour devenir un exportateur de solutions digitales dans le monde arabe et en Afrique».

Par Lahcen Oudoud
Le 24/10/2025 à 18h30