Amicales immobilières: un ancien modèle face à un nouvel enjeu du logement accessible

Un complexe résidentiel récemment bâti à Casablanca.

Revue de presseLongtemps outil privilégié des classes moyennes, ce modèle coopératif montre aujourd’hui ses fragilités mais aussi un potentiel considérable. Leur transformation pourrait en faire un levier majeur pour réguler le marché et redonner accès à un logement abordable. Cet article est une revue de presse tirée de Challenge.

Le 04/12/2025 à 18h36

Alors que les prix des titres fonciers poursuivent leur ascension et que la production de logements accessibles peine à répondre à la demande, les amicales immobilières refont surface dans le débat public. Longtemps plébiscitées par les classes moyennes, elles montrent aujourd’hui leurs limites mais aussi un potentiel encore largement sous-exploité, écrit le magazine hebdomadaire Challenge. Pour Nawfal Bellakhdar, directeur général d’Akare.ma, cité par Challenge, leur transformation pourrait en faire un outil stratégique pour rendre le logement plus abordable.

Dans un marché fragilisé par la flambée des coûts du foncier et le ralentissement de la promotion immobilière classique, ces structures coopératives attirent de nouveau l’attention. Ce système, qui a permis à des milliers de ménages d’accéder à un logement grâce à la mutualisation des ressources et à l’absence de marge spéculative, séduit particulièrement les primo-acquéreurs dont la capacité d’emprunt se réduit sous l’effet de la hausse des taux et des prix.

Cet engouement révèle surtout un malaise structurel. Les amicales ont longtemps constitué une voie efficace pour les ménages capables d’épargner progressivement sans recourir au crédit bancaire. Elles ont offert à de nombreux Marocains leur premier logement, dans un cadre financier plus souple que les circuits traditionnels. Face à l’augmentation du coût de la vie et au décalage croissant entre l’offre et la demande, ce mécanisme collectif apparaît aujourd’hui comme l’un des rares moyens permettant encore de réduire substantiellement la facture finale, a-t-on lu.

Le modèle conserve un attrait économique puissant. L’absence d’impôt sur les sociétés, de TVA, et de marge pour les promoteurs, permet d’aboutir à un coût de revient nettement inférieur à celui du marché. Bellakhdar souligne que les économies générées peuvent atteindre 50%, une fois intégrés les avantages fiscaux et la mutualisation des charges, et que dans certains cas, le prix final chute de 20 à 30% par rapport aux tarifs pratiqués sur le marché. Il rappelle également que ce système fait vivre un écosystème entier, des architectes aux entreprises de construction, en passant par les bureaux d’études et les sous-traitants. Même si les amicales ne fonctionnent pas comme des opérations commerciales classiques, elles génèrent de l’activité, de l’emploi et des recettes indirectes pour l’État.

Mais cette mécanique, en apparence vertueuse, se heurte régulièrement à des failles de gouvernance. Retards de chantiers, conflits entre adhérents, gestion hasardeuse, défaillance des prestataires ou arrêt complet des travaux: les dysfonctionnements ne sont pas rares. Bellakhdar alerte sur une fragilité structurelle liée à la gouvernance, où un départ, un désaccord ou un manque de compétences techniques peut suffire à faire dérailler une opération.

Il estime que ces dérives s’expliquent en grande partie par un cadre juridique devenu obsolète. Pour restaurer la confiance, il préconise d’abord de limiter la taille des projets, considérant qu’une amicale ne peut fonctionner correctement qu’à condition de rester une structure à dimension humaine. Il plaide aussi pour une différenciation claire des règles selon la finalité du projet. À ses yeux, les amicales destinées à l’habitation principale doivent bénéficier d’une réglementation plus souple, tandis que les projets à vocation d’investissement nécessitent un encadrement plus rigoureux. Il insiste enfin sur la nécessité de fixer des délais maximums afin d’éviter les opérations interminables, sources majeures de méfiance, ainsi que d’harmoniser le modèle juridique pour mettre fin aux abus: amicales créées pour contourner la fiscalité, spéculation sur les adhésions ou projets d’investissement déguisés en coopératives d’habitation.

Malgré leurs imperfections, les amicales conservent un potentiel réel pour contribuer à la régulation du marché. Bellakhdar souligne qu’elles offrent une réponse concrète aux difficultés d’accès à la propriété, notamment pour les ménages modestes. En étalant les paiements sur plusieurs années et en réduisant le coût de revient, elles permettent souvent d’acquérir un logement plus spacieux ou mieux situé que ce que proposent les promoteurs traditionnels. Elles participent aussi à réduire le déficit en logements dans un marché où les produits abordables se raréfient. Leur utilité se manifeste également dans des situations que les acteurs privés peinent à gérer: terrains difficiles à exploiter, titres fonciers restés invendables, ou projets que les promoteurs jugent insuffisamment rentables. Bellakhdar a cependant voulu mettre en garde les potentiels investisseurs contre de progressives dérives vers une logique spéculative.

Par La Rédaction
Le 04/12/2025 à 18h36