C’est une lettre qui peut bien faire office de dernier testament d’une personnalité qui a longtemps défendu l’entreprise nationale, particulièrement celle opérant dans le BTP, et dont le décès le 21 juin dernier avait suscité une vive émotion dans les milieux économiques.
Le360 a en effet appris que quatre jours avant sa disparition, Bouchaib Benhamida, président de la Fédération du BTP pendant plus de 20 ans, a adressé une lettre d’un ton assez agressif à l’un des plus grands promoteurs immobiliers de la place, à savoir le président de la société Douja Promotion Groupe Addoha, Anas Sefrioui. Dans cette lettre, datée du 17 juin, Bouchaib Benhamida a revêtu de nouveau le rôle de défenseur de la cause de l’entreprise nationale face à un opérateur qui semble plus attiré par «la préférence étrangère».
Le défunt regrettait en effet le dénigrement qui était fait par le promoteur aux entreprises nationales du BTP pour justifier son recours à des prestataires étrangers.
Une question de risques, mais pas seulementEn fait, tout est parti d’une note d’information relative à un programme de rachat d’actions d’Addoha publié récemment. Dans celle-ci, il est expliqué que «la non disponibilité en nombre suffisant d'entreprises qualifiées en mesure de répondre aux exigences des cahiers des charges pourrait constituer un facteur de risque de nature à impacter les délais de réalisation et/ou la qualité des prestations. Il pourrait également en découler, faute de concurrence, des offres de prix plus élevées».
Dans la même note, il est ajouté que pour contrecarrer ce risque, Douja Promotion Groupe Addoha a prospecté le marché international, dès l'année 2002, et identifié des entreprises étrangères disposant d'excellentes références dans le domaine des BTP et de structures organisationnelles leur permettant de réaliser les travaux à des prix et dans des délais conformes aux exigences des cahiers des charges.
En d’autres termes, le groupe Addoha justifie le recours, depuis 2002, à des entreprises étrangères du BTP pour la réalisation de ses programmes immobiliers par le manque d’opérateurs marocains suffisamment qualifiés.
Pour feu Benhamida, si Addoha a choisi de recourir à des opérateurs étrangers, c’est pour d’autres raisons que celles invoquées. Dans sa lettre, il explique en effet que l'attachement de Douja Promotion Groupe Addoha à la préférence étrangère, «malgré ses défaillances», peut avoir ses raisons, mais ne peut en aucun cas se justifier par le risque que présente le tissu national des entreprises du BTP. Ce dernier «fait ses preuves chaque jour auprès des plus prestigieux maitres d'ouvrages nationaux, publics et privés, que ce soit dans le secteur du logement, celui des grands ouvrages», peut-on lire dans la missive.
Interpellé pour une réaction à cette lettre, une source autorisée au sein du groupe Addoha s’est contentée de nous expliquer que la dite analyse des risques a été faite par la banque d’affaires ayant accompagné le groupe dans la préparation du programme de rachat d’action. C’est cette dernière qui aurait ainsi fait ressortir les principaux facteurs de risques qui peuvent entraver l’activité du groupe.
Une affaire déjà vueCependant, il y a lieu de souligner que ce n’est pas la première fois que ces remarques sont faites par Addoha. La tension était déjà montée d’un cran en 2006 entre la FNBTP et le promoteur pour des raisons similaires.A l’occasion de son introduction en Bourse en 2006, le promoteur immobilier avait déjà imputé son recours à des prestataires étrangers à la non disponibilité sur le marché d’opérateurs marocains suffisamment qualifiés.A l’époque, et suite à une lettre du président de la FNBTP, le président du Groupe Addoha, Anas Sefrioui, avait rapidement réagi en adressant une réponse à la FNBTP dans laquelle il affirmait partager parfaitement le point de vue de la fédération quant au professionnalisme avéré des entreprises nationales du BTP. La lettre de feu Benhamida laisse supposer que les paroles du PDG d’Addoha n’ont pas été suivies par des actes. Et cette lettre prend, aujourd’hui, une résonance particulière parce qu’elle sonne comme la voix de la vérité, venue d’outre-tombe.