Bank Al-Maghrib (BAM) tient son dernier Conseil de l’année 2020, ce mardi 15 décembre, pour décider de la conduite de la politique monétaire pour les mois à venir. Ce Conseil intervient dans un contexte national et international globalement difficile, marqué par un fort ralentissement de la croissance, conséquence des mesures de confinement mises en œuvre par les autorités publiques en vue de limiter la propagation de la pandémie.
Le Conseil de BAM donnera-t-il un coup de pouce supplémentaire aux conditions de la relance, en décidant une nouvelle baisse de son taux directeur? Un consensus semble se dégager auprès des analystes pour répondre à cette question par la négative.
Ainsi, pour CDG Capital, qui vient de publier une note consacrée à ce sujet, «il est plus probable que le Conseil de Bank Al-Maghrib maintienne le taux directeur inchangé au niveau de 1,5% lors du prochain Conseil».
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Les précédentes baisses du taux directeur n’ont pas été entièrement consomméesLa banque d’affaires, filiale de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG), met en avant deux arguments pour anticiper un statu quo du taux directeur. Le premier est que la transmission des baisses précédentes du taux directeur (de -25 points de base en mars, -50 pbs en juin) vers les taux débiteurs est demeurée incomplète. Rappelons que les taux débiteurs représentent les taux d’intérêts auxquels les agents économiques empruntent auprès des banques.
En chiffres, il ressort en effet que le taux moyen pondéré global débiteur (TMPGD) n’a baissé que de 28 pbs au troisième trimestre pour s’établir à 4,3%, ce qui reflète la transmission partielle de la décision du Conseil de Bank Al-Maghrib, prise en juin 2020, de baisser le taux directeur de 50 pbs à 1,5%.
«La transmission de la baisse de 50 Pbs du taux directeur vers les taux débiteurs n’a été que partielle, nécessitant probablement un certain temps de latence afin d’observer l’effet de cette baisse sur le coût global des ressources des banques», souligne CDG Capital. En d’autres termes, BAM ne devrait pas opérer une nouvelle baisse de son taux de référence tant que les précédentes baisses ne se sont pas entièrement répercutées sur le coût du crédit bancaire.
La reprise du crédit bancaire reste limitéeLe deuxième argument mis en avant par CDG Capital pour justifier le statu quo est que, malgré les multiples baisses du taux directeur par Bank Al-Maghrib et les différentes initiatives des autorités publiques en vue de faciliter l’accès au financement, la reprise des crédits reste limitée.
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Le rythme d’accroissement, en glissement annuel, des crédits bancaires a en effet légèrement reculé, passant à 4,3% en octobre 2020 contre 5,2% et 4,9% enregistrés les deux mois précédents. Ainsi, selon les analystes de CDG Capital, BAM pourrait décider de temporiser dans l’attente d’une reprise de la demande de crédit, aussi bien des entreprises que des ménages.
La dernière sortie du Trésor à l’international change la donneLe Trésor a émis, le 8 décembre dernier, un emprunt obligataire d’un montant global de 3 milliards de dollars. Cette levée historique sur le marché financier international est de nature à alléger la pression sur la liquidité intérieure. En effet, grâce à cet important emprunt en devises, le Trésor devrait limiter son recours au marché domestique et, par conséquent, mettre fin à la hausse des taux obligataires sur le marché primaire.
Avant cette sortie du Trésor à l'international, les spécialistes estimaient qu’une baisse du taux directeur de la Banque centrale était de nature à freiner l’orientation haussière des taux sur le marché obligataire. Ce n’est plus nécessaire désormais. Lors de la dernière séance d’adjudication du Trésor sur le marché intérieur, le 8 décembre, les taux obligataires sont repartis à la baisse, après plusieurs semaines de hausse: le taux sur l’emprunt à 5 ans a baissé de 7 pbs, tandis que celui à 10 ans a lâché -10,6 pbs.
Notons enfin que les anticipations de statu quo du taux directeurs sont corroborées par une enquête récente réalisée par Attijari Global Research (AGR). Selon les résultats de cette enquête, les investisseurs financiers anticipent une stabilité du taux directeur lors du prochain Conseil de Bank Al-Maghrib.
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Ainsi, 63% des investisseurs sondés s'attendent à un statu quo du taux directeur de BAM, indique la filiale d'Attijariwafa bank, dédiée à la recherche, dans son enquête réalisée auprès d'un échantillon de 35 investisseurs «considérés parmi les plus influents du marché boursier marocain».
La quote part des acteurs de référence (des personnes ayant suffisamment de recul sur le marché financier marocain leur permettant de retranscrire de manière relativement fidèle l'état d'esprit des investisseurs sans pour autant intervenir directement sur le marché) anticipant une stabilité du taux directeur demeure, quant à elle, quasi stable par rapport à l’édition précédente de l’enquête, soit de 56%, souligne AGR.