A la veille du coup d'envoi de cette 22e conférence climat de l'ONU, sur 192 signataires du pacte de Paris et "après la ratification de l'Afrique du Sud mardi, ce sont 92 pays qui sont allés au bout du processus", s'est félicitée mercredi Ségolène Royal, la ministre française de l'Environnement et de l'Energie et présidente de la COP21.
Les seuils de 55 pays représentant 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre requis pour l'entrée en vigueur ont ainsi été franchis plus tôt que tous les pronostics des experts.
"Nous avons fait en neuf mois, ce qui avait pris huit ans pour le protocole de Kyoto", a souligné Mme Royal, signe d'une prise de conscience au plus haut niveau politique de l'urgence à agir pour garder des chances de limiter le réchauffement planétaire à 2°C au-dessus du niveau pré-industriel.
Parmi les très grands émetteurs, la Russie manque à l'appel et n'a pas donné d'indication sur une date de ratification. En Australie et au Japon, les processus sont engagés. En Europe, la Pologne, la Belgique, l'Italie et l'Espagne doivent encore faire ratifier au niveau national.
"Il est important de garder la dynamique de Paris et de ne pas seulement se réjouir de l'entrée en vigueur", prévient toutefois Alden Meyer, expert auprès de l'organisation américaine Union of concerned scientists.
Car les négociateurs ont encore du pain sur la planche, l'accord adopté par consensus contenant de nombreuses dispositions à préciser.
Mais le cap ayant été fixé (plafonner puis réduire les émissions de gaz à effet de serre au plus vite), "la COP22 doit être une COP de l'action et de la mise en oeuvre", plaide Tosi Mpanu-Mpanu, le porte-parole du groupe des Pays les moins avancés.
Parmi les sujets qui doivent progresser: la définition des règles de transparence entre les Etats, la montée en puissance de l'aide financière aux pays en développement, l'aide technique pour bâtir des politiques de développement "propres" (énergies renouvelables, transports et habitats moins énergivores, nouvelles pratiques agricoles, etc.), la présentation des stratégies nationales à 2050.
L'urgence de faire plus "L'enjeu le plus important à Marrakech, c'est de se mettre d'accord sur une date-butoir pour décider des règles d'application de l'accord, notamment les règles de transparence", estime Laurence Tubiana, la négociatrice française. "2017, ce n'est pas réaliste, mais 2018 c'est envisageable", selon elle.
Les règles de transparence concerneront les informations que les pays devront fournir sur leurs démarches pour limiter leurs émissions, ainsi que la progression des aides financières publiques.
Parallèlement à une transparence accrue, l'accord repose sur un renforcement des plans d'action de chaque pays qui vont jusqu'en 2025 ou 2030.
La somme des engagements actuels met la planète sur un trajectoire de +3°C, un seuil synonyme d'impacts beaucoup plus graves et déstabilisants que 2°C, qui sera déjà marqué par une aggravation des phénomènes climatiques (vagues de chaleur, sécheresses, inondations, montée du niveau de la mer, etc.).
"Chaque pays doit faire plus, mais on ne peut pas attendre 2025 ou 2030 pour le faire", avertit Laurence Tubiana qui, avec de nombreux autres experts, pousse pour des objectifs nationaux plus ambitieux d'ici 2020.
La question de l'aide aux pays en voie de développement sera encore un sujet sensible: sur les 100 milliards de dollars promis chaque année d'ici 2020, 67 milliards ont déjà été annoncés par les différents acteurs (Etats, banques multilatérales, etc.), selon l'OCDE.
De nouvelles annonces sont espérées par les pays les plus pauvres qui "manquent de ressources et d'expertise pour se protéger de manière adéquate des impacts dévastateurs", souligne Tosi Mpanu-Mpanu.
Enfin, Marrakech sera l'occasion de mesurer les progrès faits par certaines des quelques 70 coalitions lancées à l'occasion de la COP21 (alliance solaire, innovation, pratiques agricoles, systèmes d'alerte, etc.).
Les pays africains attendent beaucoup de l'Initiative pour les énergies renouvelables et des 10 milliards promis pour promouvoir les énergies vertes sur le continent. Une gouvernance a été mise en place et des projets sont actuellement évalués.