Dans son rapport annuel au titre de l'année 2016-2017, la Cour relève que la stratégie de développement touristique "Vision 2020" a été élaborée "sans capitaliser sur les acquis de celle qui l’a précédée et a été marquée par un optimisme excessif des objectifs fixés alors que l’impact de la crise économique mondiale de 2008 était déjà ressenti au niveau des principaux marchés émetteurs", faisant savoir que "l'analyse de l’état d’avancement des projets prévus par les CPR montre un faible taux de réalisation".
Selon le document, les 15 CPR signés prévoient la réalisation de 944 projets touristiques avec un montant total de plus de 151 milliards de dirhams (MMDH). Toutefois, "seulement 37 projets ont été réalisés à fin 2015, pour un montant de près de 1,4 MMDH, soit un taux de réalisation de moins de 1%".
La Cour déplore également qu'aucune des instances de gouvernance, qui ont été prévues pour la mise en oeuvre de la stratégie "Vision 2020", aussi bien au niveau national (le Conseil national de tourisme "CNT") qu’au niveau local (les huit Agences du développement touristique "ADT"), n’a vu le jour. Aussi, deux programmes phares baptisés "Qariati" (programme de développement intégré du tourisme rural et de nature) et "Mdinti" (programme intégré de développement touristique du produit culturel et artisanal dans les médinas), conçus par la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT) et considérés comme instruments de mise en œuvre de la stratégie nationale du tourisme ont été prévus, mais "aucune action n’a été concrétisée".
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D'après le rapport, d'autres programmes ont été également prévus dans le cadre de la Vision 2020, notamment le Programme national pour l’innovation et la compétitivité touristique portant, entre autres, sur l’accompagnement des PME touristiques et l’amélioration de l’encadrement de l’activité touristique.
En ce qui concerne l’accompagnement des PME touristiques, deux dispositifs d’appui ont été mis en place dans le cadre de la "Vision 2020", à savoir "Moussanada Siyaha" et "Renovotel", mais dont le bilan a été bien "en deçà des attentes", regrette la Cour des comptes, soulignant que sur "les enveloppes respectives prévisionnelles de 420 millions de dirhams (MDH) et 500 MDH, seulement 1,91 MDH et 35,4 MDH ont été engagées". Quant au volet portant sur l’encadrement de l’activité touristique, la modernisation du corpus légal et réglementaire a été lancée pour les principaux métiers du tourisme, en l’occurrence l’hébergement, la distribution (les agences de voyages) et le métier de guide de tourisme, "sans que, toutefois, ne soit enregistrée une réelle avancée", d'après le rapport.
Il en est de même pour le chantier de la structuration et de l’accompagnement des fédérations et des associations métiers, qui est l’un des axes majeurs du programme national pour l’innovation et la compétitivité touristique, et qui "ne connait pas des avancées significatives".
S'agissant de la formation aux métiers de tourisme, la Cour des comptes précise que la majeure partie des mesures préconisées par le contrat- programme et qui est à la charge du ministère "n’ont pas été implémentées, ou ont connu juste des débuts de mise en œuvre", notamment, celles se rapportant à la dotation du secteur en compétences de haut niveau, à la mise en place des conventions collectives sectorielles et au respect de la législation sociale dans le secteur touristique. Parmi les actions non réalisées en la même matière, on trouve, également, le repositionnement de l’Institut supérieur international du tourisme de Tanger (ISITT) et la création d’une école de management hôtelier de niveau international.
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De même, la Cour a relevé que la programmation des filières et des effectifs à former par les instituts de formation n’est pas cadrée par des orientations du département visant à accompagner l’évolution des tendances de l’industrie touristique, soulignant, dans ce cadre, que "les instituts relevant du ministère n’ont assuré la formation que de 12% de l’ensemble des lauréats en métiers du tourisme en 2014. Le reste étant formé par les instituts de formations relevant de l’OFPPT et du secteur privé".
En outre, au niveau de presque la totalité des instituts de formation professionnelle relevant du ministère, l’effectif du personnel administratif dépasse largement celui des formateurs, parfois jusqu'à en constituer le double. Concernant l’employabilité des lauréats des instituts de formation, la Cour constate qu'aucun mécanisme n’est instauré ni au sein du ministère ni au sein des instituts de formation pour permettre le suivi du rythme d’insertion des lauréats, et ce, contrairement à ce qui était prévu par la Vision 2020, note la même source.
Pour ce qui est des services extérieurs du ministère, la Cour relève que les budgets des délégations régionales sont plutôt des budgets pour financer les besoins courants et non pas des budgets d’action, ajoutant que l’absence d’une approche de gestion par objectifs, permettant d’encadrer les actions des services extérieurs, constitue également une des faiblesses de ces services. En matière de gestion des ressources financières, la Cour note également la prédominance des commandes de formation passées par le mode de contrats de droit commun par rapport à celles passées par voie d’appel d’offres, ajoutant que des insuffisances dans les justifications de l’exécution de certains de ces contrats ont été également signalées, ainsi que le recours récurrent aux mêmes prestataires.