Création d’entreprises en ligne: les prérequis de la réussite de la réforme, selon un spécialiste

Le siège de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), à Casablanca.

Le décret fixant les modalités et les procédures de création d’entreprises par voie électronique et leur accompagnement a été promulgué. Ce qui devra permettre d’alléger considérablement les démarches administratives à cet effet, indique pour Le360 Badr Zaher Al-Azrak, professeur universitaire en droit des affaires. Le spécialiste note, toutefois, que la réussite de cette réforme nécessite une multitude de prérequis.

Le 03/08/2024 à 11h32

Le tant attendu décret n° 2.22.92 fixant les modalités et les procédures de création d’entreprises par voie électronique et leur accompagnement a été publié au bulletin officiel (daté de 15 juillet 2024). La promulgation de ce décret «représente un tournant décisif» dans la mise en œuvre et l’application optimale de la loi n° 88-17, qui régit la création et l’accompagnement des entreprises en ligne, indique pour Le360 Badr Zaher Al-Azrak, professeur à l’Université Hassan II de Casablanca, chercheur en droit des affaires.

Cette loi prévoit l’adoption de la méthode électronique pour effectuer les procédures et formalités relatives à la création d’entreprises et au suivi de leur situation juridique, à travers une plateforme électronique créée déjà à cet effet, dont la gestion est confiée à l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC).

Le spécialiste tient à noter que cette réforme s’inscrit dans un cadre plus vaste de modernisation des textes juridiques et réglementaires régissant la création et l’accompagnement des entreprises.

En plus de la loi n° 88-17, explique-t-il, la refonte englobe également le registre du commerce, les procédures administratives, les marchés publics et la justice commerciale. L’objectif est de créer un écosystème favorable au développement des entreprises marocaines, d’attirer les investissements étrangers et d’intégrer le secteur informel, affirme-t-il.

Ce décret précise les documents à soumettre sur la plateforme, les modalités de leur dépôt et leur traitement électronique. Il définit également les modalités de fonctionnement de la Commission nationale de suivi et de coordination, chargée de superviser l’opération de création et d’accompagnement des entreprises ainsi que de coordonner les actions des différentes administrations et organismes impliqués.

Les premiers résultats prometteurs

La simplification des démarches et la dématérialisation des procédures de création d’entreprises apportées par cette réforme concerne notamment le dépôt des actes juridiques, la délivrance de certificats et d’extraits, ainsi que le paiement des taxes, des rémunérations et des inscriptions au registre du commerce. «Ces démarches, souvent lourdes et chronophages par le passé, représentaient un obstacle significatif pour les PME et TPE», note notre interlocuteur.

À l’avenir, les déclarants seront exemptés de produire des documents papier, y compris les copies et extraits des contrats, décisions ou autres documents, ce qui devrait alléger considérablement les démarches administratives, souligne-t-il.

Les résultats de la phase pilote sont prometteurs, avec la création de plus de 700 entreprises via cette plateforme déjà opérationnelle, observe Badr Zaher Al-Azrak.

Cependant, nuance-t-il, la réussite de ce projet dépendra fortement de l’engagement des divers acteurs concernés. «Un manque d’engagement ou une indifférence de la part des institutions et des futurs entrepreneurs pourraient compromettre l’efficacité de la plateforme et réduire son impact sur le tissu entrepreneurial et l’attractivité économique du Royaume», soutient-il.

La coordination entre les acteurs gouvernementaux, territoriaux et judiciaires, ajoute le chercheur en droit des affaires, sera également cruciale et pourrait poser plusieurs défis pour la Commission nationale de suivi et de coordination. De même, il insiste sur le lancement d’une campagne de sensibilisation efficace en partenariat avec les principaux acteurs, notamment les centres régionaux d’investissement (CRI), pour inciter les futurs entrepreneurs à adopter ce nouveau système.

De plus, poursuit-il, la gestion, l’exploitation et la protection des données seront des enjeux majeurs. Il sera essentiel, insiste-t-il, de transformer ces données en outils stratégiques pour améliorer l’attractivité de notre économie et renforcer la performance de notre écosystème entrepreneurial.

L’OMPIC remédiera aux limites de la plateforme

Pour maximiser le succès de cette initiative, Badr Zaher Al-Azrak recommande également d’envisager des mesures supplémentaires, telles que l’instauration d’une formation continue pour les acteurs impliqués et la mise en place d’un système de feedback pour les utilisateurs de la plateforme. «Ces actions permettront non seulement d’assurer une adoption plus large, mais aussi de garantir une amélioration continue des services proposés», conclut-il.

En fait, cette plateforme est toujours en rodage. C’est ce que montre le lancement par l’OMPIC, le mercredi 31 juillet 2024, d’une consultation qui vise à élargir les différents services offerts par la plateforme et «répondre à certaines exigences exprimées par les parties prenantes impliquées dans le processus de création et de post création des entreprises». Cet appel d’offres devra permettre à l’Office de «disposer de l’expertise et des ressources nécessaires à la maintenance et l’évolution de cette plateforme».

Par Lahcen Oudoud
Le 03/08/2024 à 11h32