Après avoir élargi à deux reprises la bande de fluctuation du dirham dans le cadre de la réforme du régime du change du Royaume, entamée en 2018, le passage à la prochaine étape n’est toujours pas à l’ordre du jour malgré les nombreuses recommandations du FMI.
Le premier élargissement de la bande de fluctuation du dirham de 5% (+/- 2,5% de part et d’autre du cours central) a eu lieu le 15 janvier 2018. Le deuxième élargissement (+/- 5%) a été acté en mars 2020 pour faire face au choc externe qui se profilait à cause de la crise du Covid-19.
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Interrogé sur la question, Omar Bakkou, économiste spécialiste en politique de change et auteur du livre La convertibilité du dirham en question: manifeste pour la transition d’une convertibilité désordonnée à une convertibilité ordonnée, estime judicieuse la politique adoptée jusque-là par le ministère de l’Economie et des Finances et la Banque centrale consistant à ralentir la réforme du régime de change, notant que le passage à une nouvelle étape de flexibilisation demeure difficile à mettre en œuvre à ce jour, dans un contexte marqué par l’augmentation des prix et la baisse du pouvoir d’achat des ménages.
«On a mis en place la réforme initiale du régime de change au Maroc sur la base du contexte et de la conjoncture économique observée entre 2008 à 2013 marqués par un déséquilibre sur le marché de change: nos recettes étaient largement inférieures à nos dépenses et les instruments d’ajustement qui étaient à la disposition de l’Etat, notamment les avoirs de réserves et l’endettement ne suffisaient pas à absorber ce déséquilibre», explique l’économiste.
Si la réforme a été mise en place pour permettre au taux de change d'être un mécanisme d’ajustement en cas de déséquilibre du marché, le passage à une nouvelle étape signifierait que le taux de change va se déprécier et le poids de cet ajustement sera donc supporté davantage par les individus et la population que par l’Etat à travers les avoirs de réserve et l’endettement extérieur.
«Dans le cadre de notre profil d’ouverture extérieur, on joue plus sur les importations que sur les exportations qui sont relativement faibles et ne représentent que 50% du total des importations. La réduction de nos importations à travers cet ajustement engendrera dans le contexte actuel, une augmentation des prix plus importante et accentuera la baisse du pouvoir d’achat. Ce qui n’est pas souhaitable dans le contexte actuel vu que le pouvoir d’achat et déjà très impacté», précise le spécialiste.
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En plus de la crainte sur la hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat, il existe également un risque de dévaluation de la valeur de la monnaie. Pour Omar Bakkou, il faut accélérer la réforme dans un cadre dans lequel le marché de change est plus équilibré et ne subit aucune pression pour que la baisse continuelle du taux de change qui résultera du passage à la deuxième étape de flexibilisation ne participe pas à «déparamétrer» la monnaie.
«Depuis l’indépendance, et jusqu’à aujourd'hui, le dirham a toujours été une monnaie forte parce que sa valeur interne et externe est stable, deux éléments qui permettent à l’Etat d’emprunter à un taux d’intérêt faible parce que les opérateurs savent qu’il n’y a pas de risque inflationniste pour les marchés des capitaux de manière générale», explique-t-il.
Et d’ajouter: «Quand il y a une pression dans un seul sens, la monnaie va perdre sa réserve de valeur et on risque alors d’engendrer le phénomène de fuite devant la monnaie». Ce phénomène engendre en effet un besoin pressant de transformer son argent, sa monnaie, son épargne en actif d’investissement capable de préserver la valeur à long terme. Les agents économiques consomment alors le plus tôt possible leur épargne afin de ne pas être pénalisés par l'inflation.
Il est donc plus judicieux d’attendre que la pression sur le prix et le marasme social qui résulte de la crise sanitaire et économique soient dépassés et que les réformes engagées dans le cadre du nouveau modèle de développement soient mises en œuvre pour que la réforme du régime de change puisse aboutir et réussir sans impact négatif sur l’écosystème et la société, conclut le spécialiste.