Anas Sefrioui a de l’appétit! Le magnat marocain de l’immobilier ne veut pas seulement s’implanter en Afrique, mais vise aussi le marché français. Le360 a appris, de sources sûres, que le Groupe Sefrioui est engagé dans un nouveau projet de construction d’une cimenterie à Fos-sur-Mer, à une cinquantaine de kilomètres de Marseille. Mais les procédures d’obtention des autorisations nécessaires semblent être plus compliquées que prévu.
Tout commence en 2012, lorsque le «Grand Port Maritime de Marseille», exploitant et gestionnaire du plus grand port de France et du deuxième plus grand port de la Méditerranée situé dans la commune de Fos-sur-Mer, lance un vaste programme dont le but est de créer un tissu industriel dans des terrains jouxtant l’enceinte du port pour permettre de renforcer le trafic. Le secteur des matériaux de construction est ainsi privilégié.
L’opportunité était trop belle pour être ratée. Le marché du ciment en France est en effet marqué par une saturation des capacités des grands producteurs, ce qui les empêche parfois de pouvoir répondre à la demande lors des périodes de pic. Le sud de la France présente également des atouts indéniables vu qu’il consomme plus de 40% de la production française de ciment.
En outre, le marché connaît actuellement une mutation des cimenteries intégrées en centres de broyage de clinker pour des questions de rationalisation. Selon les documents, relatifs à la cimenterie de Fos-sur-Mer, présentés aux autorités françaises et que nous avons consultés, cette situation devrait provoquer un déficit dans la production lors des vingt prochaines années.
Objectif: produire 400.000 tonnes de ciment par an
Flairant la bonne affaire, le Groupe Sefrioui répond à l’appel à projet via l'une de ses filiales, Sudvrac, qui propose la construction d’une cimenterie. Selon des documents de la mairie de Fos-sur-Mer que nous avons également consultés, le projet a tout pour séduire: une capacité de production importante de 400.000 tonnes par an, un investissement de 50 millions d’euros et la création de plus d’une centaine de nouveaux postes d’emplois. Une possibilité d’extension de la capacité serait même envisagée une fois que l’unité aura atteint sa vitesse de croisière.
Dans le détail, la réalisation de ce projet est prévue en deux phases. Dans la première, Sudvrac se contentera d’importer le ciment via le port de Marseille et opérera dans le stockage, l’ensachage puis l’expédition. Dans la seconde, elle commencera à importer du clinker avant de broyer et produire du ciment.
Des procédures interminables
Après le dépôt du dossier en 2013, plusieurs rencontres avec des responsables du port ont alors eu lieu jusqu’à ce que Sudvrac reçoive une notification, en novembre 2014, l'informant que son projet est retenu.
S’ensuit alors une série de démarches administratives pour l’obtention des autorisations nécessaires. Alors que tout présageait que le processus serait facile et que le projet démarrerait rapidement, Sudvrac rencontre, selon nos sources, des difficultés considérables pour l’obtention du permis de construire, du bail de construction et d’autres documents.
Il aura fallu de longs mois et plusieurs réunions avec les autorités locales pour obtenir enfin le permis de construire, puis un avis a priori favorable de l’Autorité environnementale française. Ce dernier n’a d’ailleurs été obtenu qu’en avril dernier, suite à quoi l’enquête publique a été ouverte en mai 2016.
Selon nos informations, le Groupe Sefrioui soupçonnerait un lobbying exercé par un groupement local qui ferait tout afin d'empêcher la construction de cette unité pour des raisons concurrentielles. Interrogé sur ce point, une source proche de la famille Sefrioui ne l’avoue qu’à demi-mot, tout en niant que le projet rencontre des problèmes au niveau des autorisations. La même source nous assure que le projet sera bel et bien réalisé. Mais comment expliquer alors qu’un projet aussi bon sur le papier et qui répond aux besoins exprimés par l’exploitant du port prenne plus de trois ans pour de simples formalités administratives ?
Le maire et les salariés de VICAT font bloc contre le Groupe Sefrioui
Nous avons également posé la question au groupement français supposé être le concurrent du Groupe Sefrioui, à savoir le Groupe VICAT. Sa réponse se limite à : «Une enquête publique, instruite par les autorités administratives compétentes, est en cours. C’est à ces autorités administratives qu’il appartient de prendre une décision. Dans ce contexte, notre Groupe n’a aucun commentaire spécifique à faire».
Si cette réponse ne confirme pas les pressions exercées par VICAT sur les autorités locales, elle porte à croire, en revanche, que le Groupe français suit de près le projet de Sudvrac. Ce qui est en soi une preuve de l’intérêt qu’il accorde à la présence du Groupe Sefrioui dans la région de Marseille.
Finalement, il y a moins d’un mois, les choses ont pris une tournure moins favorable au Groupe Sefroui. Lors d’une réunion publique, entrant dans le cadre de l’enquête publique et qui s’est tenue à la Maison de la mer de Fos-sur-Mer à la mi-mai, le maire de cette commune, René Raimondi, s'est clairement opposé à ce projet.
En premier lieu, le maire argue qu’il n’avait pas été associé à la concertation préalable à l'implantation de la cimenterie. Il reconnaît que c’est un concurrent qui lui a appris l’existence de ce projet. Lors de la réunion, il n’a pas caché son inquiétude quant «au danger que présente cette nouvelle implantation, à proximité d’un concurrent, sur un marché du ciment déjà saturé».
Selon un résumé de la réunion publique disponible auprès de la mairie de Fos-sur-Mer, il a déclaré à l'assistance: « Vous parlez de la création d’une quarantaine d’emplois. Mais combien risquons-nous d’en perdre sur notre bassin industriel, à cause d’une concurrence inéquitable, en raison notamment de l’importation d’un clinker produit à l’étranger ?» Et d'ajouter : «Vous aurez une opposition de la part de la municipalité de Fos-sur-Mer, non pas sur le volet technique, mais sur le volet social du dossier».
Des salariés de la société VICAT, ainsi que des représentants syndicaux, ont également assisté à la réunion pour exprimer leur crainte de voir leurs emplois menacés par l’implantation de Sudvrac.
En principe, l’enquête publique vient d’être clôturée et ses résultats devraient être divulgués dans les prochains jours. Mais compte tenu de l’évolution des choses, le Groupe Sefrioui n’est pas vraiment sûr de concrétiser son projet. Du moins pas sur le très court terme.