Pour généraliser la couverture sociale au profit de tous les Marocains, le ministre des Finances, Mohamed Benchaâboun, a annoncé, lors de la présentation des orientations du projet de loi de finances 2021, la mise en place d’un nouveau régime obligatoire d’assurance maladie au profit des populations en situation de vulnérabilité et bénéficiant actuellement du Régime d’assistance médicale des économiquement démunis (RAMED). La gestion de ce nouveau régime a été confiée à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). De quoi susciter des interrogations sur le caractère obligatoire de la mesure, ainsi que sur la capacité de la CNSS à prendre en charge les ex-ramédistes.
Qui va payer pour les ramédistes ? L’hebdomadaire La Vie Eco a sondé des spécialistes de l’assurance maladie, qui soutiennent que cette réforme du Ramed présage un passage d’un régime d’assistance médicale à un régime d’assurance médicale. Une mesure qui améliorera, selon les spécialistes, l’offre actuelle, mais qui reste tributaire d’une amélioration des prestations des hôpitaux et du fonctionnement de ces derniers.
Ce raisonnement est justifié par le fait que les ramédistes ne bénéficient pas totalement du panier des soins prévus en raison de l’insuffisance des ressources humaines, notamment des médecins, et des équipements radiologiques et autres. Il en résulte concrètement des rendez-vous allant de 1 à 3 mois et l’obligation pour les ramédistes de faire des analyses et des examens radiologiques dans le privé.
L’hebdomadaire économique pose également la question du financement de ce régime. Pour l’heure, aucun détail n’a été fourni par l’argentier du royaume qui a précisé, lors de sa présentation, que la généralisation de l’assurance maladie nécessitera plus de 13,8 milliards de dirhams, dont 8,46 milliards seront mobilisés par l’Etat et 5,3 milliards seront assurés dans le cadre du système de participation. Pour rappel, le financement du Ramed est assuré pour l’instant à hauteur de 75% par l’Etat.
L’équilibre de la CNSS remis en questionLes sources contactées par La Vie Eco s’inquiètent également de l’équilibre de la Caisse nationale de sécurité sociale, choisie pour la gestion du nouveau régime. Alors que la CNSS compte actuellement 6,8 millions d’assurés AMO, d’aucuns s’interrogent sur sa capacité d’assurer une nouvelle population de 15 millions de personnes. "Il est invraisemblable et impossible pour la CNSS de gérer ce régime qui, on le sait, est complexe", analysent les spécialistes, face au silence de la Caisse.
Le milieu syndical dénonce, de son côté, un choix "étonnant et inquiétant pour l’équilibre général de ce régime". Contactés par La Vie Eco, des syndicalistes fustigent cette décision unilatérale, arguant que "l’implication de la CNSS dans la gestion du Ramed doit faire l’objet d’une étude précise et d’une large consultation avec les parties concernées". Et d’insister: "Il faut noter que les axes de la réforme ont été retenus sur la base des conclusions d’une expertise européenne qui ne maîtrise fort probablement pas la réalité du terrain".
Pour rappel, cette décision s’inscrit dans le cadre de "la réforme globale de la couverture sociale universelle", conformément aux directives du roi Mohammed VI dans le dernier discours du Trône.