L’Instruction générale des opérations de changes (IGOC 2022), publiée lundi 3 janvier par l’Office des changes, apporte plusieurs mesures de libéralisation et d’assouplissement aussi bien en matière d’opérations courantes en devises qu’en matière d’opérations en capital.
L’une des mesures phares annoncées par l’Office concerne la mise en place d’une dotation globale pour les voyages personnels de 100.000 dirhams, qui peut être majorée d’une dotation supplémentaire de 30% de l’IR, le tout plafonné à 300.000 dirhams par année civile et par personne. Cette dotation, peut être utilisée à l’occasion des voyages personnels à l’étranger de toute nature, qu’ils soient touristiques, religieux ou médicaux.
Pour mieux mesurer la portée de cet assouplissement, que d’aucuns qualifient de «sans précédent», il faut retracer l’évolution de la dotation touristique au cours des 30 dernières années.
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L’augmentation de la dotation touristique s’est faite en effet très progressivement depuis le début des années 1990. Entre 1992 et 1997, elle est passée de 5.000 à 10.000 dirhams. Elle a ensuite été relevée progressivement à 20.000 dirhams, puis à 40.000 dirhams en 2010 (plafonnée à 20.000 dirhams par voyage, puis utilisable en un seul voyage en 2012).
En 2019, la dotation de base est passée à 45.000 dirhams avec l’introduction de la possibilité de bénéficier d’une dotation supplémentaire indexée sur l’IR, le tout plafonné à 100.000 dirhams pour une dotation de base de 45.000 dirhams.
En 2020, enfin, l’Office des changes a maintenu la dotation de base à 45.000 dirhams, pouvant être majorée d'une dotation supplémentaire égale à 25% de l’IR, avec un plafond de 200.000 dirhams par personne par année civile.
Hier, lundi 3 janvier, l’Office des changes a donc plus que doublé en un an la dotation de base, tandis que le plafond a été relevée de 50%, d’un seul coup.
Un matelas confortable de devisesCette mesure exceptionnelle intervient alors que le Maroc dispose d’un matelas confortable de réserves en devises, dépassant 330 milliards de dirhams à fin décembre 2021, soit l’équivalent de 6 mois et 17 jours d’importations de biens et services.
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Ces réserves devraient se raffermir davantage à moyen-terme. Selon les projections de la Banque centrale, le stock de devises devrait atteindre 341,6 milliards de dirhams à fin 2022 et 345,7 milliards de dirhams à fin 2023. «Un tel matelas confortable de devises peut mener à un changement d’une telle ampleur», estime l’économiste Yasser Tamsamani, dans une déclaration pour Le360.
Du côté de l’Office des changes, on explique que le raffermissement des performances à l’export de plusieurs secteurs comme l’automobile, les phosphates et l’agroalimentaire, donne de la marge pour assouplir davantage les opérations de change.
Ajouter à cela la hausse vertigineuse, observée depuis plusieurs mois, des transferts d’argent réalisés par les Marocains résidants à l’étranger (MRE) vers leur pays d’origine. Ces transferts qui s’élevaient à plus de 86 milliards de dirhams à fin novembre, en hausse de 41,1% par rapport à la même période de l’année dernière (soit près de 25 milliards de dirhams additionnels), devraient terminer 2021 sur un montant record de plus de 95 milliards de dirhams.
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Cette évolution inhabituelle des transferts des MRE serait-elle l’élément déclencheur des nouvelles mesures d’assouplissement prises par l’Office des changes? Une éventualité qu’exclut Yasser Tamsamani, car explique-t-il, si c’était le cas, cela voudrait dire qu’une décision structurelle de long terme a été prise sur la base d’un phénomène conjoncturel (court terme), évoquant ce qu’il appelle une «incohérence temporelle».
Aux yeux de notre interlocuteur, la hausse récente des transferts des MRE est bien un phénomène conjoncturel, lié à la crise dans les pays étrangers: les gouvernements, notamment en Europe, ont injecté massivement de l’argent pour soutenir les économies, et par conséquent, les ménages, dont les MRE, ont pu dégager une épargne, non consommée sur place, le contexte de confinement aidant.
Le caractère conjoncturel de la hausse des envois de devises des MRE vers le Maroc est par ailleurs étayé par les dernières prévisions de la Banque centrale, dans son dernier rapport sur la politique monétaire. Ainsi selon Bank Al-Maghrib, «les transferts des MRE reviendraient progressivement à des niveaux en ligne avec leur rythme tendanciel d’avant crise, enregistrant une contraction de 23,2% à 72,8 milliards de dirhams en 2022 et de 1,9% en 2023 à 71,4 milliards».
Par ailleurs, ajoute Tamsamani, la hausse de la dotation voyage a le mérite d’inciter les personnes à privilégier les circuits légaux et à se détourner du marché noir. Car pour certaines catégories sociales, le montant de 45.000 dirhams autorisé jusqu’à fin décembre 2021 était jugé insuffisant.