Une directive européenne encadrant la présence des banques étrangères sur le sol de l’Union européenne (UE) inquiète sérieusement les autorités marocaines et les banques du pays qui y exercent. Cette inquiétude ressort clairement des propos tenus par Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib (BAM), mardi 24 septembre, lors de la conférence de presse qui a fait suite à la réunion du conseil de la Banque centrale.
Cette législation, qui a été élaborée par la direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux (FISMA), relevant de la commission européenne, et adoptée par le parlement européen, vise certes en priorité à bloquer l’activité des banques anglaises sur cet espace, après la sortie de l’Angleterre de l’UE (Brexit).
Toutefois, vu sa portée générale, puisque son objet porte sur la présence de toutes les banques étrangères à l’UE, elle touche directement les banques marocaines. Sachant que celles-ci disposent de filiales et succursales dans 7 pays européens, en plus des dizaines de bureaux de représentation en Europe.
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Ces entités opèrent dans l’intermédiation bancaire et proposent à leurs clients, notamment à des Marocains résidant à l’étranger (MRE), des services bancaires comme l’ouverture et la gestion de comptes, le transfert d’argent. En principe, cette activité sera interdite avec l’application de la nouvelle législation.
Et c’est surtout l’impact négatif de cette directive sur les flux des transferts des MRE qui inquiète le plus les autorités marocaines, vu que les banques marocaines opérant dans l’UE ont développé une proximité avec la diaspora à qui elles facilitent l’envoi de fonds au Maroc.
Une baisse de ces transferts pénalisera, en fait, globalement l’économie marocaine qui profite de cette manne pour le financement d’une bonne partie du déficit commercial et renforcer les ressources des banques. Les aides que les MRE envoient à leurs familles au Maroc seront également impactées.
Les autorités marocaines et les banques mobilisées
L’enjeu est de taille. Le taux d’accroissement annuel moyen (TCAM) des transferts de fonds effectués par nos compatriotes résidant à l’étranger au cours de la période 2020-2023 est de 19,2%, selon l’office des changes.
Pour la seule année 2023, ces envois de fonds ont atteint un niveau record, se situant à 115,3 milliards de dirhams (MMDH), en hausse de 4,1% sur un an. En termes de part, la France demeure le premier pays source de ces recettes avec 30,8% du total en 2023, suivie de l’Espagne (12,6%), de l’Arabie saoudite (10,7%) et de l’Italie (9,2%).
Cette tendance se poursuit cette année. Ces transferts ont dépassé 68 MMDH au cours des sept premiers mois de 2024, en hausse de 3,3% par rapport à la même période de l’année dernière. Selon les projections de BAM présentées, mardi dernier, ces transferts devaient s’accroitre de 3% pour atteindre 121,8 milliards de dirhams en 2025.
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Pour préserver ces flux face à la menace de la redoutable directive européenne, les autorités marocaines et les banques concernées ont décrété une mobilisation en lançant des négociations très étroites avec les différentes parties prenantes dans l’UE, indique Abdellatif Jouahri.
Il s’agit notamment de la commission européenne et de sa direction FISMA, mais également des pays européens, principalement la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, la Hollande. Et ce, avec la participation aussi bien de la Banque centrale que du ministère des Affaires étrangères et celui de l’Économie et des Finances.
Le pire est à craindre avec la montée de l’extrême droite
Un nouveau round de ces négociations sera lancé dès ce mois d’octobre et devra s’étaler sur tout le 4ème trimestre 2024, révèle le patron de la banque centrale. Il visera surtout les banques centrales européennes et permettra à la partie marocaine de demander des explications sur les interprétations nationales que connaitra cette réglementation communautaire.
En fait, note Abdellatif Jouahri, cette directive sera transposée par les États membres en droit national. De ce fait, elle peut être interprétée différemment d’un pays à l’autre.
Ce qui risque de compliquer davantage le problème, estime-t-il, relevant que certains pays de l’UE sont déjà en train d’appliquer des restrictions à l’activité des filiales des banques marocaines opérant sur leur sol. Et le pire serait à craindre avec la montée de l’extrême droite en Europe, s’exclame-t-il, avec inquiétude.