Le marché parallèle des hydrocarbures continue de progresser au Maroc, suscitant l’inquiétude, et même la colère, des propriétaires de stations-service. «Confrontés à une concurrence informelle croissante et se disant ignorés par les instances institutionnelles, ces professionnels envisagent désormais des actions de protestation», indique le quotidien Les Inspirations Eco dans son édition du 29 septembre.
Depuis plus d’un an, l’Association nationale des propriétaires, commerçants et gérants de stations-service multiplie les courriers adressés aux autorités compétentes. Les professionnels réclament un dialogue sincère et des réponses concrètes sur des dossiers jugés prioritaires, tels que la régulation des ventes hors réseau ou les conditions contractuelles imposées par certaines sociétés de distribution. Plusieurs de ces lettres seraient restées sans réponse.
À ces demandes s’ajoutent des alertes sur les difficultés rencontrées par les gérants et sur les déséquilibres du secteur. La seule initiative concrète des pouvoirs publics a été la proposition d’une réunion technique prévue le 26 septembre, centrée sur le marquage des produits pétroliers, mis en place par le ministère en partenariat avec l’Administration des douanes et impôts indirects. Pour les professionnels, cette priorité ne répond pas aux urgences du secteur. «L’urgence n’est pas le marquage mais la lutte contre l’expansion d’un marché parallèle qui échappe à toute règle», dénonce un membre du bureau exécutif de l’association cité par Les Inspirations Eco.
Selon l’association, le commerce informel nuit gravement à la viabilité des stations agréées, respectueuses des normes et obligations légales. Les gérants dénoncent la prolifération de stations mobiles montées sur roues, de dépôts clandestins ou encore de citernes installées au cœur de chantiers et de lotissements, parfois visibles, parfois dissimulées. Ces installations, souvent hors normes, mettent en danger la sécurité des riverains et des employés. «Ces structures illégales fragilisent le réseau agréé et exposent riverains et salariés à des risques majeurs», alerte Jamal Zrikem, président de l’association, également cité par le quotidien.
Autre source de tension: les écarts tarifaires jugés injustes. Les ventes B to B bénéficient d’un rabais de près de deux dirhams par litre, tandis que les stations-service agréées ne reçoivent qu’une réduction de 40 centimes. Un différentiel suffisant pour encourager des acteurs informels à se lancer dans la revente à prix compétitifs, sans investir dans des infrastructures ni se soumettre aux contraintes réglementaires. Officiellement, ce canal ne représenterait qu’un quart du marché, mais ses marges restent considérables, attirant entreprises et particuliers au détriment de la légalité et de la qualité.
Le ministère mise sur l’instauration d’un dispositif de traçabilité. Chaque carburant devrait être identifiable grâce à un traceur chimique spécifique, permettant de détecter plus facilement les fraudes. Ce système repose sur la création de laboratoires spécialisés sélectionnés par appel d’offres. Mais pour de nombreux observateurs, l’efficacité reste hypothétique en l’absence d’infrastructures opérationnelles. Faute de laboratoires équipés, la traçabilité pourrait rester purement théorique.
Interrogé sur le calendrier et les modalités concrètes de mise en œuvre, le ministère concerné n’a pour l’heure pas donné suite. En attendant, les propriétaires de stations-service insistent: toute décision prise sans concertation avec la profession manquera de légitimité.
Face à cette situation, l’association a décidé de hausser le ton. Elle annonce plusieurs actions de protestation, dont un sit-in devant le ministère de tutelle et une grève nationale, dont la date sera communiquée ultérieurement. Pour les professionnels, il s’agit de rappeler aux autorités que la survie du secteur passe par un encadrement strict du marché parallèle et une réelle concertation avec les acteurs du terrain.








