Dans une interview accordée pour Le360, Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts, a évoqué les mesures prises dans le secteur de la pêche maritime pour renouveler l’expérience «Poisson à prix raisonnable», déjà entreprise l’année dernière, et augmenter le nombre de ses bénéficiaires. Cette initiative «vise à permettre aux citoyens d’acheter à des prix raisonnables et plafonnés les poissons congelés à bord des bateaux de pêche en haute mer». Au cours du mois de ramadan 1444/2023, environ 3.000 tonnes de poisson congelé ont été distribuées via 660 points de vente dans 22 villes, et environ 750.000 familles ont bénéficié de cette opération.
Parmi les mesures prises par son département, le ministre cite «la création d’un comité central chargé de garantir l’approvisionnement régulier du marché intérieur, en quantité suffisante, et de haute qualité, et de suivre les prix des produits halieutiques». L’opération s’effectuera en partenariat avec les professionnels de la pêche en haute mer et en coordination avec le ministère de l’Intérieur et les collectivités territoriales pour déterminer les points de vente, où les produits de la pêche seront proposés à des prix adaptés et prédéterminés.
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Le360: Comment voyez-vous la situation actuelle du secteur de la pêche maritime?
Mohammed Sadiki: Le secteur de la pêche, qui est l’un des principaux secteurs de développement économique et social du pays, bénéficie de l’attention royale. La pêche maritime contribue de manière significative à la création de richesses, au développement du littoral, à la création d’emplois et à l’approvisionnement du marché local en protéines d’origine marine.
Le Plan Halieutis, lancé en 2009, a défini une vision stratégique claire pour le développement et la modernisation du secteur. L’accent a été mis sur la préservation des ressources marines, le renforcement des infrastructures, la commercialisation, le développement des industries de la pêche maritime et l’amélioration de leur compétitivité, tout en accordant une importance particulière au volet social des travailleurs du secteur. Le Maroc récolte les fruits de cette stratégie ambitieuse, qui a dynamisé le secteur de la pêche maritime en développant la production, l’exportation et l’investissement.
Les projets initiés ont permis de doubler la valeur ajoutée du secteur et le chiffre d’affaires à l’export, de créer environ 48.000 nouveaux emplois directs à terre et de générer une augmentation annuelle moyenne de 15% des investissements dans les industries de la pêche maritime.
L’année 2023 a pourtant connu une baisse des captures en volume…
Le volume des produits halieutiques capturés en 2023 a été de 1,42 million de tonnes, certes en légère diminution. Cependant, la valeur de cette production a augmenté de 11% par rapport à l’année 2022, à 15,3 milliards de dirhams. Cette augmentation est due notamment à une évolution de 17% de la valeur de la production des céphalopodes, grâce à la hausse du volume de production de cette espèce et celle des prix moyens de sa première vente.
L’aquaculture a quant à elle continué à croître en 2023, avec une production dépassant les 1.600 tonnes, en hausse de 12% par rapport à 2022, pour une valeur d’environ 132 millions de dirhams, en hausse de 24%.
Selon vous, quelles sont les raisons de la baisse des quantités débarquées dans le nord du Royaume?
Les quantités débarquées sur la côte méditerranéenne sont passées de 31.000 tonnes en 2014, à environ 17.000 tonnes en 2023. Cette baisse est essentiellement due à la diminution (de 20.000 tonnes en 2014 à environ 8.000 tonnes en 2023) des quantités de poissons pélagiques débarquées dans les ports de cette région.
«La pression de pêche croissante et les changements climatiques expliquent la baisse des quantités de pêche maritime sur la façade nord du pays.»
— Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts.
Deux principaux facteurs expliquent la baisse des quantités de pêche maritime sur la façade nord du pays: la pression de pêche croissante, notamment avec la migration d’un certain nombre de bateaux de pêche méditerranéens vers la côte atlantique, et les changements climatiques, avec l’augmentation des températures et de la salinité, qui entraîne une modification de la répartition des espèces marines et l’émergence d’espèces envahissantes.
Pour y remédier, le ministère a programmé la création de deux réserves marines de pêche dans le Nord, à Larache et à Nador, avec l’appui de la Banque mondiale dans le cadre du programme national de développement de l’économie bleue.
Le ministère a également commencé à installer des bateaux de pêche côtière avec des filets circulaires en sous-unités pour limiter les mouvements de ces bateaux et limiter la pêche excessive. C’est une action que le ministère voudrait généraliser aux autres flottes, tout en révisant et en mettant à jour les plans de préparation des pêcheries.
Qu’en est-il des investissements et des exportations dans le secteur?
Les investissements dans ce secteur se multiplient grâce à diverses incitations, renforcées l’année dernière par une loi spéciale. La gouvernance du secteur a également été renforcée par la création de l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture, dont le statut a été récemment mis à jour pour promouvoir les investissements.
Les investissements dans le secteur des industries de la pêche sont passés de 248 millions de dirhams en 2010 à 739 millions de dirhams en 2022. La moyenne des investissements a évolué de 294 millions de dirhams annuels au cours de la période 2000-2010, à 570 millions dirhams par an au cours de la période 2011-2022, soit une progression d’environ 94%.
«Les exportations du secteur de la pêche maritime ont augmenté en valeur de 4% par rapport à l’année 2022, malgré une baisse de 8% de leurs volumes.»
— Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts.
Quant aux exportations, leur chiffre d’affaires continue de se redresser, atteignant environ 29,2 milliards de dirhams en 2023, en hausse de 4% par rapport à l’année 2022, et ce, malgré une baisse de 8% enregistrée sur les volumes exportés.
Enfin, la pêche maritime a fourni environ 250.000 emplois directs au cours de l’année 2022. L’emploi dans ce secteur a connu une évolution positive, notamment dans le domaine industriel, puisque les postes ont dépassé les 120.000 emplois en 2022, contre moins de 67.000 emplois en 2010.
Quelles sont les actions déployées par le ministère pour assurer la préservation des ressources marines?
Afin de garantir la durabilité et la préservation des ressources marines, plus de 30 plans d’aménagement et de gestion ont été élaborés jusqu’à présent, principalement liés aux pêcheries les plus importantes, notamment celles des petits pélagiques, du poulpe, de la crevette ou des grands crustacés, afin de rationaliser leur exploitation.
Ces plans couvrent les principaux stocks commerciaux sur la base de l’évaluation scientifique menée par l’Institut national de recherche halieutique (INRH) et renforcent les efforts visant à protéger les stocks nationaux de poissons.
À cet égard, différents projets réalisés dans le cadre du contrôle des activités de pêche maritime. On peut en citer la mise en place d’un système de surveillance et de suivi des navires de pêche maritime par satellite, l’instauration d’un système de certification des captures garantissant leur provenance d’une pêche légale, la mise en oeuvre d’un plan national et de 18 plans régionaux de suivi des activités de pêche maritime, la mise en place d’un programme d’identification des bateaux de pêche traditionnels par radiofréquence pour empêcher la propagation des bateaux illégaux, et le renforcement du cadre juridique du contrôle des activités de pêche maritime et de la lutte contre la pêche illégale, non autorisée et non réglementée.
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Le ministère s’est engagé à fournir du poisson aux citoyens pendant le mois de ramadan et de veiller, avec les représentants des différents professionnels du secteur de la pêche maritime, à ce que les prix soient à la portée des consommateurs. Comment cela se fera-t-il?
Les produits de la mer occupent une place importante dans les habitudes alimentaires du citoyen marocain, surtout lors de la période du mois du ramadan, ce qui entraîne une augmentation de la demande et, par conséquent, une hausse des prix.
Le processus d’amélioration de l’offre de fruits de mer frais et surgelés sur les marchés nationaux a commencé en 2019, avec des résultats positifs, caractérisés par l’abondance de sardines, poisson le plus consommé au pays, à des prix généralement abordables au niveau de la première et de la deuxième vente, qui relèvent de la compétence du ministère.
Il faut également noter le rôle joué par les professionnels, qui a abouti à l’initiative «Poisson à prix raisonnable», qui permet aux citoyens d’avoir accès, à des prix raisonnables et plafonnés, aux poissons congelés. Au cours du mois de ramadan 1444/2023, environ 3.000 tonnes de poisson congelé ont été vendues dans environ 22 villes et 660 points de vente, et environ 750.000 familles ont bénéficié de cette opération.
«En prévision du prochain ramadan, le ministère et les professionnels ont pris un certain nombre de mesures pour approvisionner les marchés en quantités suffisantes, à des prix raisonnables.»
— Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et forêts.
Nous sommes prêts pour réussir l’initiative «Poisson à prix raisonnable» pendant le prochain ramadan. En prévision du mois sacré, le ministère et les professionnels ont pris un certain nombre de mesures et de procédures pour approvisionner les marchés nationaux en quantités suffisantes.
- Créer un comité central pour garantir que le marché intérieur soit approvisionné de façon régulière, en quantité suffisante et de haute qualité, et pour suivre les prix des produits halieutiques.
- Coordonner avec le ministère de l’Intérieur et les collectivités locales pour déterminer à l’avance les points de vente.
- Collaborer avec les professionnels de la pêche en haute mer pour approvisionner le marché intérieur en produits surgelés, afin d’augmenter les quantités proposées à des prix adaptés et prédéterminés.
- Sensibiliser les armateurs, ainsi que les représentations professionnelles, à accroître leur activité afin de répondre à la demande croissante en produits halieutiques pendant le mois de ramadan, et inciter les mareyeurs à orienter leurs produits vers la consommation locale.
- Aménager les horaires de travail au sein des différents marchés de gros aux poissons, y compris les jours de repos hebdomadaire, pour assurer un approvisionnement régulier des marchés de détail.
- Établir un suivi quotidien des quantités et des prix de vente des types de poissons ciblés par les consommateurs, que ce soit au premier niveau de vente ou au deuxième niveau de vente, en coordination avec les autorités chargées d’approvisionner les marchés.
Quelle sera la composition du comité central pour assurer l’approvisionnement régulier du marché national en produits de la pêche maritime? Son mécanisme de fonctionnement a-t-il été identifié?
Comme mentionné précédemment, le ministère a mis en place un comité central au niveau du secteur de la pêche maritime pour assurer l’approvisionnement des marchés intérieurs pendant le mois sacré du ramadan en quantités suffisantes de produits halieutiques de haute qualité, à des prix à la portée du consommateur.
Le comité central est composé de responsables du secteur de la pêche maritime ainsi que de représentations professionnelles concernées, notamment en matière de sardines, de poissons blancs frais et de poissons congelés à bord des navires de pêche en haute mer.
Ce comité a pour tâches de veiller à ce que les marchés soient approvisionnés en quantités suffisantes en produits de la pêche, notamment les poissons les plus consommés, en coordination avec les autorités locales, d’assurer le suivi des prix de vente sur les marchés, d’exhorter les grossistes à diriger des quantités supplémentaires de poisson frais vers la consommation interne, et d’encourager les armateurs de pêche en haute mer à soutenir l’approvisionnement des marchés intérieurs à des prix raisonnables dans le cadre de l’initiative «Poisson à prix raisonnables».
Le gouvernement étudie-t-il les demandes des professionnels de réduire les prix du carburant pour les exploitants de bateaux de pêche et à exempter, même temporairement, les commerçants des redevances qu’ils paient sur les marchés de gros au profit des collectivités locales, afin de faire de cette initiative un succès pendant le mois de ramadan?
Nous sommes dans un contexte d’instabilité des prix des carburants à l’échelle internationale, qui a évidemment un impact sur les secteurs d’activité dépendant fortement du carburant, dont celui de la pêche maritime.
Depuis leur libéralisation, l’État n’intervient plus dans la détermination du prix des carburants. Le soutien destiné au secteur du transport est un soutien exceptionnel, qui vise à maintenir la stabilité des prix du transport de passagers et de marchandises et ainsi à protéger le pouvoir d’achat des citoyens et citoyennes.
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Je rappelle toutefois que les prix des carburants et de leurs dérivés, destinés à la navigation de tous types de navires de pêche nationaux, sont exonérés de droits et de taxes, procédure dont bénéficient jusqu’à présent les professionnels de la pêche maritime.
Il est à noter que tous les ports nationaux connaissent aujourd’hui une circulation normale des navires de pêche dans leurs différentes branches, qui fonctionnent normalement, notamment avec l’ouverture de la saison hivernale de pêche au poulpe.
L’octroi d’un registre professionnel de la pêche maritime aux étrangers travaillant au Maroc suscite des inquiétudes parmi les marins. Comment apaiser ces inquiétudes?
Le projet d’octroi d’un registre maritime aux étrangers résidant au Maroc n’était qu’une proposition dans le projet de loi modifiant la loi portant délivrance d’un registre professionnel maritime, compte tenu du volume des demandes reçues par les délégations de la pêche maritime. Après consultation de la Fédération et des Chambres des pêches, ainsi que des Confédérations de pêche côtière et traditionnelle, il a été supprimé.