Pétrole: l'Opep+ sous pression mais pas de changement en vue

Le PDG de Saudi Aramco Amin Nasser s'adresse aux journalistes lors de la cérémonie d'ouverture de la Conférence internationale sur les technologies pétrolières (IPTC) à Riyad, le 21 février 2022.

Le PDG de Saudi Aramco Amin Nasser s'adresse aux journalistes lors de la cérémonie d'ouverture de la Conférence internationale sur les technologies pétrolières (IPTC) à Riyad, le 21 février 2022. . Fayez Nureldine / AFP

Les pays producteurs de pétrole de l'Opep+, qui se réunissent ce jeudi 31 mars 2022, devraient encore maintenir leur stratégie d'ouverture très timide de leurs vannes d'or noir, malgré la pression occidentale pour mettre un terme à la volatilité des prix en pleine guerre en Ukraine.

Le 31/03/2022 à 07h55

Les treize membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), menés par Ryad, et leurs dix alliés conduits par Moscou vont probablement augmenter une nouvelle fois le niveau total de production de 400.000 barils par jour pour le mois de mai, de l'avis des analystes.

«L'Opep+ a surpris les marchés à plusieurs reprises lors de ses réunions mensuelles, mais le scénario de base, pour l'instant, est que le statu quo sera maintenu», prévoit Stephen Innes, analyste chez SPI Asset Management.

«Les signaux ne laissent entrevoir aucune déviation» par rapport à la politique entamée au printemps 2021, poursuit-il.

Les débats de l'alliance débuteront par des discussions techniques au sein du Comité ministériel conjoint de suivi (JMMC) à 13H00 (11H00 GMT) à Vienne, siège du cartel, avant la rencontre plénière par visioconférence.

Les attentes sont pourtant immenses, le pétrole ayant tutoyé le 7 mars ses records historiques de prix atteints lors de la crise financière de 2008. Le Brent de la mer du Nord, référence de l'or noir en Europe, a culminé à 139,13 dollars le baril et le WTI américain a touché les 130,50 dollars.

Depuis, les cours ont dévissé de leurs sommets, rendant «encore moins probable que l'Opep+ décide d'augmenter plus largement sa production», commente Carsten Fritsch, analyste pour Commerzbank.

La Maison Blanche devrait annoncer ce jeudi un plan pour puiser jusqu'à un million de barils par jour dans les réserves stratégiques américaines, selon une information de l'agence Bloomberg citant des sources proches du dossier.

Le prix du baril de pétrole américain WTI a chuté dans la foulée de plus de 5% à l'ouverture sur les marchés asiatiques.

Appels de toutes partsPour l'Opep+ qui a justement vu le jour en 2016 dans l'optique d'une régulation du marché, la récente flambée «est principalement due à des risques géopolitiques, et non à une réelle pénurie de l’offre», rappelle-t-il.

La guerre a fait craindre des ruptures d'approvisionnement en pétrole russe et provoqué une volatilité extrême, les cours s'envolant au gré des nouvelles de sanctions occidentales contre Moscou, ou retombant devant l'espoir d'avancées des négociations de paix.

Les appels de la communauté internationale se sont pourtant multipliés, notamment après la décision des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne d'arrêter d'importer du pétrole de Russie, deuxième plus grand exportateur de brut au monde derrière l'Arabie saoudite.

Le ministre allemand de l'Economie, Robert Habeck, avait lancé le lendemain aux pays exportateurs un «appel urgent à augmenter le niveau de production pour soulager le marché».

L'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui avait déjà qualifié de «décevantes» les décisions attentistes du cartel, a également exhorté l'Opep+ à être «du bon côté».

«J'espère vraiment que la réunion se traduira par des messages positifs qui pourraient aider à réduire la pression sur les marchés pétroliers», déclarait mi-mars le directeur exécutif de l'AIE, Fatih Birol.

Même message du côté des pays du G7, tandis que le Premier ministre britannique Boris Johnson s'est rendu à Ryad pour tenter de convaincre les dirigeants de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis.

«Là pour rester»Mais rien n'y a fait: les pays du Golfe résistent pour le moment aux demandes occidentales.

L'alliance Opep+, loin d'être déstabilisée par le conflit, apparaît plus solide que jamais. Elle est «là pour rester», a déclaré lundi dernier le ministre émirati de l'Energie Suhail al-Mazrouei, déterminé à ne pas laisser «la politique» miner l'organisation.

«A moins que quelqu'un ne soit prêt à fournir 10 millions de barils par jour, on ne peut pas remplacer les Russes» sur le marché, a-t-il ajouté.

Le ministre saoudien de l'Energie Abdulaziz ben Salmane a réitéré mardi son attachement à l'Opep+, arguant que si l'accord «n'existait pas, nous ne pourrions pas avoir de stabilité sur le marché de l’énergie» et «la volatilité des prix serait encore pire».

S'il a défendu la «culture» apolitique de l'Opep+, selon de nombreux experts, une intervention saoudienne sur les marchés serait perçue comme une trahison envers la Russie, l'empêchant d'user de ses exportations d'hydrocarbures pour faire pression sur les Occidentaux.

Le 31/03/2022 à 07h55