Le Conseil de la concurrence s’intéresse de près aux activités des plateformes mettant en relation des clients et des chauffeurs de voitures de transport avec chauffeur. «Cette attention a été suscitée par une plainte déposée en septembre dernier par la société marocaine Itechia TV, éditrice de l’application Taxi Sahbi, lancée en juillet 2023», écrit le quotidien L’Economiste dans son édition du mardi 2 décembre. L’entreprise accuse plusieurs plateformes numériques de pratiques anticoncurrentielles. Longuement auditionnée, elle a reçu une réponse favorable quant à la recevabilité de sa plainte, conformément aux articles 2 et 16 de la loi 20-13 qui encadrent le fonctionnement du régulateur.
Après l’examen du dossier présenté par Itechia TV, le Conseil a convoqué les syndicats de chauffeurs de taxi afin de recueillir leur point de vue. Leur audition est programmée pour le vendredi 5 décembre au siège de l’institution. Les discussions doivent porter sur plusieurs éléments, notamment le cadre législatif et réglementaire encadrant l’activité des taxis, les critères d’accès au métier, les obligations imposées par la loi aux professionnels, ainsi que la nature des relations entre les chauffeurs et les entreprises exploitant des plateformes de mise en relation.
«L’autorité de la concurrence souhaite également obtenir des précisions sur les méthodes de recrutement des chauffeurs par ces plateformes, les conditions d’adhésion des nouveaux opérateurs et les modalités d’incitation destinées à attirer des conducteurs, notamment le niveau de commission prélevé sur chaque course», note L’Economiste. Les syndicats sont invités à transmettre une évaluation détaillée des pratiques commerciales observées dans le secteur, en particulier leur impact sur la concurrence et sur la situation économique et sociale des chauffeurs de taxi. L’ensemble de ces éléments sera analysé le mois prochain, après que le Conseil a conclu à la recevabilité de la plainte d’Itechia TV et décidé l’ouverture d’une procédure d’enquête.
Cette affaire intervient dans un contexte déjà animé par l’annonce du retour d’Uber sur le marché marocain des VTC. Le timing ne passe pas inaperçu, puisque cette reprise coïncide avec l’accusation portée contre des services similaires. «L’entreprise américaine avait quitté le Maroc en 2018, faute d’obtenir les autorisations nécessaires, dans un climat social tendu avec les chauffeurs de taxi. En 2019, elle avait néanmoins acquis la plateforme Careem, déjà active dans le pays», rappelle L’Economiste.
Le secteur des VTC est aujourd’hui dominé par InDrive, qui se présente comme le principal opérateur au Maroc et l’une des applications de covoiturage les plus téléchargées au monde. D’après des estimations du secteur, son activité atteindrait environ un million de courses chaque mois, pour un prix moyen de 25 dirhams. Ces volumes représenteraient un chiffre d’affaires mensuel proche de 25 millions de dirhams, dont environ 3 millions seraient versés par les chauffeurs à la plateforme sous forme de commissions, fixées à 12% par course.
À côté d’InDrive et de Careem/Uber, Yango occupe la troisième place du marché. Au total, InDrive, Careem/Uber et Yango concentreraient près de 99% de l’activité du secteur au Maroc. Le traitement du dossier Itechia TV et les auditions prévues dans les prochaines semaines devraient éclairer les autorités sur l’état de la concurrence dans un marché en pleine mutation, où les tensions entre acteurs traditionnels et plateformes numériques demeurent fortes.







