«Bank Al-Maghrib risque bien de faire peau neuve». C’est avec cette phrase d’attaque qu’Aujourd’hui le Maroc, dans son édition du 27 février, annonce le dépôt d’un projet de loi sur le site du Secrétariat général du gouvernement (SGG), qui prévoit la refonte totale du statut de Bank Al-Maghrib. Un statut qui confèrerait à la banque centrale une autonomie totale et le pouvoir de définir l’objectif de stabilité des prix, une manière d’obtenir «les pleins pouvoirs», selon les Ecos Inspirations, qui fait aussi sa Une sur le sujet.
Une réforme importante donc, mais qui n’a rien d’imprévu ou de surprenant. En réalité, celle-ci était déjà «dans le pipe» depuis longtemps. Tout d’abord, Bank Al-Maghrib (BAM) a connu une évolution juridique et institutionnelle importante depuis la mise en application de la loi 76-03, en février 2006. Enfin, depuis la crise financière de 2009, la majorité des banques centrales à travers le monde ont subi «une transformation profonde (…) particulièrement en matière de stabilité financière. Il était donc temps que cette loi se mette au diapason des meilleurs standards internationaux», rappelle le titre francophone.
Nouveautés : les grandes lignes
Ainsi, ce fameux projet de loi, élaboré par le ministère de l’Economie et des Finances, se décline en 97 articles, eux-mêmes répartis entre 11 chapitres. Parmi les changements principaux : le renforcement de l’indépendance de BAM. Pour ce faire, le projet prévoit d’attribuer à celle-ci une autonomie totale qui lui permettra de définir l’objectif de stabilité des prix, mais également de conduire la politique monétaire en toute liberté. Ce texte propose aussi une nouvelle disposition, permettant la concertation régulière entre le ministre des Finances et le wali-dont le mandat sera limité à 6 ans et renouvelable une fois- afin d’optimiser (entre autres) la politique macro-prudentielle et monétaire. Pour autant, en contrepartie de cette large marge de manœuvre, BAM pourrait être soumise à un contrôle parlementaire. Les commissions permanentes chargées des finances du parlement seraient ainsi autorisées à auditionner le wali, notamment pour examiner la politique monétaire et toutes les autres missions de la banque centrale. Pour autant, les opérations de contrôle du commissaire du gouvernement sera limité aux opérations financières tandis que la répartition des bénéfices nets seront subordonnés à un accord entre la banque et l’autorité gouvernementale.
Les missions de BAM seront elles aussi élargies. En effet, si le projet de loi venait à être adopté, BAM devrait contribuer à la prévention du risque systémique et au renforcement de la stabilité financière. Elle devra également délibérer sur la création et la gestion des systèmes de paiement ou encore, fixer les instruments d’intervention qui lui paraissent le mieux adaptés aux spécificités des banques participatives. En parallèle, ses attributions pourraient également être clarifiées, particulièrement en matière de politique du taux de change et d’assouplissement de la gestion de réserve des changes.
Une meilleure gouvernance ?
Plus concrètement, ce projet de loi a pour objectif de consolider la bonne gouvernance de cette institution bancaire et de garantir son indépendance. Parmi les dispositions : l’interdiction pour BAM de solliciter l’avis ou d’accepter toutes instructions émanant de l’Etat ou encore, l’élargissement des incompatibilités relatives aux fonctions des six membres du Conseil désignés par le chef du gouvernement aux responsabilités dans des entreprises privées ou publiques. Le wali, quant à lui, verra aussi ses prérogatives élargies, ainsi celui-ci pourra-t-il superviser les systèmes et moyens de paiement, fixer des conditions de délégation de la gestion des réserves de change, ou la «prise» en cas de force majeure, -«vraiment extrêmes», selon Abdellatif Jouahri, actuel wali de BAM dans une interview accordée aux Ecos Inspirations-, de toutes mesures relevant des attributions du conseil. Reste maintenant à savoir si cette réforme sera mise en place dans un futur proche ou lointain… à suivre.