Tensions commerciales: où en est le Maroc?

Face à l’intensification des tensions commerciales mondiales et des risques politiques, le Maroc se présente comme une économie émergente aux dynamiques contrastées.. DR

Revue de presseAlors que les tensions commerciales mondiales et les risques politiques s’intensifient, le Maroc se distingue comme une économie émergente à deux vitesses. Entre atouts solides (position géostratégique, secteurs porteurs et stabilité institutionnelle) et fragilités persistantes, le Royaume navigue dans un contexte international incertain, où résilience et transformation structurelle deviennent des impératifs pour soutenir sa croissance. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien L’Economiste.

Le 20/10/2025 à 20h30

Alors que le monde traverse une période marquée par des tensions commerciales inédites, une montée du risque politique et une guerre douanière, le Maroc se distingue comme une économie émergente aux dynamiques contrastées. «Situé à la croisée des opportunités et des vulnérabilités, le Royaume conjugue des atouts indéniables avec des fragilités persistantes, illustrant parfaitement les défis d’une économie en mutation au cœur d’un contexte international instable», indique le quotidien L’Economiste dans son édition du mardi 21 octobre.

Les dernières analyses publiées par Coface en octobre 2025 confirment cette dualité, lit-on. Le Maroc conserve sa notation «B», synonyme d’un risque pays jugé «assez élevé», tout en affichant un climat des affaires stable à A4, considéré comme «convenable». Cette configuration traduit une capacité d’attraction pour les investisseurs, portée par des réformes structurelles et des secteurs porteurs, mais elle souligne également que le pays reste freiné par certaines vulnérabilités structurelles.

Sur le plan commercial, le Maroc bénéficie d’une relative protection. Contrairement à plusieurs de ses voisins, comme l’Algérie, la Tunisie ou l’Afrique du Sud, frappés par des droits de douane pouvant atteindre 30%, le Royaume a été relativement épargné, avec des taxes plafonnées à 10%. L’exposition du Maroc au marché américain reste limitée, représentant seulement 3% de ses exportations, ce qui constitue un atout stratégique dans un contexte de fragmentation commerciale mondiale. Cependant, cette apparente immunité ne doit pas masquer les effets indirects du ralentissement de la demande européenne, principale destination des exportations marocaines avec près de 60% du total, ni les répercussions de la volatilité géopolitique régionale sur les chaînes de valeur et la confiance des acteurs économiques, écrit le quotidien.

Pour L’Economiste, le Maroc dispose pourtant de solides leviers pour soutenir sa croissance. Sa position géostratégique, la stabilité institutionnelle autour de la monarchie et une montée en gamme de son industrie, notamment dans l’automobile, l’aéronautique et les énergies renouvelables, renforcent son attractivité. Le Royaume conserve également une position dominante sur le marché mondial du phosphate, avec 70% des réserves mondiales. Les investissements directs étrangers ont connu une hausse spectaculaire de plus de 50% en 2024, tandis que de grands projets, tels que la préparation de la Coupe du monde 2030, la reconstruction post-séisme et la transition énergétique, continuent de soutenir la croissance.

Mais derrière ces succès, le maintien du risque pays à «B» rappelle que des fragilités subsistent. L’économie reste fortement dépendante de l’agriculture, représentant 11% du PIB et 30% de l’emploi, ce qui la rend particulièrement vulnérable aux sécheresses récurrentes. Le chômage des jeunes atteint 35,8% et les disparités régionales demeurent un défi majeur.

Pour renforcer sa résilience, le gouvernement mise sur des politiques sociales ambitieuses: augmentation du salaire minimum, revalorisation des salaires dans le secteur public, subventions agricoles et soutien aux ménages les plus vulnérables. La discipline budgétaire permet de maintenir le déficit public autour de 3% en 2024, qui pourrait légèrement se creuser en 2025 en raison des dépenses d’infrastructure et de reconstruction. Parallèlement, le Maroc poursuit la diversification énergétique et la sécurisation des ressources hydriques à travers la construction de barrages et le développement de la désalinisation.

Coface souligne que les perturbations autrefois considérées comme temporaires deviennent désormais structurelles, et que la résilience du pays doit désormais s’inscrire dans des transformations durables: amélioration du capital humain, réduction de l’informalité, renforcement de la productivité et ouverture vers de nouveaux marchés au-delà de l’Europe.

Jean-Christophe Caffet, économiste en chef de Coface, décrit l’économie mondiale comme évoluant dans «l’œil d’un cyclone», un calme apparent masquant des tensions profondes. L’été 2025 a permis d’éclaircir certaines incertitudes liées à la politique commerciale américaine, notamment avec l’instauration quasi unilatérale de droits de douane supplémentaires, acceptés sans grande rétorsion par les partenaires des États-Unis. Ce répit demeure toutefois fragile: les accords restent à ratifier, les revirements politiques persistent, et la légalité même des mesures douanières dépendra bientôt d’une décision de la Cour suprême américaine. Si le scénario d’une guerre commerciale généralisée semble écarté, les effets des tarifs douaniers se feront sentir via l’emploi, l’inflation et la rentabilité des entreprises. Dans ce contexte, Coface prévoit une croissance du Maroc de 2,6% en 2025 et de 2,4% en 2026, tout en insistant sur la nécessité pour les économies de savoir absorber les chocs sans basculer dans des corrections brutales.

Le premier semestre 2025 a été marqué par une forte volatilité économique mondiale. Les entreprises ont dû s’appuyer sur trois stratégies: anticipation, réorientation et absorption. Coface relève une hausse des défaillances de 11% en Europe et de 12% en Asie-Pacifique, particulièrement dans les secteurs de la construction et de l’hôtellerie. Le Maroc, intégré aux chaînes de valeur européennes, pourrait subir des effets indirects: ralentissement de la demande européenne, hausse des coûts logistiques, volatilité des devises et pression sur les marges des sous-traitants. Ce «calme pendant la tempête» pourrait se transformer en orage si les chocs externes s’intensifient. Dans l’ensemble, les analystes estiment que les défaillances mondiales continueront d’augmenter en 2025 avant de se stabiliser progressivement en 2026.

Par La Rédaction
Le 20/10/2025 à 20h30