Transition énergétique: 3% seulement des véhicules au Maroc roulent à l'électricité, pourquoi un tel retard?

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Alors que la transition énergétique est largement amorcée dans le secteur automobile dans le monde, au Maroc, les véhicules respectueux de l'environnement, qu'ils soient hybrides ou fonctionnant à l'énergie électrique, se vendent très peu. A la fin de l'année écoulée, il ne représentaient que 3% de l'ensemble des véhicules. Les raisons d'un retard.

Le 16/01/2022 à 16h14

Premier constat, évident: au Maroc, un véhicule au moteur électrique coûte aujourd’hui beaucoup plus cher qu’un véhicule thermique. «Entre un véhicule propre, robuste et confortable mais coûtant au minimum 200.000 DH et un modèle plus classique et polluant, à partir de 100.000 DH, le choix pour un Marocain est très vite fait», précise Adil Bennani, président de l'Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM), interrogé par Le360. 

Et de fait, au Maroc, si 175.000 véhicules neufs ont été vendus en 2021, ce qui représente une progression de 5,7% par rapport à 2019 dans un marché impacté comme partout ailleurs dans le monde par la pénurie des semi-conducteurs, dans ce lot, les véhicules «propres», qu'ils soient hybrides ou électriques, ne représentent aujourd’hui qu'environ 3% du marché national. Un taux très faible, en comparaison avec celui d’autres pays, dont ceux de l'UE, où ce sont en moyenne 20% des véhicules vendus qui roulent «propre». 

Les derniers chiffres de l'Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM) confirment ces données: 4196 véhicules hybrides ont été vendus en 2021, contre 267 voitures électriques. «S’il y a une bonne nouvelle sur ce segment, c’est que l’année dernière, on était à moins de 1,5%. Le pourcentage a donc doublé en une année, mais il faut dire que la proportion des voitures à 100% électriques est très bas, voire inexistante», indique Adil Bennani, président de l’AIVAM.

La faible adhésion des consommateurs marocains à l'achat de voitures à énergie alternative, malgré leur popularité ailleurs dans le monde, s'explique aussi par leur faible sensibilisation à l'urgence climatique et aux conséquences des véhicules polluants sur l'environnement. Et ceux-ci semblent encore loin de changer leurs habitudes: un moteur thermique demeure leur premier choix dans l'achat d'un véhicule. De plus, confime le président de l’AIVAM, le premier frein à l’achat d'un véhicule hybride ou électrique est son prix, encore bien au-dessus du pouvoir d’achat de la majorité des clients.

En plus du prix plus élevé des modèles à énergie alternative, un deuxième frein empêche le développement de ce segment vert du marché de l’automobile: le nombre insuffisant des bornes de recharges rapides sur le réseau routier national. Il n'y a en effet pas plus de 80 bornes de recharge électrique sur tout le territoire national. 

«L’autonomie des voitures est encore faible dans le meilleur des cas, elle est de 300 à 400 km. Si je vais de Casablanca à Agadir, il va bien falloir que je recharge ma voiture au milieu du trajet, et les quelques bornes qui existent au Maroc, soit ne sont pas opérationnelles, soit au moment où vous arrivez, il y a déjà un véhicule stationné devant», regrette le président de l'AIVAM, qui appelle à redoubler d’efforts d'adaptations à ce marché alternatif, qui devrait s’imposer dans les prochaines années.

«Bientôt l’offre se réduira, il n’y aura plus de modèles diesel ou essence en vente sur le marché. Si on n’adapte pas notre infrastructure, et notre comportement d’achat rapidement, il ne nous restera que nos yeux pour pleurer», avertit-il.

Selon Adil Bennani, «aujourd’hui, chaque constructeur automobile a un agenda de décarbonation. Sur les cinq dernières années, toutes les projections ont été réduites. On va plus vite que prévu, parce que la technologie évolue rapidement, l'autonomie des batteries augmente, et la clientèle mondiale est de plus en plus séduite».

Pour cet interlocteur, les moins optimistes des constructeurs tablent sur une décarbonisation totale en 2050, alors que les plus optimistes d’entre eux, et qui constituent aujourd’hui la grande partie des constructeurs automobiles, envisagent alors de mettre fin à la construction de modèles thermiques à un horizon compris entre 2030 et 2035.

Si la motivation environnementale n’est pas encore à l’ordre du jour dans le choix des véhicules par les Marocains, l'Etat serait dans son rôle en encourageant une réduction de la différence de prix qui existe encore entre véhicules propres et véhicules polluant. Cela permettra d'amorcer une dynamique qui permettra au marché des véhicules électriques de prospérer, grâce à des incitations fiscales ou encore un système de bonus-malus écologique.

Par Safae Hadri
Le 16/01/2022 à 16h14