Dans son discours à l’occasion de la Fête du Trône, le 29 juillet dernier, le roi Mohammed VI a souligné l’intérêt porté au Maroc par de nombreux investisseurs internationaux. Le souverain a toutefois pointé du doigt «les freins imposés par certaines législations nationales, la frilosité et l’indécision prépondérantes chez certains responsables» qui «cantonnent parfois le Maroc et le placent dans une posture négative d’enfermement et de réserve».
L’économiste Hammad Kassal est l’auteur d'une études examinant le lien entre la réglementation et la compétitivité au Maroc. Interpellé par le mille-feuille des lois qui impactent le quotidien de l’entreprise, l’ancien président de la fédération des PME-PMI a pointé les lois qui freinent l’investissement et l’essor des PME au Maroc.
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L’étude est le résultat de deux enquêtes.
La première, menée pour le compte de Maroc PME, a touché un échantillon de 953 TPME industrielles oeuvrant dans les TIC, réparties sur l’ensemble du territoire.
La deuxième enquête, elle, couvre un échantillon de 150 TPME membres de la CGEM.
Les résultats de cette enquête montrent que, d’une manière générale, et concernant la réglementation relative aux entreprises basées au Maroc, près de 70 % des répondants considèrent que la réglementation a un impact négatif sur la vie de leur entreprise et sur sa compétitivité.
S’agissant des domaines réglementaires à simplifier, émergent clairement, dans l’ordre, les délais de paiement, le code du travail, la liquidation d’une entreprise, l’octroi des autorisations (permis de construire, étude d’impact environnemental, etc), l’accès aux marchés publics, l’accès au financement bancaire et hors bancaire, la fiscalité.
En approfondissant l’analyse, l’étude montre que chaque secteur fait ressortir une problématique spécifique: la rupture du contrat (droit social), les critères d’attribution (marchés publics), la dématérialisation des procédures de déclaration de travaux (urbanisme), les seuils d’imposition et la relation avec l’administration (droit fiscal), les formalités de création, de gouvernance et de liquidation des entreprises (droit des sociétés) et la coordination entre les différents acteurs (aides publiques aux entreprises).
L’une des principales recommandations formulées, celle appelant à la mise en place d’une véritable «fabrique à simplifier» des réglementations, proposant à ce titre de transformer le Comité national du climat des affaires (CNEA) en une «Agence de simplification de la règlementation».
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La dématérialisation apparaît comme un levier essentiel de simplification, mais loin d’être suffisant. La création d’un «Référentiel des données administratives» serait une étape incontournable, soutient l’étude. Ce référentiel constituerait à la fois «un dictionnaire sémantique des données, une structuration des informations et leur normalisation sous un langage informatique permettant l’envoi des données par les entreprises, via internet».
C’est un moyen simple, efficace et structurel pour réduire l’hyper-hétérogénéité du système déclaratif actuel et, ainsi, industrialiser et généraliser l’automatisation des télé-déclarations.
Ci-après, un tour d’horizon des principales recommandations émises par cette étude:
Les administrations devraient davantage communiquer entre elles, en s'appuyant sur des interfaces numériques.
Les administrations devraient désormais échanger entre elles les informations obtenues des entreprises, au lieu de les accabler, chacune de leur côté, de multiples demandes redondantes de pièces justificatives.
La suppression des pièces justificatives représente, pour les démarches les plus courantes qu'effectuent les entreprises, une économie évaluée à des millions de dirhams en année pleine. Pour plus de trois entreprises sur quatre, ne pas fournir à plusieurs reprises des pièces administratives que l'administration possède déjà doit être la priorité numéro 1 de la simplification.
Beaucoup d’entreprises recourent systématiquement, pour la rédaction de leurs statuts, aux services spécialisés, ce qui représente pour elles des frais non négligeables. Des statuts-types sont également de plus en plus souvent disponibles en ligne, gratuitement, avec des degrés de rigueur et de fiabilité juridique variables et parfois non fiables. L’étude envisage de mettre à leur disposition, dans les greffes des tribunaux de commerce et sur le site Internet de ces derniers, des statuts-types optionnels établis par les ordres professionnels concernés.
Lors de leur création ou de leur transformation, les entreprises n’auront ainsi plus à choisir entre une sécurité juridique coûteuse et une insécurité juridique gratuite. Le service proposé leur permettra de bénéficier, à des coûts moindres que ceux auxquels elles s’exposent aujourd’hui, de statuts-types optionnels qui seront mieux adaptés à leurs besoins et dont la rigueur et la conformité au regard du droit auront été attestées.
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Les marchés publics représentent 18 % du Produit Intérieur Brut (PIB) du Maroc. Alors qu’en 2017, la commande publique représentait 180 milliards de dirhams, la place des PME dans l’attribution des marchés publics était loin de correspondre à leur poids dans l’économie nationale.
Des dispositifs simples pourraient être mis en place pour améliorer l’accessibilité des PME à la commande publique. Par exemple, très souvent, les acheteurs demandent à plusieurs reprises les mêmes documents. Ces demandes répétitives, qui ont un coût indirect pour l’entreprise, pourraient être évitées. De même, des documents complémentaires sont fréquemment demandés à l’appui des documents obligatoires.
Ces simplifications peuvent être traitées au travers d’un programme «Dites-le-nous une fois». Exiger qu’un même «acheteur public» ne puisse redemander aux entreprises les informations légales déjà produites lors d’une précédente mise en concurrence au cours de la même année.
Le programme «Dites-le-nous une fois» évitera aux entreprises de fournir à plusieurs reprises leurs informations d’identité, sociales et comptables.
Communiquer 15 fois son chiffre d’affaires chaque année, produire 10 fois un document sur ses effectifs pour l’administration, tel est le lot de bien des entreprises. Ces redondances constituent une lourde charge administrative et nuisent à la compétitivité de l’économie. Les administrations doivent davantage mettre en commun les informations qui leur sont nécessaires.
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S’agissant de la problématique d’accès au financement, l’étude suggère de mettre en place sur le portail Maroc PME un formulaire en ligne permettant au chef de TPME de présenter son projet et de définir ses besoins financiers. Après un examen par un expert de Maroc PME, le chef d’entreprise recevra une proposition claire dans un délai d’une semaine, précisant les dispositifs en adéquation avec son projet et les interlocuteurs vers lesquels s’adresser.
L'étude recommande de publier sur le portail de Maroc PME la liste des partenaires (banques, investisseurs, autres institutions ou organismes) par région et par secteur auxquels les entreprises peuvent s’adresser selon leurs besoins de financement.
Créer un portail qui regroupe l’ensemble des aides publiques et quel que soit le secteur d’activité ou l’administration qui octroie l’aide aussi bien au niveau central qu’au niveau territorial.
Pour éviter la multiplication des coûts et faciliter l’accès par les utilisateurs, l’étude recommande d’intégrer dans le portail «Aides publiques» un formulaire qui permettrait d’effectuer des requêtes personnalisées directement.
Il s’agit également de créer un accès direct vers un site (les-aides.gov.ma) qui permettrait aux entreprises de recevoir également des alertes, des newsletters, sur les dispositifs publics ciblés.