Les entreprises marocaines sont plus que jamais confrontées à la problématique de l’allongement des délais de paiement. Selon une étude du cabinet Inforisk, spécialiste marocain du renseignement commercial sur les sociétés marocaines, les délais de paiement se sont fortement allongés entre 2018 et 2019, et la TPE (très petite entreprise) est la catégorie d’entreprises qui en souffre le plus: les «délais clients» des TPE ont encore augmenté de 23 jours, entre 2018 et 2019, pour atteindre 226 jours.
Depuis 2012, les «délais clients» de la TPE se sont très nettement dégradés, avec un allongement de 109 jours, puisqu’ils étaient de seulement 118 jours à cette époque.
Pour les PME, la situation est un peu moins alarmante. Entre 2018 et 2019, les «délais clients» de cette catégorie d’entreprises ont augmenté de 3 jours pour atteindre 119 jours. Toutefois, note Amine Diouri, directeur études et communication chez Inforisk, «la nette dégradation des délais de paiement depuis 2012 n’a pas simplement touché la TPE, mais s’est également répandue auprès des PME réalisant jusqu’à 50 millions de dirhams de chiffre d’affaires, et on constate que le segment des entreprises réalisant un chiffre d’affaires compris entre 50 et 100 millions de dirhams, commence à subir une forte pression à la hausse de ses délais de paiement.
La crise amplifie le phénomèneCette situation, déjà peu reluisante, a été considérablement aggravée par la pandémie de Covid-19. Ainsi, selon les projections d’Inforisk, les délais de paiements devraient s’allonger de plus de 40 jours en 2020 et ce, pour l’ensemble des catégories d’entreprises, y compris les plus grandes.
Pour les TPE, la situation pourrait vite devenir intenable: les délais pour être payés passeraient, en moyenne de 226 jours en 2019, à plus de 268 jours en 2020, soit des niveaux jamais atteints auparavant.
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«La crise sanitaire a provoqué un arrêt d’activité quasi-total au deuxième trimestre 2020, avec des baisses du chiffre d’affaires de l’ordre de 90%, tout en maintenant une grosse partie des charges fixes. Cela a engendré une forte baisse des cash-flow, incitant les entreprises à faire de la rétention de trésorerie, et à retarder le paiement de leurs fournisseurs le plus longtemps possible», explique Amine Diouri.
Le Maroc, mauvais élèvePour situer la performance des entreprises marocaines en matière de délais de paiement, Inforisk a réalisé un benchmark à l’international, en comparant le Maroc avec une quarantaine de pays de le monde, notamment des pays comparables au Royaume comme l’Egypte, la Roumanie, la Bulgarie, etc.
«Nous nous sommes basés sur deux critères pour faire cette comparaison: le pourcentage de paiements à l’heure, et le pourcentage des paiements qui ont plus de 90 jours de retard», explique Diouri.
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Pour le premier, le Maroc est parmi les moins bien classés, avec un taux de 24%. Le Maroc fait néanmoins mieux que des pays comme Israël, la Grèce, ou le Portugal. Autrement dit, 76% des entreprises marocaines dépassent les délais légaux fixés par la loi relative aux délais de paiement.
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Pour le deuxième critère, le Maroc est tout simplement en queue de peloton mondial, avec un taux de 32%. Cela signifie que près du tiers des entreprises marocaines dépasse de 90 jours les délais légaux de paiement.
Quelles solutions?Pour inverser la tendance, les pouvoirs publics ont pris le taureau par les cornes. Le ministère des Finances a initié un projet d’amendement de la loi 15-95 du Code du commerce, dont la grande nouveauté est qu’il prévoit des sanctions et amendes contre les mauvais payeurs. A en croire Amine Diouri, ce texte va dans le bon sens, sachant que les sanctions ont fait leur preuve sous d'autres cieux. Encore faut-il qu’il entre en vigueur dans les plus brefs délais.
En attendant que le nouvel arsenal législatif puisse entrer en vigueur, il existe des solutions se basant sur la data. C’est le cas du programme Inforisk Dun Trade et la Centrale des retards de paiement, qui représentent, selon l’opérateur, une solution adéquate à la problématique des délais de paiement, dans la mesure où il permet de mieux gérer le risque de contrepartie chez les entreprises, grâce à une meilleure connaissance du comportement de paiement de leurs clients. Depuis le lancement du programme en novembre 2019, 25.000 entreprises y ont adhéré.