La semaine de la mode saoudienne se tenait à Riyad du 26 au 31 mars. Une Fashion Week comme à Paris, New York, Londres ou Milan, à l’exception près qu’ici l’assistance n’est composée que de femmes et que le show est interdit aux photographes. Le prince héritier Mohammed ben Salmane a certes entrepris de profondes réformes sociales dans son pays depuis quelques mois, mais le conservatisme a encore la peau dure.
Sur le podium de cette fashion week inédite dans le pays, défilent les créations de la Saoudienne Arwa Al Banawi avec une collection baptisée «The suitable woman», autrement dit «la femme convenable», ou encore celles de Mashael Alrajhi qui entend s’affranchir de la notion de genre.
Et aussi surprenant que cela puisse paraître, Jean-Paul Gaultier, le pape de l’anticonformisme dans la mode himself a présenté une collection très sage, un brin orientalisante qui aurait pu être elle aussi intitulée «la femme convenable» tant celle-ci adopte une version soft de la modest fashion.
Signe d’ouverture ou hypocrisie tout court?
Dans la participation de Jean-Paul Gaultier à cet événement pas anodin du tout, on aimerait voir un signe d’ouverture de l’Arabie saoudite et un engagement de la part du créateur. Car défiler dans ce pays souvent épinglé sur le non-respect des droits humains et des femmes au passage, c’est un acte politique en soi.
Mais, ombre au tableau, sur les réseaux sociaux du créateur, très communicatif en temps normal… aucune mention de l’événement. On s’étonne, et à vrai dire, on est quelque peu déçu, pour ne pas dire beaucoup. En effet, on aurait aimé que ce créateur de génie, respecté voire adulé pour son audace et sa liberté de penser, assume ce choix en en parlant. A contrario, son silence nous laisse perplexes quant à ses motivations à participer à un tel événement.
L'homme est une femme comme les autres
Car oui, quand Jean Paul Gaultier défile en Arabie saoudite, c’est tout un symbole! Outre le fait d’avoir su renverser les conventions de la mode, celui-ci a aussi su bousculer les conventions sociales. Dès les années 80, ses défilés aux allures de shows poussent à la réflexion et à l’acceptation de la différence. Il fait défiler des mannequins croisés dans la rue, des gens tatoués, percés … Il met en avant le mouvement gay à travers une esthétique et un style aujourd’hui reconnaissable entre mille, habille les femmes de corsets, les femmes enceintes en robes de mariée.
Sans compter que ce grand homme de la mode est l’initiateur de la première jupe pour homme en 1985… Si Saint Laurent habille les femmes en hommes avec son célèbre smoking, Gaultier, lui, entend habiller les hommes en femmes. Celui-ci va plus loin encore, et outre la création de son parfum «mâle», lance une gamme de cosmétiques de soins et make-up baptisée «Monsieur», bien avant que les grandes marques de cosmétiques ne décident soudain de choisir des hommes comme égéries de lignes de cosmétiques. Il est aussi celui qui a invité Conchita Wurst, la drag queen a barbe à défiler suite à sa victoire à l’eurovision 2014.Visionnaire… et que dire de son fort penchant pour le détournement des symboles religieux.
Jean-Paul Gaulthier, c’est donc un vent de liberté, un symbole que s’arrachent les stars sulfureuses, de Madonna à Lady Gaga. Porter du Gaulthier assoit l’image de la provocation.
Du côté de l’organisateur…
En invitant ce créateur, l’Arabie saoudite est assurément en train d’envoyer un message au monde. A en croire Sa Majesté Noura Bint Faisal Al Saud , présidente du nouveau bureau du conseil de Riyad, organisateur de l’événement qui s’est déroulé du 26 au 31 mars: «Ce n’est que le premier grand pas. Nos portes seront ouvertes pour que le monde entier fasse avec nous partie de ce changement, et je suis impatiente de recevoir tous ceux qui viendront à Riyad afin de témoigner tous ensemble de l’ambitieuse Vision 2030 du Royaume».
Un Royaume moderne donc, mais jusqu’où?