Originaire de Casablanca, où il grandit jusqu’à l’âge de 18 ans, Amine Messaoudi, qui s'initie à la danse dans les rues de sa ville natale, s’envole ensuite pour la France, pour ses études supérieures.
Depuis, le jeune homme a accompli un sacré chemin. Du podium de la maison française Carven à la Fashion Week de Paris en 2016, en passant par les dernières campagnes de la marque Louboutin dont il devient l'égérie, Amine Messaoudi trace sa route avec passion et détermination. Interview avec ce jeune homme dont le talent ne connaît décidément pas de frontières.
Vous êtes très attaché à vos racines amazighes, de quelle manière leur rendez-vous hommage à travers votre passion?
J’ai toujours eu en moi cette résonnance de tambours et de tamtams de Âchoura, de la daqqa merrakchia des cortèges de mariage, des bendirs d’Ahidous, des Qraqebs de gnawa… Grâce à mes voyages, je me suis perdu dans la foule des identités. Et en tant qu’artiste cherchant l’authenticité, j’ai très vite compris que ce qui fera la différence dans un domaine saturé, c’est mon identité. Je suis revenu à mes racines, aux choses que je maitrise le plus, aux choses qui m’appartiennent.
-Les traditions séculaires amazighes, que ce soit la danse ou le chant, sont-elles une source d’inspiration pour vous?Je m’inspire de tout ce que j’ai pu voir ou bien ce que je vois à chaque fois que je rentre au Maroc. Les bruits, les couleurs, les formes, les odeurs, les gens, les animaux, les plantes… Je m’inspire de ce qui constitue mon identité et que j’aime représenter dans des formes abstraites.
Dans mon esthétique de danse, je m’inspire beaucoup de la danse Âalaoui/Reggada, Ahwach Houara, Gnawa, lGuedra, lQe3da… Je peux littéralement prendre la même écriture de mouvement ou bien m’inspirer de l’atmosphère que ces rituels peuvent transmettre, énergétiquement et spirituellement parlant.
-Vous avez choisi de vous exprimer à travers votre corps. Est ce une expression artistique comprise et bien perçue dans la société actuelle marocaine?Nous n’allons jamais pouvoir préserver notre héritage avec des restrictions. Il faut tester des choses, de nouvelles choses, transcender ce qui existe déjà, à travers de nouvelles formes. Inspirer le monde entier avec toute la richesse qu’on a, et pas seulement avec l’artisanat ou bien le tourisme, mais bien sûr grâce à des formes nouvelles, novatrices.
-La danse fait partie intégrante de notre culture et pourtant elle semble mal perçue. Comment l’expliquez-vous?La danse était pour moi le seul moyen d’expression possible, parce que je n’avais pas le choix. Ne pas avoir de moyens financiers m’a mené à créer en me servant de ce que j’avais: mon corps. J’ai commencé avec les danses urbaines le hip-hop, le krump, le break dance, mais en arrivant à un certain niveau de maturité, je ne voulais plus me limiter à ces formes d'expression.
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-Pouvez-vous vous épanouir dans votre art au Maroc?Nous sommes en Afrique, nous ne pourrions pas parler de ce continent sans parler de ses rituels, ses danses et ses traditions. Il ne faut surtout pas oublier que ces traditions et ces rituels existaient même avant le règne du pouvoir religieux ou géopolitique.
C’est notre réelle identité. Certes, elle est liée à nos ancêtres païens mais leurs rythmes et la beauté de leur Art sont toujours présents aujourd'hui. Nul ne pourra les supprimer.
Je trouve juste un peu dommage que la jeunesse marocaine perde de plus en plus son rapport au corps, au rythme et bien évidemment à la danse. Les Marocains ont transformé cette incapacité en frustration, dénigrant toute autre personne qui aimerait s'y essayer.
Pourtant, malgré cela, quelques Marocains excellent dans la danse mondialement. LilZoo (Foad Amblej), vainqueur de Redbull BCone, le championnat du monde de break dance, il y a aussi Cri6 (Youness El Mouaffaq) et Wolf (Mostafa Ajdour), qui se sont qualifiés aux finales. Sans oublier Yorias qui s’est converti à la photo, après une blessure. Ou même la jeune rappeur Toto qui a découvert sa créativité sonore à travers la danse à ces débuts.
Je m’épanouis énormément au Maroc. Ce qui m’importe c’est ce qu’on construit, pas ce qu’on a déjà.
-Quel rapport entretenez-vous avec Casablanca? Quelle est l’image que vous avez de cette ville dont beaucoup critiquent le côté noir et énergivore?Casablanca est ma ville natale, je suis né à Casablanca, J’ai vécu à Hay Moulay Rachid 04. J’ai appris beaucoup de choses dans cette ville. C'est une très belle école de la vie.
-Comment participez vous au Maroc au développement d’activités artistiques?Le développement d’activités artistiques au Maroc est un projet qui me tient à cœur. Actuellement, je développe un projet en collaboration avec le Centre culturel les étoiles / Foundation Ali Zaoua pour parrainer un évènement de danse expérimentale qui se tiendra au cours de la semaine du 16 Mai 2019, au Centre culturel Cervantes.
En règle générale, je garde le contact avec la communauté artistique au Maroc et j’essaie de l’aider du mieux que je peux.
-Quels sont les freins que vous rencontrez ?Les freins se trouvent dans les mentalités et le poids des restrictions. L’art n’a besoin de rien pour se développer, sauf d’un esprit libre.
-On vous a récemment aperçu en train de danser à l’anniversaire de Madonna à Marrakech. Comment s’est passée cette rencontre?Madonna est une très belle personne, très humble et très gentille. Nous avons discuté à propos de la richesse culturelle du Maroc. Elle était très émue et très inspirée.
J’ai été contacté par les personnes chargées d’organiser l’évènement pour lui faire une surprise, l’ouverture de la cérémonie de son anniversaire, et par la chorégraphe/actrice Megan Lawson qui s’occupait de la partie performance. Elle a bien apprécié ma performance. Nous sommes toujours en contact pour de futurs projets.
-Vous avez aussi posé pour Hassan Hajjaj. De quelle manière son expression artistique dialogue-t-elle avec la vôtre?Hassan Hajjaj est un maître pour moi. J’admire cet homme, artistiquement et humainement, mais aussi Amine Bendriouich et Yassine Mourabite. Ils incarnent la genèse du pop art Marocain. Ce sont des personnes avec qui j’aime passer beaucoup de temps quand je suis au Maroc.
-Quels sont vos projets actuels?Actuellement, je travaille sur un projet de développement et d’accompagnement artistique et technologique à Lisbonne. Je suis sur plusieurs projets de musique, de danse et de mode à Paris. D’autres projets de couture et de musique sont aussi envisageables au Maroc dans les années à venir.