Le Docteur Burou, l'homme qui fit de Casablanca la capitale mondiale du changement de sexe

DiaporamaIl fut un temps, pas si lointain, où Casablanca était considérée comme la destination phare des personnes souhaitant changer de sexe. Une réputation due à un homme, le Docteur Burou.

Le 30/09/2018 à 11h17

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Dans les années 60 et 70, pendant plus d’une décennie, Casablanca s’est imposée dans le monde pour un tourisme bien particulier. C’est ici, dans cette ville mythique pour bien d’autres raisons, que les transsexuels du monde entier venaient pour changer de sexe et prendre un nouveau départ dans la vie.

Cette expertise en la matière, Casablanca la doit à Georges Burou, un gynécologue obstétricien à la réputation douteuse, pour le moins sulfureuse. Un docteur Folamour aussi énigmatique que fascinant.

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Né en France en 1910 de parents enseignants, il grandit en Algérie, à Oran, où il décroche un diplôme de gynécologie-obstétrique avant de devenir chef de cliniques des hôpitaux d’Alger. Forcé de quitter l’Algérie dans les années 40 avec sa femme et ses enfants après avoir été radié de l’ordre des médecins français en raison de sa pratique illégale d’avortements, c’est au Maroc qu’il s’installe.

Il officie dès lors dans la Clinique Conte située à proximité du parc Murdoch, puis à la Clinique Val d’Anfa, avant de s’installer définitivement à la clinique du Parc, près de l’avenue Hassan II.

Gynécologue réputé, il le devient rapidement pour les avortements qu’il continue de pratiquer en toute illégalité mais également pour la fécondation in vitro dont il serait un précurseur au Maroc.

Aider les hommes à devenir des femmes comme les autresEn 1956, il franchit un pas de plus et effectue sa première opération de transsexuels. Dans un long portrait que lui consacre le magazine Paris Match en 1974, le Docteur Burou se confie : «J’ai débuté cette spécialité presque par accident, parce qu’une jolie femme était venue me voir. En réalité, c’était un homme, je ne l’ai su qu’après, un ingénieur du son à Casablanca, âgé de 23 ans, vêtu en femme (…), avec une poitrine ravissante qu’il avait obtenue grâce à des piqûres d’hormones (…). Il m’a parlé de ses problèmes (…), ayant la conviction profonde que son corps de garçon était un tragique accident de la nature et irrémédiable (…). Devant ce problème tout nouveau pour moi (…), j’ai étudié pendant plusieurs mois les bassins masculin et féminin et je l’ai fait hospitaliser chez moi, dans ma clinique, qui se trouve à côté de mon cabinet et au-dessous de mon appartement. L’opération a duré trois heures. La «malade» est restée un mois en convalescence. Elle était satisfaite au-delà de toute expression. J’en avais fait une vraie femme

Dès lors, la clinique du Parc devient le temple du changement de sexe, en particulier pour le milieu parisien du monde de la nuit. Stars de Music Hall, artistes, sportifs… la clinique du Parc ne désemplit pas et, dans les années 70, le docteur Burou compte à son actif plus de 800 opérations du genre.

Lui qu’on avait refoulé d’Algérie, radié de l’Ordre des médecins français, devient une sommité que l’on cite comme référence et dont les pratiques chirurgicales sont encore employées aujourd’hui. Il est désormais invité partout dans le monde pour partager son expertise. En février 1973, il présente un rapport au Congrès médical de la transsexualité, à l’université de Stanford aux Etats-Unis puis est invité la même année à exposer son traitement au Congrès international de sexologie à Paris, sur invitation du Collège des hôpitaux de Paris.

En 1974, Time Magazine emboîte le pas à Paris Match et consacre un long reportage aux «prisonniers du sexe» dans lequel le docteur Burou intervient en tant qu’expert pour parler de ses prouesses casablancaises.

A cette époque, son succès est tel que l’on murmure que Michael Jackson serait passé entre ses mains ainsi qu’Amanda Lear.

Le Docteur Burou meurt en mer en 1987, lorsque son bateau chavire dans une tempête au large de Pont Blondin, à Mohammedia.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 30/09/2018 à 11h17