Au milieu de l’été 2021, le Maroc a été la cible d’une virulente campagne de presse: plusieurs médias européens accusent le Royaume d’avoir acquis un logiciel israélien, du nom de Pegasus, pour espionner des journalistes, des militants, des responsables politiques et des chefs d’Etats, dont le président français Emmanuel Macron.
Dans son enquête, le journaliste de 2M, Youssef Zouitni, a tenté de démêler les fils de cette affaire et de comprendre comment ces médias ont publié des informations sans prendre la peine de les vérifier ou les recouper.
Plusieurs questions restent à ce jour sans réponse. «L’instigateur de l’affaire Pegasus reste inconnu. Est-ce une entité occulte? Est-ce une officine d’Etat? Qui a intérêt à déstabiliser le Maroc?», se demande Youssef Zouitni, rappelant que le Maroc a vivement démenti ces accusations aux allures d’une campagne médiatique orchestrée.
Le journaliste de 2M est allé à la rencontre des avocats chargés de plainte déposée par le Maroc pour comprendre les ressorts de cette affaire. «Le Maroc est leader dans la lutte internationale contre le terrorisme. Il a beaucoup aidé à déjouer des attentats sur le territoire français. Ça peut déplaire à certains. C’est ce que nous avons demandé à la justice française d’éclairer pour savoir qui pourrait être derrière cette manipulation», a souligné Me Olivier Baratelli, l’avocat du Maroc dans l’affaire Pegasus.
Me Baratelli a également précisé que «nous avons fait des citations directes devant le tribunal correctionnel de Paris contre Amnesty International, Forbidden Stories, Le Monde, Radio France, France Inter, etc., avec la certitude que dans le délai légal de 10 jours, ces médias apporterait un commencement de preuve des accusations portées contre le Maroc. Passé ce délai, ils n’ont apporté aucune preuve».
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De son côté, Me Rodoplphe Bosselut, avocat au barreau de Paris, fait savoir que «nous n’avons toujours pas la liste des fameux téléphones qui seraient espionnés par Pegasus».
«On nous oppose les moyens de recevabilité de l’action du Royaume du Maroc. La défense des médias français prétendent que le Maroc n’aurait pas qualité pour les poursuivre en diffamation portant sur des services du gouvernement», a-t-il ajouté.
Dans cette affaire, les règles basiques du journalisme n’ont pas été respectées. La course à l’audience se fait souvent au détriment de la qualité de l’information, indique l’enquête de 2M, en comparant l’affaire Pegasus à une autre, connue sous le nom de Clearstream, déclenchée en 2004 suite à la diffusion d’une fausse liste de délinquants fiscaux impliquant Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Economie.
«Parmi tous les pays qui ont acheté Pegasus, pourquoi on cite ceux-là et on ne cite pas les autres? Il y des gens qui ont intérêt à opposer les uns aux autres, la France et le Maroc par exemple… Dans cette affaire, il y a plein d’éléments qui vous échappent, parce qu’on ne peut pas savoir d’où ça vient. Donc, il y a possibilité de manipulation», estime Alain Juillet, expert en intelligence économique.
Le sénateur français Christian Cambon fait remarquer que le Maroc est régulièrement visé par des campagnes de ce type. «A travers cet épisode, on voit bien qu’il y avait chez ceux qui ont porté cette campagne la volonté de porter un nouveau coup contre le Maroc. Il y a beaucoup de gens hypocrites dans tout cela. D’abord parce tout le monde sait qu’aujourd’hui, tout le monde écoute tout le monde. C’est un fait. Je suis particulièrement bien placé pour le savoir», souligne le sénateur du Val-de-Marne.
Me Rodoplphe Bosselut évoque au passage le timing choisi par les instigateurs de cette affaire, qui a coïncidé avec la reprise des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël. L’enquête de 2M s’est aussi intéressée à la série d’actes hostiles de l’Allemagne (alors dirigée par Angela Merkel) à l’égard du Maroc: le rapport du think tank SWP, le cas de Mohamed Hajib, la réaction à la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les Etats-Unis, etc.
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Face à cette campagne médiatique calomnieuse, le Maroc a choisi de riposter par la voie judiciaire. «Ces gens ne sont pas des lanceurs d’alerte. Ce sont des journalistes professionnels astreints à des règles et qui doivent avoir des preuves entre les mains avant de publier quoique ce soit. Ils ont enfreint les règles du journalisme et ne sont pas dignes de porter une carte de presse», soutient Me Baratelli.
«On poursuit des médias qui présentent des faits comme étant une information vérifiée et validée», a également assuré Me Rodoplphe Bosselut.
Pour la défense du Maroc, ce n’est pas une question de technicité juridique, mais de principe et d’honneur.
«Il n’y a strictement aucun problème de recevabilité. Tout cela est un artifice de procédures qu’essaient de soulever nos adversaires. Ils tentent d’agiter une éventuelle irrecevabilité pour essayer de ne pas avoir à répondre au fond des accusations. Car sur le fond, on n’a rien à dire, on n’a été ni fieffé coquin, ni fieffé menteur. C’est inadmissible et inacceptable», affirme Me Baratelli.
Selon cet avocat, la justice française ne va pas se prononcer pas sur cette recevabilité, car il existe une jurisprudence. «Ce n’est pas le Royaume du Maroc ex nihilo en tant que tel qui aurait utilisé, aux yeux de ses gens, le logiciel Pegasus, ce sont bien les services, les administrations ou des fonctionnaires. C’est pour l’honneur de ces fonctionnaires, de ces administrations et de ces services que j’agis, et ceux-ci sont parfaitement recevables. Vous le verrez», insiste Me Baratelli.
«Nous ne lâcherons rien. Car nous considérons qu’il s’agit d’une question de principe. On ne transige pas avec les principes. Nous irons jusqu’à l’épuisement des voies de recours en France. Nous verrons alors s'il est nécessaire de saisir la justice européenne de ce qui m’apparaîtrait vraiment comme un déni de justice», insiste, en conclusion, Me Rodolphe Bosselut.