Alger confidentiel, fiction adaptée du best-seller allemand Paix à leurs armes, d’Oliver Bottini publié en 2014, a été diffusée dans son intégralité, soit quatre épisodes, par la chaîne franco-allemande ARTE, dans la soirée du 17 au 18 février.
Pendant plus de trois heures et demie, le téléspectateur a été tenu en haleine par cette plongée dans les arcanes du pouvoir politico-militaire algérien, ses intrigues, ses méthodes violentes et ses penchants corruptifs.
Le personnage central d’Alger confidentiel n’est autre que le général Soudani, patron de la Direction de la documentation et des services extérieurs algériens, entouré du colonel Toumi, son intermédiaire avec les «groupes islamistes armés», et de la juge d’instruction Amel Samraoui, incarnant une justice aux ordres, mais éprise d’un diplomate allemand, Ralf, en poste à Alger.
En guise d’élément déclencheur de ce thriller haletant, le général Soudani profite de la présence d’un marchand d’armes allemand, qui vient de débarquer à Alger pour finaliser un contrat de vente officiel d’armement, et ordonne au colonel Toumi de le faire kidnapper par «ses» terroristes. En filigrane une demande de rançon de 50 millions de dollars que le général Soudani et son clan de généraux comptent empocher par le biais des ravisseurs.
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Soudani utilise pour ce faire un espion européen à sa solde, Alexis Clérel, qui débarque à Alger en jet privé, en vue de servir de négociateur entre les ravisseurs et les autorités allemandes. Sa venue est l’occasion pour le réalisateur d’Alger confidentiel de faire un zoom du côté du Club des pins, ses plages privées, ses hôtels de luxe où l’alcool coule à flots et où grouillent de jeunes filles venues faire la joie du général Soudani et autres chibanis de l’establishment local.
Mais tout tombe à l’eau, quand le diplomate allemand Ralf récupère des vidéos de surveillance de l'enlèvement grâce à un coup de pouce de la juge Amel, son amante. Mais également grâce à l’aide qu'il reçoit d’un vieil et ancien agent de la CIA établi à Alger, qui en sait trop sur les connivences entre les généraux et les terroristes. C’est ainsi que Soudani, de crainte de se faire démasquer livre à la police allemande la planque de ses agents qu’il avait envoyés sur place pour jouer le rôle de terroristes qui tentent de «saboter la vente d’armes à l’Algérie». Ils seront tous liquidés.
De même, et en guise de clin d’œil à la prise d’otages de Tiguentourine (In Amenas en janvier 2013), où 37 otages ont été tués avec 29 de leurs ravisseurs, la scène la plus violente d’Algérie confidentiel se déroule au moment où Soudani ordonne une attaque héliportée pour liquider les deux otages allemands (Ralf et le marchand d’armes), ainsi que tous leurs ravisseurs.
Bien évidemment, dès l’annonce de la série et avant même sa diffusion, l’agence de presse algérienne (APS) a tenté de prendre les devants en s’attaquant à nouveau aux médias français, accusés de faire une fixation sur la décennie noire des années 90 et ses 200.000 morts. Le Parlement européen, l’Union européenne, et le Maroc bien évidemment, sont également accusés d’avoir contribué à la réalisation d’Alger confidentiel.
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«La production audiovisuelle et culturelle autour de l’Algérie a toujours privilégié l’angle uniquement rédhibitoire de la vision européenne qui s’exprime parfois au Parlement de Strasbourg, à Bruxelles ou à ARTE. Et si l’on doit être réellement paranoïaque, il y a tout de même lieu de s’interroger pourquoi cette mini-série a été tournée en grande partie au Maroc qui a accueilli, à bras ouverts, les équipes d’ARTE», écrit l’agence de propagande de la junte dans un article intitulé «ARTE confidentiel…».
Dans un autre article, l’APS croit savoir que «la stabilité de l’Algérie dérange les médias du service public français», qui refusent de clore le dossier de la décennie noire. «La fiction, qui n’en n’est pas une, produite par la chaîne franco-allemande, ARTE, sur la décennie noire et qui a pour objectif de remettre au goût du jour la thèse du “qui tue qui“ confirme encore une fois que ces médias ne désespèrent pas du retour d’un invraisemblable chaos en Algérie», ajoute l’APS.
A court d’arguments, le régime algérien n’a pas trouvé mieux que de proposer au peuple algérien un choix entre la peste et le choléra. L’agence porte-voix de la junte a mis, en effet, les Algériens devant un choix cornélien: soit se soumettre au pouvoir des généraux, soit vivre le chaos syrien. «Il y a une volonté manifeste d’essayer de créer les conditions d’un chaos en Algérie que les Algériens n’ont aucune envie de revivre, pas plus d’y plonger. Ils tiennent à la stabilité de leur patrie, à leur sécurité assurée par leur vaillante armée nationale populaire et à leur liberté garantie et protégée par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune». Ce genre d’arguments apportent la preuve patente que le régime algérien est à bout de souffle.