Les animateurs sanctionnés par Beur FM dénoncent une pression algérienne

Rose Ameziane, co-animatrice avec Malik Yettou de l'émission «L’Actu autrement», sur Beur FM.

Rose Ameziane, co-animatrice avec Malik Yettou de l'émission «L’Actu autrement», sur Beur FM. . DR

Rose Ameziane et Malik Yettou, les deux animateurs sanctionnés par la radio Beur FM, dénoncent les dérives d’une radio antisémite qui obéit aux ordres des autorités algériennes.

Le 02/02/2021 à 13h56

Depuis la sanction reçue de la part de la direction de Beur FM pour avoir rencontré l’ambassadeur d’Israël à Paris dans le cadre d’une émission sur le rapprochement entre le Maroc et Israël, les deux animateurs, Rose Ameziane et Malik Yettou, sont bien décidés à ne pas céder aux pressions exercées par la chaîne de radio.

Parmi les nombreux entretiens qu’ils ont accordés à la presse depuis l’éviction de leur émission «l’actu autrement» de la grille de diffusion de Beur FM, ceux-ci se sont notamment exprimés dans les colonnes du journal Valeurs actuelles. Dans cette interview croisée, Rose Ameziane et Malik Yettou dénoncent les blocages idéologiques mais aussi l’antisémitisme de la chaîne fondée par le franco-algérien Nacer Kettane.

«Il nous a été reproché en premier lieu d'avoir rencontré l’ambassadeur et son porte-parole afin d’échanger sur l’accord de paix entre Israël et le Maroc ainsi qu'un tweet de l'ambassade d'Israël nous remerciant pour cette rencontre», expliquent les deux animateurs. Et si la chaîne radio s’est obstinée à nier de son côté, Rose Ameziane et Malik Yettou voient dans cette réaction une manière de «sauver les apparences».

Pour eux, «la réalité est tout autre», car «il n’y avait aucune volonté de recevoir l’ambassadeur d’Israël de la part de la direction et elle nous l'avait indiqué. De ce fait, ils n'ont jamais répondu aux sollicitations de l'ambassade», confient-ils.

Antisémitisme et ingérence algérienneComment expliquer cette ligne éditoriale qui refuse aux journalistes de débattre d’un sujet brûlant et hautement symbolique qui pourrait pourtant jeter des ponts entre les communautés musulmanes et juives de France?Dans une interview accordée au magazine Marianne, Rose Ameziane s’interroge sur ce point précis: «Sommes-nous, nous-mêmes, victimes d’antisémitisme par ricochet ou d’une ingérence étrangère algérienne pour éviter de parler du Maroc?». La question a lieu d’être posée au vu des violentes réactions et de l’acharnement médiatique qu’a suscitée côté algérien l’annonce de la reprise des rapports entre le Maroc et Israël. En effet, pour rappel, les autorités du pays ont été jusqu’à sommer les imams du pays à critiquer le Maroc durant leur prêche du vendredi. Mais bien plus qu’une hostilité à l’encontre du Maroc, cette réaction de l’Algérie et la pression exercée sur les animateurs de cette radio dénote un antisémitisme notoire, qui tient lieu de culture d’Etat dans un pays où l’armée motive ses troupes sur fond de chansons antisémites appelant à écorcher vifs les juifs.

«Il faut le dire, nous sommes dans un antisémitisme non avoué et on se retrouve impactés directement et violemment par ce qu'on appelle un antisémitisme par ricochet. Pour nous, il n’y a aucun doute», estiment les deux animateurs, indignés.

La censure pour ligne éditorialeDénonçant la politique intrusive de la direction de la radio qui entendait avoir son mot à dire dans le choix des invités et des sujets de débat des émissions, Rose Ameziane et Malik Yettou expliquent dans leur entretien avec Valeurs Actuelles ne pas concevoir de travailler et d’animer dans ces conditions. «On nous a imposé des conditions pour nous mettre une pression supplémentaire, et puis progressivement l’objectif était clairement de nous faire taire», expliquent-ils.

La suite de l’histoire est d’une logique implacable. «On a commencé à avoir moins de liberté sur les sujets. On a débuté par une ligne ouverte où les invités de divers horizons politiques s'exprimaient et avec lesquels nous échangions en toute liberté. Puis la direction nous a censurés. Les invités devaient être triés et nous avions comme consigne de privilégier un certain type d’intervenants», poursuivent-ils en pointant du doigt ce qu’ils taxent de «blocages idéologiques».

«Notre vision et notre esprit d'ouverture dérangeaient cette direction. Cet esprit d’ouverture a été sanctionné suite à la rencontre avec l'ambassade d'Israël» jugent les deux animateurs, estimant que la chaîne a «cédé à une minorité agitée des réseaux sociaux et à une idéologie nauséabonde».

Et de conclure, sur une note d’espoir: «Ce qui nous rassemble ce sont nos valeurs communes et ce qui se passe entre les Israéliens et les Marocains, c’est un espoir fédérateur! Il y a assez de gens pour faire la guerre et il y en a trop peu pour faire la paix et pour s’unir».

Par Zineb Ibnouzahir
Le 02/02/2021 à 13h56