Interrogé sur une éventuelle implication du Maroc dans l’affaire Pegasus, l’ancien patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue depuis DGSI) appelle à la plus grande prudence avant de porter un quelconque jugement.
«On ne dispose aujourd’hui que d’une enquête d’investigation journalistique sur l’entreprise NSO. L’enquête judiciaire, technique et internationale n’a pas encore commencé», a rappelé Bernard Squarcini dans cet entretien accordé à l'hebdodmaire Le Point. Et d’ajouter: «On évoque des soupçons, une orientation, mais il n’y a pas, à ce stade, de preuve réelle et le raccourci est rapide, trop simple».
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Bernard Squarcini se demande quel serait l’intérêt direct du Maroc à espionner des Français de façon massive et générale. «Le logiciel israélien est vendu par le ministère de la Défense israélien à un ou des Etats amis. Mais est-il toujours entre les mains d’un service régalien ou est-il repassé, tel un mistigri, entre les mains d’une boîte privée? Le véritable problème dans cette affaire, c’est l’absence de suivi après-vente et de contrôle déontologique», insiste la même source.
Présenté par l’hebdomdaire français comme proche des services secrets marocains, Bernard Squarcini a loué les efforts fournis par le Maroc qui a réussi à constituer, au fil des ans, un appareil sécuritaire efficace et adapté aux différentes menaces.
«Au sein du ministère de l’Intérieur, la priorité est mise sur la lutte antiterroriste à caractère islamiste, avec l’appui de deux grands services: la DGED et la DGST. L’enquête devra déterminer si un de ces services a acquis le logiciel, et si oui, lequel. Qui était le destinataire final? On en est encore aujourd’hui à de simples hypothèses et suppositions», constate l’ancien chef de la DCRI.
En outre, Bernard Squarcini qualifie d’«excellente» la coopération entre le Maroc et les services français dans le cadre de la lutte antiterroriste à caractère islamiste radical. Outre des échanges analytiques ou opérationnels au quotidien, rappelle-t-il, la relation a porté ses fruits lors des attentats de Marrakech en 1994 et en avril 2011, ou encore concernant l’identification et la localisation des auteurs des attentats du Bataclan en France, en novembre 2015.
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A la question de savoir si l’affaire Pegasus risque de remettre en question la confiance entre services, Bernard Squarcini affirme que les révélations médiatiques doivent être corroborées par des preuves techniques avant toute réponse politique et diplomatique. «En attendant, les services continuent de travailler ensemble», a-t-il relevé.
Interrogé sur l'hypothèse que le Maroc aurait fait espionner le président français, Bernard Squarcini reste convaincu que le Royaume n’a aucun intérêt à mettre sur écoute le téléphone d’Emmanuel Macron. De même, il ne voit pas comment un service de renseignement institutionnel pourrait surveiller le Roi et la famille de son propre pays. «Ce listing confus de numéros, sorte d’inventaire à la Prévert, nous incite à faire preuve de la plus grande prudence en attendant les résultats des investigations judiciaires», conclut Bernard Squarcini.