«Qui est ce monarque que l’on dit secret? Comment a-t-il progressivement imposé sa vision et ses projets? Sous son règne, le Maroc est devenu une puissance africaine, politique et économique. Comment a-t-il fait pour transformer ainsi son pays?», interrogent les journalistes en préambule de ce documentaire, construit en plusieurs chapitres, qui analyse également les relations franco-marocaines sous le prisme de la reconnaissance de la marocanité du Sahara par la France, le 30 juillet dernier.
Dans ce film qui propose un récit distancié et objectif, des personnalités marocaines et françaises parlent pour la première fois «de ce Roi tellement discret sur lui-même mais si présent sur la scène internationale». Tout au long de ce documentaire, les questions des journalistes ont été adressées à l’ancien président français François Hollande, à François Soudan, directeur de publication de Jeune Afrique, à Gérard Larcher, président du Sénat en France, ou encore au sénateur français Roger Karoutchi. Côté marocain, la parole a été donnée tour à tour à Mohammed Benchaâboun, directeur général du Fonds Mohammed VI pour l’investissement, à Asmaa Lamrabet, essayiste et éminente chercheuse sur la question de la femme dans l’Islam, à Nadia Fettah, ministre de l’Economie et des Finances, à Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Rabita Mohammadia des oulémas, ou encore Adel El Fakir, directeur général de l’Office national des aéroports, pour ne citer que ceux-ci.
Un nouveau roi, un nouveau style
Plongeant les téléspectateurs au cœur de la plus ancienne monarchie exécutive du monde, le documentaire prend pour point de départ la mort du roi Hassan II et la montée sur le trône de son fils en 1999, avec un premier chapitre qui se penche sur la distanciation de Mohammed VI avec le style de gouvernance de son père. À travers des images d’archives relatant une partie de l’enfance du jeune prince, jusqu’à ses premières années de règne, le documentaire s’attarde sur la façon de régner du Souverain décrit comme «le roi des jeunes», en rupture notamment avec certains codes du protocole traditionnel de la monarchie et avec le style de communication de son père, en choisissant d’être plus discret et en préférant aux interviews et aux discours l’action et la présence sur le terrain.
Le Monarque se démarque aussi par la politique d’influence qu’il mène, notamment à travers le sport, la culture et le tourisme, lesquels contribuent au soft power sur lequel mise le Souverain pour faire rayonner son pays. La présence de l’équipe nationale du Maroc à la coupe du monde au Qatar en 2022 a représenté l’apogée de cette démarche pendant plusieurs semaines, couronnant le rayonnement du Maroc et de sa culture à travers les victoires des Lions de l’Atlas, première équipe africaine à atteindre les demi-finales d’une coupe du monde.
Les clés pour faire du Maroc une puissance continentale
Avec le roi Mohammed VI, «le Maroc est devenu une puissance africaine», souligne le documentaire, qui questionne la manière adoptée par le Souverain pour «transformer aussi vite son pays». Décrit comme le «pilote de l’économie», le Roi «conduit la transformation de son pays tambour battant» avec pour résultat un positionnement à la 5ème place sur le continent africain avec un produit intérieur brut qui dépasse les 140 milliards de dollars, et, ces deux dernières décennies, la transformation massive de ses infrastructures, comme le port de Tanger Med, l’un des dix plus grands ports du monde, le réseau autoroutier, ferroviaire et aérien, et le positionnement du Maroc parmi les leaders des énergies renouvelables.
«L’économie d’abord», semble ainsi être le leitmotiv du Roi qui entend «créer les conditions idéales pour améliorer le climat des affaires». Chakib Alj, président de la Confédération générale des entreprises du Maroc, rappelle à cet égard les accords de libre-échange avec une cinquantaine de pays qui font du Maroc une plateforme exceptionnelle. Pour asseoir sa stratégie, «le Roi cible en priorité les nouveaux marchés africains, chose d’autant plus naturelle pour lui que contrairement à son père imprégné de culture européenne, il se sent à l’aise avec ses racines», rappelle-t-on. Ainsi, le Souverain décide du retour du Maroc au sein de l’organisation de l’Union africaine que son père avait choisi de quitter plus de 30 ans auparavant. Dans un discours prononcé à l’occasion de ce retour, le roi Mohammed VI déclarait ainsi: «Il est l’heure de rentrer à la maison (…) au moment où le Maroc compte parmi les nations africaines les plus développées et où une majorité de pays membres aspirent à notre retour, nous avons choisi de retrouver la famille. L’Afrique est mon continent, ma maison (…) je rentre enfin chez moi et vous retrouve avec bonheur».
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«Le retour à la maison veut dire que (…) nous voulons le développement de notre pays, mais nous ne pouvons pas y arriver seuls sans une intégration régionale, sans un développement de l’ensemble du continent. Le Maroc est arrivé en frère, mais aussi en force de proposition», décrypte Nadia Fettah. Ainsi, pour accompagner cette politique, le roi Mohammed VI a lancé de grandes caravanes, souligne-t-on dans le documentaire, rappelant qu’au cours de missions de plusieurs jours à plusieurs semaines en Afrique, le roi Mohammed VI est accompagné de près de 200 personnes, parmi lesquelles une partie de la Cour, des ministres, de grands entrepreneurs pour sceller des partenariats, des accords d’État à État… «C’est comme ça qu’il va enclencher une véritable dynamique», est-il expliqué.
Cet essor économique se dote également d’une vitrine, la première voiture marocaine baptisée Neo, ainsi que d’un prototype de voiture électrique, Namx, qui devient par ailleurs l’emblème de la politique royale en matière d’énergie renouvelable. Ainsi, «bien avant certains pays occidentaux, le Maroc a compris les enjeux majeurs» relatifs à l’environnement, est-il souligné. En matière de stratégie énergétique, «le Maroc a été, sous l’impulsion de Sa Majesté, pionnier dès 2009 avec le lancement de la plus grande centrale solaire du monde à l’époque, à Ouarzazate. Cette stratégie ambitionne qu’en 2030, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique sera portée à 52%, sachant qu’elle est actuellement à 38%», explique Mohammed Benchaâboun.
L’aboutissement de cette politique est intervenu un mois après le tremblement de terre avec l’organisation, à Marrakech, dès le 9 octobre 2023, des assemblées générales de la Banque mondiale et du FMI, en présence de tous les Etats membres du FMI.
Les avancées sociétales sous le prisme d’un «islam du milieu»
Les avancées sociétales occupent une partie très importante du règne du Souverain et donc du documentaire, avec la mise en exergue des avancées en matière de droits des femmes, grâce à la réforme du Code de la famille en 2004, l’une des réformes majeures du règne de Mohammed VI. La nouvelle constitution de 2011, au lendemain du mouvement du 20 février, et la victoire dans les urnes du PJD, mettent également en lumière l’écoute particulière accordée par le Souverain à son peuple. Autant de réformes sociétales qui ne sauraient toutefois être dissociées de la question religieuse. En sa qualité de descendant du Prophète, le Roi est «commandeur des croyants», un titre qui reflète un pan important de l’identité religieuse du Maroc en ce qu’il englobe les Marocains de toutes confessions et prône le vivre-ensemble. Une coexistence chère au Maroc, pourtant confrontée à plusieurs reprises au spectre du terrorisme, devenu un combat majeur. «Malgré les freins des forces conservatrices, Mohammed VI a décidé de porter la cause des femmes dans une société marocaine fortement marquée par le patriarcat. Au sein d’un monde arabo-musulman travaillé par le radicalisme, il incarne un «islam du milieu» qui se veut à l’écoute de son époque», soulignent les journalistes.