Longtemps réticent face à Twitter et Facebook, le président français François Hollande ose enfin prendre la parole de façon plus personnelle sur les réseaux sociaux, un virage tardif à huit mois de remettre son mandat en jeu.
"Je reviens d'Athènes...", "bonne rentrée à toutes et tous", "bravos" aux Français médaillés de Rio: entre ligne d'agendas, extraits de discours et hommages aux défunts célèbres, le chef de l'Etat français - ou ses plumes virtuelles - twitte depuis peu avec une vigueur inédite.
"Nous avons augmenté le nombre de messages puis nous les avons personnalisés", a souligné son entourage vendredi, "c'est un outil important pour toucher ceux qui ne s'intéressent ni aux journaux, ni à la radio ni à la télé. Et plus l'engagement est personnel, plus les commentaires sont positifs."Le compte Twitter @fhollande, muet de 2012 à 2014, a depuis décollé avec 1,7 million d'abonnés contre 1,3 pour le compte @Elysee. Sa page Facebook affiche 950.000 abonnés contre 301.000 pour l'Elysée.
Le président, qui n'a pas encore dit s'il allait briguer un nouveau mandat mais semble bien s'y préparer, poste maintenant une dizaine de tweets et une dizaine de messages Facebook par mois. Un message sur les JO a été vu par 466.000 lecteurs, celui sur la rentrée 250.000. Son tweet le plus partagé a été un hommage au chanteur Michel Delpech mort début 2016: "Il nous avait dit que Marianne était jolie. Elle pleure un de ses meilleurs chanteurs."
Ses tweets restent cependant assez formels, loin des messages décomplexés d'un Barack Obama qui confie passer la Fête des pères en famille au parc national de Yosemite ou du républicain Donald Trump qui ne cesse d'étriller sa rivale démocrate dans la course à la Maison Blanche Hillary Clinton.
François Hollande, lui, "reste très institutionnel, alors que pour qu'un compte fonctionne il faut une interaction avec les followers", estime Christian Delporte, spécialiste en communication politique. La cheffe de l'extrême droite française, Marine Le Pen, donnée favorite au premier tour de la présidentielle, "réussit assez bien à créer un lien affectif avec ses fans, on ne sent pas ça dans le compte de Hollande".De plus en plus impliqué, François Hollande propose pourtant maintenant de lui-même des messages à l'équipe de communication de l'Elysée, où cinq personnes gèrent ses comptes. Il est même présent depuis janvier 2016 sur Snapchat, réseau favori des ados.Pour autant, ces efforts arrivent tardivement, reconnaît-on à l'Elysée. "Sur le plan affectif, la rencontre avec les Français ne s'est pas faite. Aller vers une communication plus personnelle est ce qu'il fallait faire, mais c'est trop tard", tranche l'expert en communication Philippe Moreau Chevrolet.
"Après presque cinq ans au pouvoir, il n'a jamais communiqué sur ses valeurs, ses envies, sa vie privée. D'autres ont communiqué à sa place et saccagé sa vie privée", explique-t-il, en référence à un livre ravageur de son ancienne campagne Valérie Trierweiler, qui l'a fait passer pour un être dénué d'empathie.
"Tout ce qui sera fait en période électorale sera interprété comme intéressé, pour se faire réélire, sa sincérité sera remise en cause", averti l'expert.François Hollande a, selon lui, trop longtemps dédaigné les réseaux : "en 2013, il s'était moqué d'un journaliste qui lui demandait s'il comptait tweeter. En arrivant il a demandé à ses ministres de ne pas communiquer sur Twitter", rappelle-t-il.
L'un d'eux, depuis converti à la cause, confiait il y a encore deux ans à l'AFP que "twitter était contraire à ses valeurs humanistes".François Hollande "préfère parler aux journalistes que directement aux Français, cela le rassure, il pense construire avec eux une image qu'il maîtrise". Mais aujourd'hui, le président socialiste, qui jouit d'à peine 15% d'opinions favorables, n'a plus rien à perdre.