Acculés dans les derniers secteurs qu'ils contrôlent dans la partie orientale d'Alep (nord), deuxième ville et ex-capitale économique du pays, les rebelles syriens ont appelé mercredi à un cessez-le-feu immédiat de cinq jours et à l'évacuation des civils, piégés sous un déluge de feu depuis le début d'une offensive dévastatrice lancée le 15 novembre par le régime.
Six capitales occidentales, dont Washington, Paris et Londres, ont également demandé une trève, dénonçant une "catastrophe humanitaire".
Ce projet de cessez-le-feu a été discuté en soirée à Hambourg (Allemagne), mais sans réelle avancée, par les chefs de la diplomatie américaine et russe, John Kerry et Sergueï Lavrov, dont le pays soutient militairement le régime. "Nous avons l'intention de reprendre contact (jeudi) matin", a déclaré Kerry après la rencontre.
Interrogé au début de la réunion sur l'accord de la Russie à un éventuel cessez-le-feu, Lavrov avait répondu: "J'étais d'accord et je confirme le soutien à la proposition américaine du 2 décembre". Il évoquait une entrevue avec John Kerry vendredi à Rome, durant laquelle les deux ministres se seraient mis d'accord sur un plan d'évacuation des civils et des rebelles d'Alep-Est et sur un nouveau cessez-le-feu.
Al-Assad, fort de ses succès militaires, a exclu un cessez-le-feu à Alep, dans un entretien au journal syrien Al-Watan à paraître jeudi. "C'est vrai qu'Alep sera une victoire pour nous mais soyons réalistes, cela ne signifie pas la fin de la guerre. Néanmoins, ce sera une étape énorme vers la fin" du conflit et "un tournant dans la guerre", a-t-il ajouté.
Alep est le principal front du conflit, qui a fait depuis mars 2011 plus de 300.000 morts et poussé à la fuite plus de la moitié de la population.
Appuyés par des combattants iraniens et du Hezbollah libanais, les soldats contrôlant les quartiers occidentaux d'Alep ont repris plus de 80% des quartiers rebelles dans la partie Est, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Sous une couverture aérienne intense (largages de barils d'explosifs, tirs d'obus ininterrompus), ils ont acculé les rebelles dans les derniers secteurs Sud.
Mercredi, les pro-régime ont remporté une victoire symbolique en reprenant la Vieille ville, coeur historique d'Alep, sans même combattre. Les rebelles s'étaient retirés "de peur d'être assiégés", selon l'OSDH.
L'armée et ses alliés occupent toute la partie à l'est de la célèbre citadelle, monument emblématique d'Alep resté aux mains du régime.
Au pied de cet imposant édifice médiéval s'étend la Vieille ville, qui était le coeur touristique d'Alep avec ses souks, hôtels et restaurants, désertés depuis le début de la guerre.
Selon un correspondant de l'AFP, les dernières zones encore aux mains des rebelles subissent d'intenses bombardements.
Dans ces zones, "des dizaines de milliers d'enfants sont devenus des cibles faciles" et "le nombre de victimes monte en flèche", s'alarme Sonia Khush, directrice de Save the Children. "Des gens marchent dans les rues avec guère plus que quelques habits sur le dos pour se protéger du froid", a-t-elle ajouté, dénonçant l'inaction internationale face au risque "de voir encore plus d'enfants mourir de faim ou être tués".
Assiégés, les groupes rebelles ont réclamé que les civils "souhaitant quitter Alep-Est" puissent se rendre "dans le nord de la province d'Alep" où les insurgés contrôlent encore des secteurs.
Le patron de l'ONU Ban Ki-moon, jugeant "déchirante" la situation des civils à Alep, a également réclamé un cessez-le-feu.
L'intensité des combats a accéléré l'exode de la population: 80.000 personnes ont fui Alep-Est depuis le 15 novembre, alors que 250.000 habitants y résidaient auparavant, selon l'OSDH.
Certains déplacés cherchent refuge dans les quartiers contrôlés par les pro-régime, d'autres ont fui dans des quartiers encore aux mains des rebelles, a précisé l'ONG.
"Nous n'avons pas dormi", raconte Oum Abdo, 30 ans, qui a fui le quartier de Bab al-Hadid avec son mari, ses cinq enfants et sa mère. "Les quatre derniers jours ont été très éprouvants".
Mercredi, dix-neuf personnes ont été tuées à Alep-Est et dans la Vieille ville, tandis que douze ont péri à Alep-Ouest.
Près de 400 civils ont été tués, dont au moins 45 enfants, à Alep-Est depuis le 15 novembre, selon l'OSDH. 92 civils, dont 34 enfants, l'ont été dans Alep-Ouest.