Les pays voisins de l’Algérie sont agacés et ne le cachent plus. En cause, l’ingérence algérienne de plus en plus agressive dans les affaires internes de ces pays qui ont déjà fort à faire avec leurs crises. L’occasion de ce propos est la sortie du parlement libyen de Tobrouk, allié du maréchal Khalifa Haftar, pour dénoncer ouvertement «une ingérence des autorités algériennes dans le conflit libyen».
Cette réaction indignée de l'homme fort de l'Est libyen intervient alors que Abelkader Messahel, ministre algérien des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, a clôturé le weekend dernier une visite très controversée dans le Sud libyen. "Au moment où l'on combat le terrorisme pour sauvegarder la souveraineté nationale (...), nous avons constaté aujourd’hui l’entrée du ministre algérien des Affaires étrangères et sa tournée dans les villes du Sud libyen sans contrôle ni autorisation, comme s’il s’agissait d’une ville algérienne. Et il s’est entretenu avec des personnalités qui portent toujours de la haine envers les Libyens", peut-on lire dans le communiqué publié par les forces du maréchal Haftar dimanche 7 mai.
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De retour à Alger, Abdelkader Messahel a répondu indirectement à ces critiques. Sauf que sa réponse contredit la «position» algérienne claironnée sur tous les toits, qui consiste à «ne pas s’ingérer dans les affaires internes des autres pays». «Nous avons en Algérie des principes sacrés en vertu desquels nous n’acceptons pas l’ingérence dans les affaires de quiconque ni dans nos affaires», a allégué le ministre délégué auprès du ministre des AE, Abdelkader Messahel, cité par l’agence officielle "APS". «Mais quand il s’agit d’un pays voisin, nous sommes au service de la paix et ne recherchons pas la gloire», a-t-il cru bon de rappeler.
Alger qui ne vous veut surtout pas "libyen"!
Une profession de foi algérienne faussement «pacifiste» que les faits démentent cruellement, comme en témoignent la persistance du chaos au Mali, pour ne pas citer d’autres pays sahélo-sahariens (le Niger, entre autres), et plus encore en Libye où les officiels algériens se permettent d’entrer sans même demander une autorisation, comme si ce pays était une «wilayas algérienne»!
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Vexée à l’idée que le dossier libyen lui file entre les mains, après que les protagonistes du conflit libyen, le maréchal Haftar (Est libyen), et le chef du gouvernement d’union nationale, Fayez Seraj, se sont mis d’accord pour se rencontrer courant mai en Egypte, au Caire, au lendemain d’une rencontre qui a eu lieu le 2 mai à Abu Dhabi, aux Emirats arabes unis, Alger n’en démord pas et veut maintenir coûte que coûte sa «médiation» dans le dossier libyen. Au lieu d'accepter l'échec de sa diplomatie et de se poser de sérieuses questions sur son poids inexistant dans la région, Alger menace à mots à peine voilés la Libye. «De quoi compliquer un peu plus les relations entre Alger et le maréchal libyen, déjà très mauvaises. Haftar avait en effet refusé de venir à Alger rencontrer son rival Fayez al-Sarraj, chef du Gouvernement d’union nationale (GNA) soutenu par l’ONU, avant de le faire la semaine dernière aux Émirats arabes unis», relève en effet le site «Tout sur l’Algérie». Idem pour nos confrères du «Matin d’Algérie», critiquant à fleuret moucheté le dernier déplacement de Messahel dans le sud libyen, sous ce titre significatif: «Abdelkader Messahel provoque un incident diplomatique avec la Libye» !
Quand Alger convoque l’ambassadeur tunisien
Le ministère algérien des Affaires étrangères a convoqué hier dimanche 7 mai 2017 l'ambassadeur de Tunisie à Alger, M. Abdelmadjid El Ferchichi, afin de lui demander de fournir des clarifications à propos des déclarations du ministre tunisien des Affaires locales, Riadh Mouakher, a annoncé la diplomatie algérienne dans un communiqué.
Le ministre tunisien, invité jeudi 4 mai 2017 par la Fondation Craxi à Rome dans le cadre d'une conférence internationale au profit de la Tunisie, a dit préférer situer la Tunisie par rapport à l'Italie, plutôt que l'Algérie, «qui était communiste». C'est dire combien les officiels tunisiens sont agacés par cette «malédiction géographique» s’abattant sur leur pays, frontalier d’une Algérie devenue, au fil des manigances, une véritable source de préoccupation pour son voisinage ambiant.
Une réalité qu’Alger ne veut pourtant pas voir ni regarder en face, tellement elle est aveuglée par son illusion de «puissance régionale» qu’elle veut imposer sans en avoir les attributs nécessaires. La convocation de l'ambassadeur tunisien par l'Algérie est la deuxième du genre en huit mois. C'est dire jusqu'à quel point les relations sont tendues entre l'Algérie et la Tunisie, un pays peu enclin pourtant au dialogue musclé.
Alger, d’un échec diplomatique à l’autre
L’exaspération des pays proches de l’Algérie met en évidence l’isolement de plus en plus accentué du voisin de l’est sur la scène continentale, à l’UA, où ses «soutiens» s’effilochent de jour en jour, au sein de la Ligue des Etats arabes, qui ont ignoré superbement l’appel d’Alger pour une «réforme» de cette structure panarabe, lors du 28e Sommet d’Amman qui s'est tenu le 28 mars dernier.
Autre revers, et il n’est pas des moindres. A l’ONU, la voix d’Alger est devenue inaudible en dépit du travail de réseautage et de lobbying mené à grand renfort de pétrodollars tentant en vain de nuire aux intérêts du royaume du Maroc, notamment à son intégrité territoriale. La résolution 2351 adoptée le 28 avril a été on ne peut plus claire pour épingler Alger en tant que partie au conflit autour du Sahara, en l’appelant à jouer plutôt «constructif» pour y trouver une solution politique.
L’Algérie est en crise diplomatique ouverte avec le Maroc, la Tunisie et la Libye. Il ne faut même plus faire d’effort pour reconnaître combien le pays est isolé et à quel point il constitue une menace pour la stabilité de l’Afrique du Nord et de toute la région du Sahel.