Dans une analyse publiée par le centre de réflexion américain spécialisé dans le Moyen-Orient, The Middle East Institute, Robert Ford indique que ce scrutin reflète la réalité d'un pays "tiraillé entre, d'un côté, un système politique dirigé par le président Abdelmadjid Tebboune et soutenu par l'armée qui refuse les changements profonds et, de l'autre côté, une population qui a perdu confiance dans l'ancien système".
Selon le diplomate américain à la retraite, aujourd'hui chercheur senior au sein du think tank basé à Washington, "l'énorme mouvement de contestation de rue, connu sous le nom du Hirak, a réussi à obtenir un boycott généralisé de l'élection", d'où le niveau de participation le plus bas de l’histoire du pays.
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Après la certification des résultats qui ont "consacré l'ancien système", le pays aura à confronter ses "maux éternels", ajoute-t-il en rappelant, pêle-mêle, que "le secteur algérien des hydrocarbures anticipe une diminution de la production et des exportations, et donc une diminution des recettes publiques et des recettes en devises. Les réserves de change du pays ont fortement chuté au cours des 10 dernières années. Les problèmes permanents de chômage, de pénurie de logements et de pouvoir d'achat s'aggravent à mesure que le gouvernement fait face à des budgets plus serrés ou à la perspective d'emprunts lourds".
Selon Robert Ford, "le gouvernement a depuis longtemps reconnu le besoin urgent de développer de nouveaux secteurs pour réduire la dépendance au pétrole et au gaz, mais il n'a jamais été en mesure de créer un environnement réglementaire et un climat des affaires qui attirent de solides investissements nationaux et étrangers. Dans le même temps, la pandémie de Covid perdure alors que le système de santé public, comme tous les services publics, en souffre". La triste réalité, selon ce fin connaisseur de la réalité algérienne, est que "Tebboune et son prochain Premier ministre ne trouveront probablement pas beaucoup de nouvelles idées créatives de la part de leurs partisans au parlement".
L'avenir s'annonce donc sombre, bien que "l'armée, Tebboune et leurs soutiens peuvent être rassurés d'avoir évité la crise institutionnelle imminente à laquelle l'Algérie a été confrontée en 2019, lorsque des millions de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre la réélection du président Bouteflika".
Dans son diagnostic, Robert Ford rappelle que "les forces de sécurité, pour l'instant du moins, ont réprimé les manifestations de rue du Hirak, arrêtant des centaines et condamnant des dizaines d'activistes à la prison afin de dissuader de nouvelles marches", et ajoute que "le gouvernement a intensifié son harcèlement des journalistes indépendants".
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Faute de l'émergence d'une nouvelle classe politique liée à la société civile algérienne et distincte de l'ancien système politique discrédité, "les résultats des élections du 12 juin ont enraciné cet ancien système. Même parmi les soi-disant indépendants qui ont remporté 78 sièges dans la nouvelle chambre basse, il y a beaucoup d'anciens membres de partis pro-gouvernementaux et ils ne représentent donc pas une grande rupture avec le passé", indique-t-il encore.
En conclusion, l'ancien ambassadeur des Etats-Unis rappelle les constats de nombres d'experts et commentateurs qui font observer que les dernières élections censées sortir le régime de sa crise de légitimité, ont plutôt "renforcé le manque de légitimité", pour s'interroger "combien de temps encore l'armée algérienne continuera à soutenir un Tebboune isolé?".