Se solidarisant avec leur collègue de Tipasa (Nord), Malik Boudjouher, des sénateurs de la majorité, constituée du Rassemblement National Démocratique (RND) et du Front de Libération Nationale (FLN) ainsi que du tiers présidentiel, se sont élevés contre l’arrestation le 18 août dernier de ce sénateur pourtant surpris en "flagrant délit" de possession de 500 millions de centimes qui lui auraient été remis comme pot-de-vin par un homme d’affaires.
D’après les médias locaux, les contestataires dénoncent "un règlement de comptes" et "une atteinte à l’immunité parlementaire", en accusant même le secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, de "vouloir attenter au Parlement".
Pour eux, il y a "machination" contre le sénateur et la décision de son arrestation est anticonstitutionnelle du fait qu’il est protégé par l’immunité parlementaire.
Dans ce contexte, le représentant du FLN, Mahmoud Kessari, qui défend becs et ongles le sénateur de Tipasa, souligne qu’il est "victime du pouvoir de l’argent" et d’un "règlement de comptes". "C’est un homme d’affaires puissant qui est derrière l’emprisonnement de notre collègue", ajoute-t-il, estimant que cette affaire est "liée à la présidentielle de 2019".
Cité par le journal "El Watan", l’avocat et président de l’Union nationale de l’Ordre des avocats algériens, Ahmed Saï, précise qu’en cas de "flagrant délit", il n’y a plus d’immunité. " L’article 128 de la Constitution et l’article 111 du code des procédures pénales sont clairs. L’immunité n’a plus d’effet en cas de flagrant délit", explique-t-il.
L’avocat cite des exemples de pays où l’effet de l’immunité est très limité, rappelant qu’au Maroc ou en Tunisie, il y a un débat pour limiter le bénéficie de l’immunité parlementaire uniquement durant la session du Parlement.
"En Europe, on veut la limiter à la séance des débats en plénière", indique M. Saï cité toujours par le quotidien qui dénonce une attitude des sénateurs "frondeurs" qui paraît "maladroite et scandaleuse".
De son côté, le journal d'information "TSA" a qualifié de "fait inédit", le boycott par la majorité des sénateurs du RND, du FLN et du tiers présidentiel de l’ouverture de la session parlementaire "pour protester contre l’arrestation de leur collègue, accusé de corruption".
En raison d’un grand nombre d’affaires de malversations et de corruption ayant éclaboussé dernièrement de hauts responsables algériens, dont celle liée à la tentative d'introduction de 701 kilos de cocaïne en Algérie, les organisations internationales ne cessent de dénoncer différents cas de corruption dans le pays.
A ce titre, le classement de l’Algérie dans le baromètre mondial de la corruption en 2017, où le pays a occupé le 112e rang sur 180 pays, est, à lui seul, révélateur de l’importance que le phénomène de la corruption a pris ces dernières années et qui traduit "la logique prévaricatrice de tout un système".
"Au fil des scandales qui ont précédé (Khalifa, autoroute Est-Ouest, Sonatrach 1…), la justice algérienne a fait la démonstration qu’elle a plutôt vocation à "gérer les affaires de nature politico-financière plutôt qu’à les juger", relève le journal "Liberté" pour qui "l’histoire mafieuse de l’Algérie indépendante se sera enrichie d’un nouveau cas illustrant les multiples formes de connivence entre la prédation politique et administrative, d’un côté, et la flibuste de tous les trafics, de l’autre".
Pour nombre d’observateurs, la base politique du système est liée par le fait qu’il assure de multiples voies d’enrichissement extra-économiques et ne peut donc pas assécher les mécanismes qui lui assurent soutènement politique, comme le passe-droit, la corruption, les activités de blanchiment d’argent, le change parallèle et les attributions arbitraires de patrimoine.
Les scandales qui éclatent à l’occasion sont des accidents de la route d’un fonctionnement auquel beaucoup d’Algériens participent, que d’autres subissent et que tous contemplent, estiment-ils, ajoutant que la lutte contre l’enrichissement illicite, en général, et la délinquance politico-financière, en particulier, reviendrait, pour le pouvoir, de scier la branche sur laquelle il est assis.