Les nouvelles en provenance des Etats-Unis au sujet de l'Algérie ne sont guère rassurantes. En une semaine, un rapport présenté à la nouvelle Administration américaine par The Washington institute for near east policy et deux dossiers de la presse américaine se sont montrés unanimes concernant l'imminence de "la fin du règne de Bouteflika" et "une probable instabilité de l'Algérie" entourant la "succession" du président-malade.
"Bouteflika est confiné en fauteuil roulant et il est incapable de parler", note l'Institut Winep, dans un rapport de dix pages, présenté à l'Administration Trump, avertissant que la "succession" du chef d'Etat algérien, auquel on a diagnostiqué un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2013, sera "contestée ou houleuse", de la même manière que l'a été la situation dans les pays secoués par cette lame de fond nommée "Printemps arabe".
Le rapport présenté par Robert Satloff (directeur exécutif de l'Institut Winep) et Sarah Fauer (experte en questions politiques et religieuses en Afrique du Nord), explique d’abord que le pays avait échappé au "Printemps arabe" à cause principalement de la décennie noire". "En Algérie, l'un des principaux producteurs de pétrole et de gaz, où les souvenirs d'une guerre civile tout au long des années 1990 ont probablement supprimé l'appétit pour un changement radical cette fois-ci, le régime des personnes âgées et le président en difficulté a rapidement répondu aux rumeurs de dissidence en plongeant dans les revenus de l'Etat pour élargir les avantages sociaux et ainsi éviter les troubles plus larges", peut-on lire dans ce rapport.
Il en ressort que si l'Algérie a jusqu'ici échappé à la forte secousse du "Printemps arabe", c'est grâce à la fois à l'achat de la paix sociale érigée par Bouteflika au rang de "politique d'Etat" et aux souvenirs atroces que le citoyen algérien a gardés de la guerre civile qui a marqué au fer rouge les esprits en Algérie, en raison de la longue procession de morts (250.000 victimes!) à laquelle a donné lieu cette guerre civile.
Evoquant la santé du président Bouteflika, l'Institut Winep a d'abord noté que "c'est le président algérien qui a duré le plus", constatant qu'il est aujourd'hui "confiné en fauteuil roulant et incapable de parler". Voire, incapable de gouverner, comme l'avait si bien souligné l'ancien Premier ministre français, Manuel Valls, qui, au terme d'une entrevue avec Abdelaziz Bouteflika, en avril 2016, avait posté sur son compte Tweeter une photo montrant le président algérien complètement diminué par la maladie.
Qui détient le pouvoir en Algérie?Concernant le fonctionnement interne de l’appareil de l’Etat, l’institut américain estime d'abord que les appareils politiques et de sécurité en Algérie restent opaques, relevant toutefois que le pouvoir réside généralement de façon collective entre les mains des groupes de chefs militaires, d'agents de renseignement, d'hommes d'affaires et de politiciens".
Lire aussi : Pourquoi le Maroc devrait se préparer à la déliquescence de l'Etat algérien
Une opacité qui rend incertaines la transition et la succession de Bouteflika, "d'autant plus que la succession n'est toujours pas tranchée", s'inquiètent les auteurs du rapport présenté à l'Administration Trump. Et ce n'est surtout pas le démantèlement du Département du renseignement et de la sécurité (DRS, renseignement algérien) qui va permettre de sauver les meubles. "Les problèmes de santé de Bouteflika, conjugués à une série de restructurations au sein des services de sécurité de l'État, ont soulevé des inquiétudes quant à la stabilité du pays en cas de plan de succession peu clair. Très probablement, les militaires et les services de sécurité choisiront, ou auront déjà choisi, le successeur de Bouteflika, bien qu'une succession contestée ou houleuse reste une possibilité", supputent les analystes.
Autre hic relevé par les auteurs du rapport US, "la situation économique délicate qu'affronterait le nouveau président" en cas d'accord sur le futur successeur de Bouteflika."... Même avec une succession harmonieuse, la probabilité d'une baisse persistance des prix du pétrole signifie que le prochain président algérien héritera d'une perspective économique de plus en plus critique", pointe le rapport, en allusion aux conséquences désastreuses de la baisse des prix du pétrole sur l'économie et les finances d'un pays complètement dépendant des hydrocarbures (98% des exportations et 60% des recettes de l'Etat!).
Prémisses du "Printemps algérien"..."Les milliers de petites protestations des Algériens des dernières années, pourraient ébranler les fondements du régime!", alerte le rapport américain, notant que les cinq dernières années ont déjà vu des milliers de petites protestations des Algériens demandant l'accès au logement, aux soins et aux emplois". "L'une des raisons pour lesquelles ces protestations ne se sont pas transformées en une force nationale, plus perturbatrice, est que l'État a généralement réussi à récompenser suffisamment les manifestants dans un laps de temps relativement court".Toutefois, prévient l'institut Winep: "Si les recettes en baisse de l'État limitent sa capacité à répondre au mécontentement du public, les protestations croissantes pourraient ébranler les fondements du régime".
Les médias américains tirent la sonnette d'alarmeLes conclusions du rapport de l'institut Winep recoupent celles des médias américains, alertant à l'envi contre un nouveau basculement dans la guerre civile en Algérie. Dernière sortie médiatique en date, celle du Newsweek. Dans son éditon du 5 février, ce prestigieux magazine US a tiré la sonnette d'alarme sur la question "non tranchée" de la succession de Bouteflika. La guerre que se livrent le clan Bouteflika et celui de l'ancien patron du DRS vient compliquer la question de la transition en Algérie, à la faveur d'une "lutte du pouvoir" qui risque d'être sanglante au pays des "martyrs"!
Lire aussi : Algérie: un rapport du Département d'Etat très critique sur la corruption
Rappelez-vous encore: pas plus que le 16 décembre 2016, The New York Times avertissait que "l'Algérie était gouvernée par un petit cercle de généraux et d'officiers du renseignement". Ce petit cercle de généraux a non seulement "échoué à apporter une solution aux problèmes chroniques de l’Algérie", mais "continue de renforcer sa poigne autour d'un peuple interdit de manifester, de prendre la parole et de s'exprimer", a fustigé la publication américaine. Ce climat liberticide constitue "un réel danger pour la stabilité de l’Algérie", a-t-elle en effet alerté.
Une alerte qui combinée à celle de Winep, entre autres instituts aux USA ou en Europe, ne sont hélas pas prises au sérieux par un pouvoir algérien dépassé par les événements, toujours recroquevillé sur lui-même et qui ne veut toujours pas prendre acte du changement.