Une partie des journalistes de l'audiovisuel public dénonce depuis le début, le 22 février, du mouvement de contestation inédit qui secoue l'Algérie, les "pressions" subies de la part de leur hiérarchie pour passer sous silence les premières manifestations, puis pour en atténuer les mots d'ordre.
Ils manifestent chaque semaine devant leur siège pour la "liberté d'informer" et la fin de la "censure" dans leurs rédactions, encore largement soumises au pouvoir politique.
Journaliste à Canal Algérie, la chaîne francophone de la télévision publique algérienne, Abdelmadjid Benkaci a indiqué à l'AFP avoir reçu un "avertissement" pour avoir pris part, sans l'autorisation de sa hiérarchie, à un débat sur une chaîne privée, consacré aux médias publics.
La journaliste Melina Yacef a, de son côté, confirmé à l'AFP l'arrêt, sur une autre chaîne de la télévision publique, de son émission "Sur la voie du changement". Les deux journalistes ont attribué ces sanctions à leur engagement public pour un audiovisuel libre et indépendant du pouvoir.
Le 9 mai, Benkaci avait déjà dénoncé la mise à l'écart "par la direction" d'Abderrezak Siah de son poste de présentateur d'un des journaux télévisés de l'A3, une chaîne arabophone publique.
Dans un tweet, Nadia Madassi, qui a démissionné début mars de son poste de présentatrice du JT du soir de Canal Algérie, a attiré l'attention sur ces sanctions ainsi que celles contre le journaliste Ali Haddadou et la technicienne Imène Slimane, mutée, pour leur soutien au mouvement de contestation.
Dans un communiqué publié mardi, RSF dénonce des "mesures abusives et appelle à leur levée immédiate".
Il s'agit de "sanctions disproportionnées et injustifiées contre des journalistes qui n'ont fait qu'appeler à une presse libre et indépendante", déclare Souhaieb Khayati, directeur du bureau Afrique du Nord de RSF dans ce communiqué.
RSF dénonce également la déprogrammation de l'émission "Questions d'Actu" sur Canal Algérie, "censurée parce que trop critique sur la situation politique du pays", selon l'ONG de défense de la liberté de la presse.
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Le compte Facebook de l'émission, qui avait consacré le 30 avril un numéro spécial au mouvement de contestation, a toutefois annoncé son retour après le mois de ramadan. Le présentateur de l'émission n'a pu être joint par l'AFP.
Le directeur général de la télévision publique, Toufik Khelladi, avait été limogé fin mars, en pleine fronde inédite de ses journalistes.
Dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF), l'Algérie occupe la 136e place sur 180 pays.