Les députés allemands ont réélu mercredi Angela Merkel chancelière pour un quatrième mandat qu'elle entame en position difficile après six mois d'imbroglio dans sa quête de majorité. Sur les 688 votes valables, 364 députés ont voté en sa faveur à bulletin secret, soit 9 de plus que la majorité requise mais 35 de moins que sa majorité théorique de 399 élus conservateurs et sociaux-démocrates.
La dirigeante se voit confier un quatrième mandat consécutif à la tête du gouvernement allemand après avoir réussi à constituer une coalition réunissant son parti, l'Union chrétienne démocrate (CDU), et les sociaux démocrates du SPD. "J'accepte le vote", a déclaré Angela Merkel devant le Bundestag, citée par Reuters.
Bien qu'arrivée en tête lors des élections législatives en septembre, la CDU a enregistré son plus mauvais score électoral au niveau national depuis 1949. Après des semaines de tractations infructueuses avec les libéraux du FDP et les Ecologistes, les chrétiens démocrates se sont tournés vers le SPD avec lequel ils ont dirigé l'Allemagne dans une "grande coalition" entre 2013 et 2017.
Encadré: Angela Merkel en cinq étapes clésDes débuts de la "gamine" à l'impasse politique de 2017, voici cinq étapes clés de sa carrière:
Le chancelier de la Réunification Helmut Kohl la surnommait "la gamine". Dans le sillage de la chute du Mur, il lui met le pied à l'étrier en lui confiant ses premiers ministères. La scientifique sans grand charisme gravit ensuite rapidement les échelons de la CDU, le parti conservateur. Mais quand Kohl, déjà battu aux élections de 1998, se retrouve englué dans un scandale de caisses noires, elle "tue le père" et prend la tête de la CDU le 10 avril 2000.
Le 22 novembre 2005, elle est la première femme à accéder à la chancellerie après avoir défait le social-démocrate Gerhard Schröder.
En 2011, après la catastrophe de Fukushima (Japon), Angela Merkel annonce à la surprise générale et face à la pression de l'opinion, la sortie du nucléaire d'ici 2022. Un revirement spectaculaire avec un objectif ambitieux: 80% des besoins énergétiques de l'Allemagne doivent être couverts par les renouvelables en 2050. Mais à ce stade les très polluantes centrales à charbons restent indispensables, et Berlin va rater l'objectif de réduction de gaz à effets de serre pour 2020 de 40% par rapport à 1990.
Moustache hitlérienne, uniforme SS... Dans les manifestations anti-austérité à Athènes, Angela Merkel n'échappe à aucune caricature. Car face à la crise de la dette grecque, la chancelière se montre intransigeante et impose des mesures d'économies drastiques en échange de plans de sauvetage internationaux. Pressée par la France de délier les cordons de la bourse, la chancelière ne cède rien, ce qui lui vaudra le surnom de "Madame Non".
A la fin de l'été 2015, elle ouvre les portes de l'Allemagne à des centaines de milliers de demandeurs d'asile. Au nom du devoir humanitaire, malgré les critiques en Europe et à domicile, elle martèle sa fameuse phrase "wir schaffen das" ("nous y arriverons"). Il s'agissait d'illustrer la capacité de l'Allemagne à accueillir et intégrer ces réfugiés. Répétée à outrance, la chancelière finit par renoncer à cette formule, "devenue un simple slogan" presque "vide de sens". Et face à l'inquiétude d'une partie de la population et à la montée de l'extrême droite, Mme Merkel a depuis drastiquement durci sa politique migratoire.
Mme Merkel remporte ses quatrièmes législatives de rang le 24 septembre 2017. Mais elle enregistre un score historiquement bas, quand l'extrême droite fait une percée historique. Du jamais vu dans l'histoire allemande d'après-guerre: elle est empêtrée dans un imbroglio de près de six mois avant de finalement arracher en mars 2018 la reconduction de sa coalition mal-aimée avec les sociaux-démocrates. L'Allemagne échappe aux élections anticipées.
Pour la première fois, même dans son camp conservateur, les ambitions des uns et les critiques des autres se font entendre. Les médias évoquent l'érosion d'une chancelière après 12 ans de pouvoir. Et s'interrogent : tiendra-t-elle jusqu'en 2021? Signe de ses difficultés, Mme Merkel n'a obtenu mercredi que neuf voix de plus que la majorité requise de 355 députés, soit 35 de moins que sa coalition de 399 élus conservateurs et sociaux-démocrates.