Fin juillet, dans l'est de l'Allemagne. Le soleil cogne sur les terres de Saxe-Anhalt, une région de l'ex-RDA communiste située à l'ouest de Berlin. Des terres parmi les plus fertiles du pays, mais littéralement sevrées d'eau depuis plusieurs mois.
Contrairement au sud du pays, "il n'a pas vraiment plu (ici) depuis avril" alors que normalement "c'est la principale période de croissance de nos céréales et des autres cultures. On n'a jamais rien vu de tel", lâche Juliane Stein, qui travaille au sein d'Agro Bördegrün, un conglomérat agricole formé après la réunification allemande, en 1990. "On en est arrivé à un point (...) où on parle d'une catastrophe naturelle qui menace notre gagne-pain", s'inquiète-t-elle.
Mardi, l'Association des agriculteurs allemands (DBV) a en effet appelé à des négociations de crise pour discuter de l'aide d'État, alors que le secteur redoute des pertes massives cette année. "Nous attendons des milliards (d'euros) de pertes (...) Le gouvernement doit déclarer l'état d'urgence afin que les agriculteurs dans les zones les plus durement touchées puissent être aidés", s'est alarmé cette semaine le président de DBV, Joachim Rukwied.
Rien que pour les céréales, la récolte s'annonce très difficile, avec une perte actuellement estimée à huit millions de tonnes, soit 1,4 milliard d'euros de manque à gagner.Betterave, colza et maïs ont aussi souffert de la sécheresse, incitant les agriculteurs à récolter deux à trois semaines plus tôt que d'habitude. "Les tiges de maïs sont à hauteur de genou. Normalement, ils devraient mesurer plus de deux mètres maintenant", se lamente Juliane Stein.
La pénurie de céréales prive les agriculteurs de fourrages pour leurs bêtes et en fait, mécaniquement, grimper les prix. De nombreux producteurs laitiers se sont d'ores et déjà résolus à vendre leur bétail et le nombre de vaches et de génisses abattues a bondi de 10% dans les deux premières semaines de juillet, selon l'Agence allemande pour l'agriculture et la nutrition.
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Seule bonne nouvelle, l'Allemagne, pour l'heure, a été épargnée par les incendies d'ampleur, comme ceux qui ont ravagé des dizaines de milliers d'hectares en Suède ou fait des dizaines de morts en Grèce. Mais la Saxe-Anhalt a tout de même vu de vastes étendues de terres agricoles s'embraser, à l'image de ces dizaines d'hectares partis en fumée près de Barleben, un village au nord de Magdeburg : "le blé, quand il est sec, est aussi inflammable que la paille", glisse Juliane Stein.
Alors, face à un ensoleillement de plus en plus important, le nord de l'Allemagne va-t-il se muer en une région d'olives, de vins et d'agrumes? Juliane Stein est confiante, tout en notant que les agriculteurs vont devoir s'adapter pour survivre à ce type d'épisodes météorologiques.
Pour améliorer la germination, ils utilisent déjà l'agriculture sans labour et le paillis, une méthode qui consiste à poser une couche de matériau protecteur sur le sol, principalement dans le but de modifier les effets du climat local. Sans compter la sélection des semences, la mutagénèse, qui permet de développer des cultures plus résistantes à la chaleur, même si cette dernière solution risque d'être freinée : la Cour européenne de justice a jugé mercredi que les semences qui en étaient issues étaient des OGM et doivent à ce titre être soumises aux mêmes règles et précautions contraignantes.
L'Allemagne n'a pas connu d'été aussi chaud depuis au moins 15 ans, explique à l'AFP Thomas Endrulat, de l'agence météorologique allemande. De tels phénomènes extrêmes correspondent à des modèles de prévisions pour l'Europe en raison du changement climatique mais, prévient Thomas Endrulat, il ne faut pas pour autant tirer des conclusions catastrophistes en raison de cette année "exceptionnelle".
Pas de nature pourtant à réconforter les agriculteurs allemands. "On plante une graine à l'automne, elle germe et elle a besoin d'eau au printemps pour grandir", résume Juliane Stein. "Et si ça n'arrive pas, il n'y a rien que tu puisses faire"...